Le climat tunisien de ces dernières décennies est marqué par une hausse des températures et un déclin des cumuls annuels de précipitations. D’après les projections climatiques, ce phénomène devrait s’amplifier, ce qui risque d’exacerber les tensions sur l’usage de l’eau déjà existantes et constitue une menace particulière pour le secteur agricole. La Tunisie subit déjà de plein fouet les conséquences du changement climatique.
Face à des épisodes de pluie et de neige de plus en plus rares et à l’augmentation de la température, la Tunisie s’apprête à devenir une région de plus en plus aride. Entre 1999 et 2002, elle a connu l’une des plus remarquables sécheresses depuis le XVe siècle. Ces épisodes, qui s’annoncent de plus en plus fréquents, risquent de peser sur la ressource naturelle la plus indispensable à notre survie : l’eau. En effet, les ressources en eau seront affectées notamment par l’augmentation de la demande, la surexploitation des nappes, la dégradation de la qualité et la salinisation des nappes côtières suite à l’élévation du niveau de la mer (ENM) due au changement climatique. Les projections climatiques actuelles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) estiment que, d’ici 2050, la Tunisie connaîtra une augmentation moyenne annuelle de sa température de +2.1°C. D’après ces mêmes projections, le réchauffement sera à l’origine de près d’1/5e des pénuries d’eau dans le pays d’ici 2050. De plus, avec 1148 km de côtes, la Tunisie est aussi fortement menacée par l’élévation du niveau de la mer.
Des dangers pour l’activité économique
La désertification des terres, la pénurie des ressources en eau et les risques d’inondation et de submersion par les mers sont des dangers pour l’activité économique du pays. Concernant l’agriculture, les conséquences du risque climatique se traduiraient notamment par le manque d’eau pour l’irrigation, la perte des superficies arboricoles et notamment oléicoles et la baisse des rendements céréaliers par la perte de la fertilité des sols et des superficies cultivables. Le secteur de la pêche et de l’aquaculture est vulnérable aussi au changement climatique avec des impacts attendus en termes de réduction de la production et des activités halieutiques face aux invasions biologiques et la baisse du rendement de la pêche côtière affectant notamment une large population vulnérable de pêcheurs. En plus des effets directs, le changement climatique peut aussi avoir un effet aggravant.
Les forêts, les garrigues, les zones humides ou encore les terres non-agricoles, déjà très impactées par les activités humaines, voient leur dégradation s’accélérer avec les effets du réchauffement. Les sols se dégradent plus rapidement, et les écosystèmes forestiers sont de moins en moins capables d’assurer leur fonction de séquestration du carbone. Face à ces catastrophes annoncées, la Tunisie doit faire preuve de résilience et développer des mesures concrètes d’adaptation au changement climatique.
Consciente de cette situation, la Tunisie s’est engagée dans une démarche sérieuse en dessinant progressivement les contours de sa propre vision, conformément aux décisions prises à l’échelle internationale.
Des objectifs pour renforcer la résilience
La Tunisie se déploie aussi pour assurer un développement résilient au changement climatique en intégrant la prise en compte des risques climatiques dans le processus de planification du développement. En matière d’atténuation, un effort important est déployé à travers diverses actions en faveur du climat. S’agissant de l’adaptation, la Tunisie s’est concentrée sur les secteurs et écosystèmes les plus vulnérables au changement climatique, à savoir l’eau, l’agriculture et le littoral.
L’ambition tunisienne en matière du climat a été d’ores et déjà annoncée et officiellement adoptée dans le cadre de la Contribution Déterminée au niveau National (CDN) de 2015. En effet, en matière d’atténuation, l’objectif de la Tunisie est de réduire, en 2030, l’intensité carbone de 41% par rapport à celle de 2010. Cela nécessite un grand effort d’atténuation notamment dans le secteur de l’énergie qui représentera à lui seul plus de 73% de la réduction des émissions en 2030.
En matière d’adaptation, la CDN prévoit des projets importants couvrant l’ensemble des secteurs et écosystèmes les plus vulnérables au changement climatique, notamment les ressources en eau, le littoral, l’agriculture et les écosystèmes forestiers et pastoraux, le tourisme et la santé.
Pour être en ligne avec l’esprit de l’Accord de Paris et reconfirmer son engagement dans la lutte contre le changement climatique, la Tunisie a lancé la préparation de la mise à jour de cette première CDN afin de relever davantage l’ambition climatique aussi bien pour l’atténuation que pour l’adaptation de son territoire aux risques climatiques.
Une vision climatique à plus long terme
Pour se mettre sur une trajectoire à faibles émissions de son économie à plus long terme, la Tunisie a lancé la préparation de sa Stratégie Nationale Bas Carbone à l’horizon 2050 dans le secteur de l’énergie, qui sera un input crucial à la stratégie nationale bas carbone à l’horizon 2050 couvrant tous les secteurs.
Dans ce cadre, la vision de la stratégie à long terme dans le secteur de l’énergie est de stabiliser les émissions du secteur autour de 2040 pour atteindre un niveau d’émission au moins égal sinon inférieur à celui de 2015.
Un plan national d’adaptation avec l’appui du Fonds Vert pour le Climat
La Tunisie s’est engagée dans un processus de concertation nationale en 2017- 2018 pour préparer la feuille de route qui facilitera la conduite du processus d’élaboration du Plan National d’Adaptation (PNA). Un ensemble d’activités préparatoires a été initié avec l’aide de la coopération internationale afin de doter les différentes parties prenantes tunisiennes des outils, approches et bonnes pratiques afin de mener à bien le processus d’élaboration du PNA aux impacts du changement climatique.
Un besoin important en investissement
Conformément à la Contribution Déterminée au niveau national de la Tunisie, les investissements prévus pour l’atteinte de l’objectif de la CDN sont de l’ordre de 20 milliards de dollars sur la période 2015-2030. Les besoins d’investissement nécessaires pour la réalisation de l’objectif d’atténuation s’élèveraient à environ 18 milliards de dollars, dont environ 500 millions de dollars correspondent aux besoins de renforcement des capacités. Les besoins d’investissement nécessaires pour l’adaptation seraient d’environ 2 milliards de dollars. Pour l’adaptation, il s’agit principalement de coûts « soft » d’appui et de vulgarisation de nouvelles pratiques (appui institutionnel, renforcement des capacités, etc.), pour se prémunir contre les impacts du changement climatique. Pour le financement de ces investissements lourds, la Tunisie a besoin de mobiliser toutes les sources possibles de financement et plus particulièrement celles en provenance du secteur privé, local, de la coopération institutionnelle internationale et de la finance climatique.