La campagne mondiale, lancée du 25 novembre au 10 décembre, sur le thème «Seize jours d’activisme contre la violence basée sur le genre», vient de s’achever et a mis sous les feux des projecteurs le phénomène de la violence à l’égard des femmes qui ne cesse de prendre des proportions inquiétantes à travers le monde comme en témoignent les féminicides dont le nombre ne cesse d’augmenter.
L’Office national de la population et de la famille (Onfp) a organisé une table ronde consacrée à l’analyse du phénomène de la violence à l’encontre des femmes en Tunisie à travers une lecture juridique, psychologique et sociale.
Cet événement s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action du projet de coopération avec l’Agence espagnole de coopération internationale au développement (Aecid) qui œuvre en partenariat avec l’Onfp à la promotion de l’équité de genre et la prévention des différentes formes de violence à l’égard à des femmes, a souligné le professeur Mohamed Douagi, président-directeur général de l’Office, lors de cet événement qui rentre dans le cadre des seize jours d’activisme contre la violence basée sur le genre.
Par ailleurs, le conférencier a mis l’accent sur l’importance de cette campagne mondiale qui permet à l’Office de s’associer aux efforts entrepris par les défenseurs des droits des femmes pour lutter contre toute forme de violation des droits des femmes et des filles, en Tunisie et dans le monde. « Comme à l’accoutumée, l’Onfp réitère son engagement dans le combat contre la violence à l’égard des femmes. Ce combat a débuté en 2006, période durant laquelle la violence à l’égard des femmes faisait partie des sujets tabous. Des activités ont été organisées, afin de sensibiliser la population, d’une part, et interpeler les différents acteurs en vue de conjuguer les efforts en la matière à travers le recours aux moyens et mécanismes de mise en œuvre des stratégies, programmes et services appropriés », a relevé le PDG de l’Onfp, affirmant que les différentes formes de violence à l’égard des femmes et des filles constituent des obstacles à la paix et au développement durable.
La loi 58 basée sur la responsabilité sociétale
En fait, à partir de 2006, l’Aecid a accompagné les institutions publiques tunisiennes dont l’Onfp et la société civile dans le lancement d’actions visant à renforcer les efforts de lutte contre toute forme de violence à l’encontre des femmes à l’échelle nationale. S’inspirant de l’expérience espagnole en la matière, l’Aecid a contribué à la première enquête nationale sur les violences à l’encontre des femmes. Les résultats, publiés en 2010, ont révélé des faits alarmants sur l’ampleur du phénomène, ce qui a conduit à la promulgation de la loi 58/2017. « La lutte contre la violence continue d’être un axe majeur de notre travail. 80% du budget que nous consacrons à la promotion de l’égalité sont alloués à ce volet. Nous sommes en train de mettre en place un grand programme de coopération dans le cadre de la lutte contre les violences basées sur le genre, cofinancé par l’UE dans la cadre du programme d’appui à l’inclusion sociétale », a souligné Mme Soledad Gutérriez Pastor, responsable des projets de coopération à l’Aecid. Intervenant sur la loi 58 destiné à protéger les droits des femmes victimes de violence, Feten Sebai, juge conseiller de la chambre criminelle à la Cour d’Appel de Nabeul, a mis l’accent, de son côté, sur l’importance de cette loi axée sur les principes de l’égalité et de la non discrimination afin de préserver la dignité humaine. Cette loi est notamment basée sur une approche globale qui inclut toutes les formes de violence à l’encontre des femmes et qui fait intervenir plusieurs ministères appelés à conjuguer leurs efforts pour la lutte contre la violence basée sur le genre. Toutefois, l’application de cette loi révèle des défaillances relatives à la prise en charge des femmes victimes de violence par les intervenants de 1ère ligne (agents de police, justice, affaires sociales…) qui sont majoritairement des hommes. A cause des blocages qui peuvent survenir en raison d’une mentalité machiste, certaines plaintes de femmes victimes de violence finissent par être abandonnées et classées, sans suite. « La loi 58 est basée sur la responsabilité sociétale. Par conséquent, nous devons mettre en place une charte effective pour réaliser les objectifs de la loi et respecter les droits humains », explique Feten Sebai.
Former et sensibiliser davantage sur le phénomène
De son côté, Dorra Mahfoudh, sociologue et chercheuse, a relevé que la violence à l’encontre des femmes interroge le rôle de l’Etat, car elle a le plus souvent été liée à une politique machiste qui encourage la répartition sexuée des tâches et des rôles, répercutant ainsi l’inégalité entre les genres et la domination masculine qui caractérisent le modèle patriarcal. « Dans le Maghreb, les choses ont commencé à bouger dans les années 80. Avec l’émergence des femmes dans les sphères de la politique, des sciences…., les travaux de recherche ont commencé à s’intéresser aux droits des femmes et à la question de l’égalité entre les genres et à la relation masculin/féminin dans une approche plus globale », a relevé la sociologue.Tous les intervenants se sont accordés sur le fait que, si de plus en plus de femmes font entendre leur voix sur les réseaux sociaux pour témoigner de la violence dont elles ont été victimes, ce phénomène n’est pas suffisamment visible dans les médias.
Il faudrait renforcer la sensibilisation sur ce sujet, en prévoyant davantage de sessions de formation pour les intervenants de 1ère ligne, et ce, dans le but d’aider à changer les mentalités et améliorer la prise en charge et la protection des droits des femmes victimes de violence.