En rejetant l’idée d’un chantage exercé par la partie européenne sur la Tunisie, M. Cornaro, ambassadeur de l’EU en Tunisie, a fait état des convictions des deux parties quant à la nécessité de lutter ensemble contre les flux migratoires irréguliers.
Les relations entre la Tunisie et l’Union européenne sont imprégnées, depuis quelques années, de flou et d’incertitudes accentués par le dossier, complexe quand il n’est pas conflictuel, migratoire. La Tunisie, sans y être préparée vraiment et sans avoir les moyens pour lutter, est devenue le pays « de transit », « de départ », parfois « de destination » ou encore « la frontière du sud ». Plusieurs appellations pour signifier ce qu’on attend de la Tunisie ; devenir une frontière hermétique du sud de l’Europe.
Or, tout le monde a cru que les choses allaient se décanter après la signature, un certain 16 juillet 2023 à Carthage, du mémorandum d’entente entre la Tunisie et l’Union européenne, qui devait jeter les bases d’un partenariat stratégique et global entre les deux parties. Seulement voilà et compte tenu de la formulation de certaines clauses, manquant de précision et de clarté, près de trois mois après la signature, force est de constater que rien de concret ou presque n’a été fait quant à l’application dudit accord.
En effet, après les prometteuses déclarations de la présidente du Conseil d’Italie, Giorgia Meloni, une aide budgétaire a été proposée et annoncée à la Tunisie, il y a quelques jours, par la Commission européenne qui « va à l’encontre du mémorandum en question et encore à l’esprit prévalant lors de la conférence de Rome tenue en juillet dernier, à l’initiative de la Tunisie et l’Italie », comme a tenu à le préciser le Président de la République.
Ainsi, tout en réitérant sa volonté de poursuivre la coopération positive entre la Tunisie et l’Union européenne, le Président Kaïs Saïed a insisté sur le fait que « la Tunisie et son peuple exigent le respect et n’acceptent pas la charité ».
A ce propos, Saïed a annoncé que la Tunisie rejette l’aide annoncée ces derniers jours par l’Union européenne, non pas en raison du montant alloué, mais parce que cette proposition va à l’encontre du mémorandum d’entente signé entre la Tunisie et l’Union, tout en soulignant que la Tunisie est ouverte à la coopération mais n’accepte, en aucun cas, ce qui ressemble à de la charité.
Traduire par les faits
A rappeler que la Commission européenne avait annoncé le 22 septembre dernier, une aide budgétaire de 60 millions d’euros en faveur de la Tunisie et un programme d’assistance lié à la lutte contre la migration irrégulière de l’ordre de 67 millions d’euros incessamment décaissés.
La Commission a précisé que cette aide budgétaire intervient dans le cadre de la mise en application du mémorandum mettant en place un partenariat stratégique et global conclu le 16 juillet 2023 entre la Tunisie et l’Union européenne.
Au lendemain de cette déclaration, l’ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, Marcus Cornaro, a réagi, lors d’une interview accordée à une radio de la place. Le diplomate considère que c’est plutôt une sorte d’impatience que ressentent, d’ailleurs, les deux parties quant à la nécessité de traduire, au plus vite, par les faits, les dispositions du mémorandum. Cornaro enchaîne, en assurant que la Tunisie et l’Union européenne sont d’accord sur les priorités et en contact permanent pour faire avancer la mise en œuvre des accords conclus.
Parlant le langage des chiffres, l’ambassadeur a confirmé, de nouveau, les 42 millions d’euros proposés il y a deux mois, sur un total de 105 millions d’euros, ainsi que les 100 millions d’euros alloués à la coopération maritime. Toutefois, M. Cornaro a tenu à préciser que les 900 millions d’euros évoqués dans certaines déclarations médiatiques, en marge de la signature du document, n’entrent pas dans le cadre cet accord qui, faut-il le rappeler, ne contient pas de chiffres.
Comment financer son budget ?
Il a indiqué, également, que les 900 millions d’euros ont été évoqués sous forme de prêt pour accompagner les réformes qui sont tributaires d’un accord avec le Fonds monétaire international.
Evoquant la démarche de la Tunisie à propos du processus de négociation avec le FMI et la conclusion d’un accord, l’ambassadeur européen a estimé que cela « manque de clarté », avant de mentionner que la Tunisie est libre d’avoir recours au FMI ou un autre bailleur de fonds. Elle est appelée à être claire, cependant, quant aux ressources devant lui permettre de financer son déficit budgétaire.
Après avoir salué la « légère amélioration de la situation économique grâce à une excellente saison touristique, et une amélioration sensible des recettes fiscales, il a toutefois estimé qu’il est indispensable pour la Tunisie de trouver les fonds pour financer son budget. Et tout en rejetant l’idée d’un chantage exercé par la partie européenne sur la Tunisie, M. Cornaro a fait état des convictions des deux parties quant à la nécessité de lutter ensemble contre les flux migratoires irréguliers.
Autant dire qu’entre la déclaration du Chef de l’Etat et celle de l’ambassadeur de l’U.E, les choses tendent à avancer dans le bon sens, témoignant de la détermination des deux parties, malgré les difficultés ponctuelles, d’avancer sur la voie d’un partenariat positif, pragmatique et dans le respect mutuel.