Accueil A la une Interview | Gérard Buscher (entraîneur et actuel DTN au Rwanda) : “L’équipe de Tunisie, une énigme pour moi”

Interview | Gérard Buscher (entraîneur et actuel DTN au Rwanda) : “L’équipe de Tunisie, une énigme pour moi”

 

Pour notre interlocuteur, grand connaisseur du football tunisien, l’équipe nationale est capable du pire… comme du meilleur…

La CAN pointe à l’horizon. A quel tournoi vous attendez-vous? Pensez-vous que cette édition sera aussi relevée que les précédentes ?

«Oui, la CAN a toujours constitué un tournoi très relevé. Le niveau est en train de monter depuis une dizaine d’années, si ce n’est bien avant. Auparavant, il n’y avait pas de sélections africaines ayant  le niveau mondial La donne a changé depuis. Maintenant, il y a des sélections qui ont le niveau mondial, à l’instar du Maroc et du Sénégal. Il peut y avoir aussi le Cameroun s’il arrive à faire une préparation adéquate, car il lui arrive de rater sa préparation et faire par la suite du n’importe quoi à la CAN. N’empêche, le Cameroun, c’est vraiment du costaud. L’Afrique du Sud et l’Algérie, également. Je m’attends à ce que le niveau de la CAN de la Côte d’Ivoire soit relevé.

Quelle est, selon vous, la sélection qui a le plus de chances de remporter cette CAN ?

Il y a, d’abord, la Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens restent des joueurs exceptionnels, même si les résultats de la Côte d’Ivoire sont en dents de scie, ces dernières années. Ils ont tout de même l’avantage de disputer cette CAN chez eux. Connaissant la ferveur du public ivoirien, il peut pousser loin sa sélection. Une chose est sûre : l’ambiance sera chaude sur les gradins lors des matches de la Côte d’Ivoire.

Outre la Côte d’Ivoire, il y a également les autres grandes nations africaines qui aborderont le tournoi avec la stature de sérieux prétendants pour le titre continental. Je citerais l’Algérie, le Maroc et le Sénégal. Il va y avoir sans doute des révélations. En ce qui concerne la Tunisie, elle reste une énigme pour moi.

Et pourquoi la Tunisie reste-t-elle une énigme pour vous ?

Eh bien quand on voit les joueurs, l’équipe de Tunisie devrait atteindre les demi-finales au moins, si ce n’est la finale. Les joueurs tunisiens font partie du gratin africain. Il y en a même beaucoup qui jouent en Europe. Mais je ne sais pas pourquoi quand ils jouent en équipe de Tunisie, ils n’arrivent pas à avoir les résultats qui correspondent au niveau réel de la sélection. L’équipe de Tunisie est capable du pire… comme du meilleur…

Si cette équipe de Tunisie a le niveau d’atteindre les demi-finales, voire la finale de la CAN, qu’est-ce qui l’empêche de remporter le titre continental ?

Le problème des joueurs tunisiens, je le connais très bien pour avoir entraîné longtemps, ici. Essentiellement, c’est la concentration qu’ils n’arrivent pas à gérer dans une compétition qui dure un mois ou un mois et demi. Personnellement, si je dois jouer contre la Tunisie, c’est à partir du deuxième tour que je préfère l’affronter, car les joueurs commencent à manquer de concentration. Dans la tête du footballeur tunisien, le plus dur est passé quand il se qualifie au second tour. Mais en réalité, c’est à ce moment que le plus dur commence.

Intrinsèquement, l’équipe de Tunisie est capable de battre n’importe quel adversaire. Il suffit de rester concentré jusqu’au bout. C’est aussi une sélection qui peut perdre devant n’importe quel adversaire, quand ses joueurs manquent de concentration. C’est cela le problème !

Le football africain a beaucoup évolué ces dernières années au point qu’on ne parle plus de petites nations. Vous qui avez entraîné en Tunisie avant d’occuper le poste de DTN en Mauritanie et maintenant au Rwanda, quelle est la recette de cette évolution remarquable?

Le football africain a évolué parce que la CAF, en partenariat avec la Fifa, s’est déjà professionnalisée. En tant que DTN, je participe à la formation des entraîneurs. Le niveau des diplômes, CAF A et CAF B, est égal à ceux qu’on livre aux techniciens européens. Je connais tous les DTN africains. Ils ont une solide formation et sont tous des instructeurs Fifa. Il y a aussi la qualité des infrastructures sportives qui s’est beaucoup améliorée en Afrique. Le meilleur exemple reste le Maroc. S’ajoute à cela la qualité du travail accompli par les académies fédérales.

Paradoxalement, le football tunisien est à la traîne ces dernières années…

Je tiens à préciser que je n’ai pas entraîné les six dernières années. Quand j’ai commencé à entraîner ici il y a une quinzaine d’années, le championnat de Tunisie était le premier d’Afrique. Maintenant, je ne sais même plus si nous faisons encore partie du Top cinq.

Tout ce que je peux dire c’est qu’avant, il y avait  beaucoup de grands entraîneurs tunisiens qui officiaient dans le championnat. Maintenant, il n’y en a plus beaucoup. Le championnat de Tunisie n’est plus aussi compétitif à cause aussi de la gestion des dirigeants de certains clubs. Les dirigeants  ont changé.

On a du mal en Tunisie à aller au bout d’un projet sportif de deux à trois ans, à constituer des académies et à assurer la stabilité dans le temps afin d’aller au bout des choses. Je suis allé voir le match ASM-UST. C’est le deuxième entraîneur à la tête de l’AS Marsa en seulement trois mois de compétition. Je ne sais pas où  va le football tunisien.

Quand vous évoquez l’AS Marsa, vous parlez souvent de votre club de cœur ? Ça devrait vous faire mal au cœur de le voir dans cette situation difficile…

Evidemment que ça me fait mal au cœur. Ils sont derniers et joueront la phase du play-out. Ce n’est plus le club que j’ai entraîné et que j’ai restructuré à un certain moment. L’ASM a perdu son identité, celle d’un club formateur. Avant, l’équipe se composait essentiellement des jeunes du cru avec deux à trois renforts ciblés et de surcroît de qualité. Il faudra repartir à zéro et tout refaire. Il y a aussi un problème grave de stabilité technique. L’ASM mérite de tenir son rang en première division, peut-être pas dans les cinq premiers, mais pas en play-out .

Je connais toutes les personnalités sportives de La Marsa. Il y a de bonnes personnes capables de redonner son blason au club à condition de se mettre autour d’une table et travailler ensemble et dans la même direction. Je suis peiné de voir l’ASM dans une telle situation.

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