Par Meriam BEN BOUBAKER * et Emmanuel MILLARD *
Vers une harmonisation mondiale du reporting ESG : EFRAG (Le Groupe consultatif européen sur l’information financière) et ISBB (L’organismes rattaché aux IFRS chargé de développer des standards de durabilité), deux approches de plus en plus convergentes
S’inspirant des normes IFRS, l’information comptable vise la pertinence, l’intelligibilité, la fiabilité, et l’importance relative, principes fondamentaux pour l’harmonisation ESG (Environnemental, Sociétal et Gouvernance). Bien que les approches de fond de l’ISSB et de la CSRD (EFRAG) diffèrent, ces dernières sont en train de créer un terrain commun.
L’ISSB privilégie l’investisseur en mettant l’accent sur la matérialité financière des risques ESG, adoptant une approche basée sur des principes bilanciel et de substance sur la forme, avec une focalisation sur les risques liés à la gouvernance et à l’environnement, en particulier climatiques.
À l’inverse, la CSRD promeut le concept de double matérialité, considérant les impacts financiers et sociétaux des activités des entreprises, avec une vision ambitieuse englobant l’environnement au-delà du climat comme le respect des droits humains. La CSRD intensifie les exigences de reporting durable, créant un défi d’ajustement des pratiques comptables au niveau européen et indirectement au niveau mondial. Les entreprises africaines devront naviguer entre ces deux approches distinctes.
La synchronisation entre les normes ISBB et CSRD est cruciale mais complexe, nécessitant des ajustements pour surmonter les divergences potentielles et garantir une cohérence mondiale du reporting durable, éliminant les disparités et encourageant la comparabilité. Mais la CSRD et l’ISBB présentes certaines complémentarités. notamment sur les besoins et réponses qu’elles doivent apporter aux investisseurs.
La convergence entre CSRD et ISBB offrira-t-elle une norme mondiale du reporting ESG ?
La convergence entre la CSRD et l’ISBB doit offrir une opportunité unique de créer une norme mondiale de reporting ESG, en partageant l’objectif fondamental d’améliorer la transparence et la responsabilité des entreprises en matière de durabilité.
Cette convergence pourrait harmoniser les critères de matérialité, le cadre et la méthodologie des reportings, créant ainsi une norme universelle reconnue pour l’évaluation des performances durables des entreprises, de nature à créer un langage commun pour les parties prenantes mondiales.
Une norme mondiale de reporting ESG permettrait aux investisseurs, aux entreprises, et aux régulateurs du monde entier de comparer, évaluer et réagir de manière plus cohérente aux performances durables des entreprises. Cela renforcerait la crédibilité des rapports, rassurerait les investisseurs, et favoriserait une transition vers une économie mondiale plus durable. La réalisation de cet objectif nécessitera une coopération continue, des ajustements pragmatiques et une acceptation mondiale. L’avenir d’un reporting ESG mondial pourrait bien dépendre de la manière dont ces deux initiatives convergent et s’alignent sur une vision commune de la durabilité.
Les entreprises, notamment africaines, sont donc confrontées à un choix crucial pour façonner leur avenir dans une économie durable. Les ajustements nécessaires, notamment pour les entreprises africaines, peuvent sembler complexes, mais ils ouvrent la voie à une compréhension plus approfondie des performances durables, à la transparence accrue et à une responsabilité renforcée envers les parties prenantes.
Les entreprises du monde entier, qu’elles soient européennes, africaines ou d’ailleurs, sont appelées à participer activement à ce processus de convergence, à façonner une norme mondiale inclusive, et à jouer un rôle actif dans la construction d’une économie globale résiliente et éthique.
Cap sur la durabilité : les entreprises africaines face à l’ISSB et à la CSRD
Dans ce nouveau chapitre de l’harmonisation ESG, les entreprises africaines se trouvent à un carrefour décisif. La CSRD européenne intensifie les règles du jeu du reporting durable, tandis que l’ISSB, plus hésitante et probablement moins engagée pour l’instant sur le sujet, offre une voie plus familière. Les entreprises en Afrique doivent se préparer à ce changement et choisir leur trajectoire entre s’aligner avec l’ISSB pour renforcer leur crédibilité mondiale, surtout en matière de gouvernance et d’environnement, ou s’embarquer dans la CSRD tournée vers l’Europe. La clé réside dans une préparation minutieuse.
La préparation implique d’évaluer les procédures actuelles, d’intégrer de nouvelles pratiques de reporting, et de mettre en place des systèmes solides de collecte de données. Les entreprises africaines doivent anticiper précisément les différences entre les critères de matérialité définis par la CSRD et l’ISSB, ajustant leurs pratiques pour éviter tout écart involontaire. Mais il faut s’intéresser à l’impact spécifique de ces normes sur les entreprises africaines, le passage du niveau macro de ces normes internationales au niveau a micro.
Défis juridiques et opportunités commerciales pour les entreprises africaines face à la CSRD
L’essor de la CSRD soulève des défis juridiques complexes pour les entreprises africaines, exigeant une analyse approfondie des implications sur leur conformité et leurs relations commerciales avec l’Europe. Le critère de double matérialité impose des obligations significatives aux entreprises africaines, exigeant une gestion prudente des actifs pour aligner leurs pratiques sur les normes européennes. Les défis juridiques et financiers émergent dans l’adaptation des systèmes de collecte de données, la détermination de la matérialité des risques et la garantie que les rapports reflètent de manière exhaustive les impacts ESG. Ces exigences soulèvent des questions complexes de confidentialité des données, de protection des investisseurs et de gouvernance d’entreprise. Les questions de souveraineté des données, de juridiction et d’harmonisation avec les cadres réglementaires locaux s’ajoutent aux préoccupations.
Les entreprises africaines devront évoluer avec prudence dans l’élaboration de leurs rapports pour répondre aux normes européennes sans compromettre la confidentialité ou la sécurité des données sensibles, nécessitant une expertise juridique spécifique.
Une démarche de mise en conformité proactive des entreprises africaines à la CSRD peut renforcer leur crédibilité mondiale. En démontrant une gouvernance responsable, elles attireront des partenariats commerciaux plus solides avec des entreprises européennes engagées dans des pratiques ESG et renforceront leur positionnement sur la scène internationale.
M.B.B.
(*) Vice-présidente ICFOA & COGEREF
E.M.
(*) Président International CFO Alliance (ICFOA)
vice-président Sorbonne business school (Paris 1)
Secrétaire général groupe Endrix