Les capacités et les besoins des enfants sont variables et peuvent évoluer au fil du temps. Alors que certains sont capables de vivre de façon autonome, d’autres souffrent de troubles du comportement, de difficultés d’apprentissage et de motricité ou de graves handicaps qui nécessitent des soins et une aide toute leur vie durant.
Face à ce lourd fardeau pour les parents, les Unités régionales de réhabilitation (URR) qui relèvent des directions régionales de la santé proposent divers mécanismes pour garantir la prise en charge des enfants malades, à la lumière de plusieurs études scientifiques avancées et d’expériences en la matière, en considérant que chaque situation est unique. Nous avons posé quelques questions à Dr Dalel Mhamdi, coordinatrice régionale de l’URR à Kasserine pour en savoir plus sur les activités de cette structure.
Quelles sont les missions de l’URR ?
L’URR à Kasserine siège au groupement de santé de base. Elle est composée au premier rang d’un médecin généraliste, une psychologue, une orthophoniste, un kinésithérapeute, un technicien en psychiatrie et une assistante sociale.
Il existe une large gamme d’interventions, dès la petite enfance, susceptibles d’optimiser le développement, la santé et le bien-être des malades que nous recevons. En effet, l’accès rapide à notre unité peut améliorer l’état physique et intellectuel, la capacité de communication et le comportement social des enfants atteints. Pour cela, nous suivons leur développement et nous leur apportons les soins médicaux et le soutien nécessaires en fonction des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. De plus, nous savons que ces enfants sont souvent victimes de stigmatisation et de discrimination, avec des difficultés d’accès à l’éducation et de participer à la vie de leur communauté. Il est important que leurs aidants bénéficient d’informations pertinentes, d’une orientation vers des services spécialisés et d’un encadrement pratique en fonction des besoins évolutifs et des préférences de chacun.
Au vu de la diversité de professionnels impliqués dans les interventions et de la complexité des situations, nous collaborons avec d’autres secteurs comme l’éducation, la Délégation régionale de protection de l’enfance et les associations sociales, afin de rendre leur environnement physique plus accessible, leur milieu social plus accueillant et les mentalités plus solidaires.
Qui peut bénéficier des soins à l’URR ?
Partout en Tunisie, les URR sont consultées par des enfants qui présentent des difficultés psychologiques ou une déficience telle qu’un trouble du langage oral ou écrit, un trouble instrumental d’origine neuropsychologique, une déficience intellectuelle, un épisode dépressif, des troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, un retard scolaire, un trouble de la motricité, du développement…
Un obstacle courant est la méconnaissance de cette structure par les parents ou la conception erronée qu’ils ont. Ce n’est pas un service de santé de luxe réservé à ceux qui ont les moyens de se l’offrir. Elle n’est pas non plus un service optionnel vers lequel se tourner lorsque les autres interventions échouent.
Le premier contact avec l’unité à Kasserine est une consultation médicale qui se fait le jour même sans rendez-vous avec un rythme de 6 à 7 patients par jour. Un programme de soins est conçu par la suite avec nos techniciens. Le nombre annuel des enfants pris en charge à l’URR de Kasserine est estimé à 2.200. Les enfants seront orientés par une commission régionale d’intégration des enfants à besoins spécifiques selon le type du handicap vers un jardin d’enfants, une école ordinaire ou un centre d’éducation spécialisé bien qu’ils en manquent parfois dans quelques délégations.
Combien coûtent les soins à l’URR ?
Les soins sont totalement gratuits. D’ailleurs, un de nos collaborateurs, le ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées a même lancé en 2022, pour la première fois en Tunisie, un programme à travers lequel l’Etat finance les frais de scolarité pour l’inclusion des enfants atteints du spectre autistique dans les institutions publiques et privées de la petite enfance et qui concernera un total de 600 enfants en 2024.
Quelle est la durée de la prise en charge à votre structure ?
Pour pouvoir profiter de tous les services sanitaires et sociaux de l’URR, la prise en charge doit commencer dès que le problème de santé est détecté et se poursuit autant que c’est nécessaire. L’enfant doit recevoir de manière continue et sans interruption des soins psycho-éducatifs qui l’aident à développer son langage, ses compétences cognitives, sensorielles et motrices, à adapter son comportement, à gérer ses émotions…
Par ailleurs, la guidance parentale est recommandée en parallèle pour travailler dans le milieu habituel de l’enfant. Cela se fait à la maison, dans le lieu de vie et avec la famille. Même si on note une amélioration nette, le malade doit être évalué régulièrement de manière à pouvoir ajuster sa prise en charge. Le parcours de soins n’est pas limité par une durée fixe vu que ces affections sont chroniques. C’est un engagement continu de notre part et de la part des parents, afin d’atteindre le meilleur état de santé physique et mentale possible.
200.000 enfants autistes en Tunisie
Il est difficile de recenser le nombre exact de tous les enfants ayant des besoins spécifiques. Le problème le plus fréquent et le plus connu concerne les troubles du spectre autistique, appelé communément autisme. Il peut englober un faisceau large d’affections liées au développement du cerveau avec des déficiences intellectuelles et des difficultés d’interaction sociale. A l’échelle mondiale, plusieurs études publiées par l’OMS comptent 60 à 70 cas de troubles du spectre de l’autisme pour 10. 000 personnes, soit 1 personne sur 150 environ. En Tunisie, environ 200.000 enfants en souffrent. Les chiffres concernant les pathologies mentales et neurologiques des enfants s’affichent donc de plus en plus alarmants, d’où la nécessité de la prise en charge précoce pour garantir la croissance des enfants atteints dans les meilleures conditions et faciliter leur intégration sociale et économique.