Emblème du sud du pays, le somptueux Lézard Rouge, qui a contribué à faire découvrir le « far west tunisien » aux visiteurs locaux et étrangers, a subi plusieurs mésaventures.
Que le Québécois François Péloquin, le producteur de la célèbre émission, nous excuse pour lui avoir emprunté le titre (Un train pas comme les autres), le Lézard Rouge est devenu un train touristique, serpentant les gorges de Shelja sur une distance de 43 km, empruntée aussi par les trains miniers, à la découverte d’un canyon digne d’un Far West, qui a ensorcelé les producteurs des films western, pour ne citer que Sergio Leone. Il a vu le jour dans les ateliers Rouvain en 1910 par la société Dyle & Bacalan (France), et fut offert au Bey de Tunisie au temps du Protectorat.
C’est en 1922 qu’il fut adapté au réseau ferroviaire tunisien, pour reprendre service en 1974. Longtemps utilisé par le Bey de Tunisien pour ses déplacements dans la banlieue de la capitale, il a constitué une icône d’un tourisme unique dans le genre, et qui laisse pantois les visiteurs. Il fut remis en service en 1984 sur le tronçon Redeyef-Métlaoui, au grand bonheur des touristes venus de tout bord. Mais la beauté des lieux et du parcours furent gâchés par les eaux ruisselantes des laveries de phosphate, déversées dans le nid de l’oued Shelja, connu sous le nom du site Ramsar. Cet état délabré explique en grande partie le recul d’une activité touristique qui a déclassé ces contrées du gotha des circuits à programmer pour les touristes. Délaissé et ignoré par les décideurs, le Lézard Rouge a perdu de sa splendeur, les pluies torrentielles de 2017 ont fait le reste en immobilisant ce train à la gare de Métlaoui. C’est que la voie empruntée fut emportée par les torrents. Alors, lenteur des travaux et/ou laxisme des responsables, le chantier a porté un coup de massue à ce joyau beylical, tout comme à la ville de Métlaoui, qui œuvre pour aspirer à décrocher le label de municipalité touristique.
La retraite forcée du Lézard Rouge
Maintenant que le trafic ferroviaire sur ce tronçon est rétabli, seulement pour le transport du phosphate, qu’en est-il de l’activité exploratrice et touristique du Lézard Rouge ? En ces vacances scolaires et le flux massif des touristes tunisiens et étrangers vers Tozeur, le Lézard Rouge aurait pu être une étape incontournable pour les visiteurs du sud-ouest ; surtout ceux qui débarquent de l’autre rive de la Méditerranée ; et parmi eux, ceux qui se plaisent à voyager dans le temps et l’espace, sur les traces du géologue français Philippe Tomas, parti en 1886 à la découverte des gisements de phosphate dans les gorges de l’oued Shelja. Mais non seulement, le Lézard Rouge a perdu sa vocation touristique, il est condamné à une léthargie qui n’a que trop duré. Chokri Brahmi, membre actif de la société civile, apporte son témoignage : «Le Lézard Rouge a perdu de sa verve depuis des années à cause de cette nonchalance des responsables, qui l’ont contraint à une retraite forcée. Ces dernières années, la société civile s’est démenée dans tous les sens pour réactiver ce train et lui rendre âme, mais en vain. L’association pour la sauvegarde du patrimoine minier et les scouts tunisiens se sont mêlés à la bataille. Une campagne de sensibilisation fut lancée en juillet 2019, sous le nom ( Save My train), pour collecter les signatures, visant 5.000 signatures virtuelles, pour la présenter au ministère du Tourisme, dans le but de restaurer le lézard rouge et l’inscrire sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco ».
Des initiatives qui semblent bousculer une situation d’inertie, avec l’intervention des autorités locales, qui ont mis la main dans le plat, avec la complicité de la Sncft, pour transférer le train aux garages centraux de la société, et procéder aux réparations et restaurations nécessaires. Aux dernières nouvelles, le Lézard Rouge roulera de nouveau sur les rails début 2024.