Longtemps considéré comme le meilleur henné au monde en raison de ses propriétés cosmétiques et médicinales, ce patrimoine agricole précieux, qui a longtemps égayé les soirées de mariage, est aujourd’hui marginalisé et risque de disparaître à jamais.
Intégrée au patrimoine culturel, notamment à Gabès dans le Sud tunisien, la culture du henné bat de l’aile face au stress hydrique et au refus des nouvelles générations de perpétuer cette tradition ancestrale léguée de père en fils. Jadis, très prisé et connu pour sa grande qualité naturelle et ses bienfaits capillaires indéniables, ce colorant traditionnel risque de tomber en désuétude en l’absence de mesures de soutien émanant des sphères des décideurs.
Le cri de détresse des cultivateurs
Anouar Faleh, originaire de la belle région de Chenini Gabès, dans le sud du pays, a hérité de ses aïeux la culture de cette plante ancrée dans le temps. Il est aujourd’hui consterné par la dégradation de cette culture qui risque de disparaître à jamais. «J’ai passé plus d’une cinquantaine d’années dans cette culture. Je l’ai héritée de mon père et de mon grand-père», témoigne-t-il à notre journal. Le plus grand problème auquel il fait face est celui de la pénurie d’eau qui dure depuis plus de quatre ans. «Les associations d’irrigation à intérêt collectif ne peuvent plus répondre à nos besoins en raison de la pénurie récurrente d’eau.
Nos terres sont irriguées une fois par mois, ce qui a considérablement impacté la culture de henné. Une heure d’irrigation coûte 5 dinars et il me faut 12 heures pour assurer l’irrigation de ma parcelle», ajoute-t-il.
En plus du stress hydrique, la culture de henné est confrontée, ces dernières années, à un autre grand problème, celui de l’importation par les privés de ce produit du Soudan. Une concurrence qui tombe mal, d’autant que la production de henné de Gabès coûte plus cher en raison bien évidemment de sa qualité.
Même les souks de Gabès et de Tunis sont submergés par l’effet de l’importation de ce produit, alerte notre interlocuteur alors qu’en matière de qualité, le henné de Gabès se distingue par sa qualité supérieure.
Une culture en déclin
« A la pénurie d’eau et à l’importation de henné du Soudan, s’ajoutent d’autres problèmes relatifs à la pollution engendrée par le complexe chimique à Gabès qui a impacté la production de ce produit et au refus des jeunes de prendre le relais. C’est une culture qui nécessite un savoir-faire et surtout beaucoup de patience. De nos jours, les temps ont changé et les jeunes refusent de prendre la relève. Pour eux, il va sans dire, la culture de henné n’est plus rentable », regrette Anouar.
En dépit de ses propriétés cosmétiques mais aussi médicinales, puisque ce produit servait à calmer les maux de tête et certaines irritations de la peau, le henné est malheureusement en perte de vitesse. De nos jours, il est utilisé de manière occasionnelle, lors des fêtes de mariage ou les fêtes de circoncision des enfants. D’autres produits importés pour colorer les cheveux ont détrôné le henné. Les habitudes ont changé et le henné n’est plus à la mode. On comprend aujourd’hui la détresse des cultivateurs de henné qui multiplient les cris de détresse en direction des décideurs pour qu’ils interviennent et prennent des mesures visant tout d’abord à lutter contre l’importation clandestine de ce produit et à promouvoir l’insertion des jeunes dans la chaîne de production.