Dans un monde où les frontières économiques sont redessinées, l’Afrique émerge non seulement comme un acteur majeur, mais également comme le pivot central de la prochaine révolution industrielle. Les accords d’intégration régionale, tels que la Zlecaf, deviennent les instruments clés pour façonner un nouveau paradigme économique et définiront le paysage des échanges commerciaux et des opportunités de croissance.
Dans le cadre d’un atelier visant à outiller les journalistes tunisiens sur les dynamiques des accords d’intégration régionale, Lazhar Bennour, directeur général de la coopération économique et commerciale au ministère du Commerce et du Développement des exportations, a exposé une vision audacieuse de l’Afrique et de la position stratégique de la Tunisie dans cette nouvelle ère économique et a partagé des perspectives cruciales sur l’importance des accords tels que la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) et le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa). Ces accords, selon Bennour, revêtent une importance stratégique dans un contexte géopolitique complexe où l’Afrique émerge comme un acteur clé.
Concurrence mondiale
Bennour souligne le lourd héritage colonial de l’Afrique, marqué par la colonisation et l’esclavage, ainsi que les défis posés par les migrations forcées au XVIIIe siècle. Il met en lumière le rôle des pays arabes de l’Afrique du Nord dans les obstacles à l’intégration occidentale et souligne les implications de ces réalités dans le contexte actuel.
Il met aussi en évidence la concurrence entre les puissances coloniales, notamment l’Union européenne et la Grande-Bretagne, qui influence les politiques envers l’Afrique. Il souligne aussi la diversité des motivations et des intérêts économiques aux enjeux sécuritaires, derrière les politiques des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine vis-à-vis du continent africain.
Bennour identifie aussi les puissances régionales en Afrique, telles que l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Algérie, et l’Egypte, chacune cherchant à étendre son influence. Il met en évidence l’émergence de nouvelles puissances comme le Kenya et l’Ethiopie, tout en soulignant les défis liés à des pays riches en ressources comme la République démocratique du Congo (RDC), confrontée à des conflits persistants malgré sa richesse en ressources naturelles.
Un plaidoyer pour un nouveau modèle économique africain
Dans ce contexte compliqué, Bennour souligne le rôle central de l’Afrique en tant que fournisseur majeur de matières premières cruciales pour l’industrie 4.0, nécessaires pour des technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle et les véhicules électriques. Il insiste sur l’importance cruciale de tirer parti de ces opportunités pour le développement économique du continent.
Sur un autre plan, Bennour a mis en évidence le contraste démographique entre l’Afrique, un continent jeune en pleine croissance, et d’autres régions confrontées au vieillissement de la population. Il a souligné que l’Afrique possède un énorme potentiel de consommation, notamment dans le secteur des biens de consommation, en raison de sa jeunesse démographique.
L’intervenant a identifié aussi des défis tels que le faible taux d’électrification (22%) et l’absence d’interconnexions terrestres en Afrique. Mais, plutôt que de considérer ces aspects comme des contraintes, Bennour les a présentés comme des opportunités pour le continent en cours de construction.
Par ailleurs, Lazhar Bennour a critiqué le modèle économique actuel de la Tunisie, soulignant la dépendance à l’égard des accords avec l’Union européenne, principalement axés sur des activités de sous-traitance à faible valeur ajoutée. Il a insisté sur la nécessité de changer ce modèle et a positionné les accords d’intégration régionale, en particulier l’adhésion à la Zlecaf, comme une opportunité de transformation économique.
Selon Bennour, la Zlecaf n’est pas simplement une opportunité d’exportation, mais plutôt un moyen de remodeler fondamentalement le modèle économique de la Tunisie. Il a souligné que les chaînes de valeur provenant de l’Afrique sont plus bénéfiques pour l’économie tunisienne que celles en provenance du Nord, en raison de la concurrence moins féroce.
Une vision ambitieuse pour le futur
L’intervenant a appelé à une vision ambitieuse pour l’avenir, mettant en lumière des secteurs prioritaires tels que la construction d’une voiture africaine d’ici 2035. Il a souligné l’importance de monter dans la chaîne de valeur, notamment dans l’industrie mécanique électrique, en partenariat avec l’Afrique.
Finalement et non moins important, Lazhar Bennour a insisté sur le fait que l’Afrique n’est pas simplement un marché, mais un partenariat. Il a encouragé la Tunisie à exploiter son capital de confiance et de synthèse avec les nations africaines, soulignant que l’apprentissage et l’adaptation sont essentiels pour bénéficier pleinement des opportunités offertes par les accords d’intégration régionale.