La centrale syndicale est dotée d’une mission historique consistant à défendre les droits des travailleurs, empêchant leur exploitation sous quelque forme que ce soit. Ce qui devrait favoriser l’émergence, désormais, de relations apaisées et d’une coopération fructueuse avec ses propres troupes, le pouvoir exécutif et le secteur privé.
Dans le cadre de la lutte menée contre la corruption, depuis plusieurs mois, de nombreuses arrestations de spéculateurs, d’auteurs de pratiques illicites en tous genres — monopole, blanchiment d’argent, abus de pouvoir, prise illégale d’intérêt, détournements de fonds, abus de pouvoir — ont touché pratiquement tous les secteurs d’activité. Parmi les mis en cause, de hauts responsables sont passés à la trappe: anciens ministres, directeurs généraux, entrepreneurs privés et syndicalistes.
Une des dernières arrestations a été celle du secrétaire général de l’Union régionale du travail de Kasserine, Sanki Aswadi, opérée il y a un peu plus d’une semaine, sur fond de soupçons de corruption administrative à l’usine de la Société nationale de cellulose et de papier alfa (Sncpa) à Kasserine où le Président de la République, Kaïs Saïed, a effectué une visite inopinée le 31 janvier dernier.
Et comme l’on s’y attendait dans de pareils cas, l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) est montée au créneau, s’insurgeant contre cette arrestation par la voix de son bureau exécutif de l’Union régionale du travail à Kasserine, qui a rendu publique une déclaration à l’issue d’une réunion tenue d’urgence. Les termes de la déclaration sont les mêmes ; condamner avec la plus grande fermeté cette arrestation qualifiée de «kidnapping». Affirmant que «cette interpellation s’inscrit dans le droit fil d’une série d’arrestations visant les responsables syndicaux, comme c’était le cas à Sfax et à Béja…» pour les faire taire, et entraver l’action syndicale, accuse-t-on.
Immunité éternelle ?
Aussi, la centrale syndicale est-elle montée au créneau chaque fois qu’un syndicaliste est arrêté, quel que soit le motif de l’interpellation, pour exprimer tout de go sa colère, usant des mêmes formules, brandissant le sacro-saint droit syndical qui serait au-dessus de tout. Même de la loi et du principe de la reddition des comptes. Accusant l’exécutif de viser l’Ugtt en son sein et au cœur même de sa mission historique; la défense des droits des travailleurs.
Et l’on assiste alors au déploiement des mêmes réquisitoires, en l’occurrence «des affaires montées de toutes pièces contre les syndicalistes, l’hostilité envers l’Ugtt, les campagnes de diffamation dont la centrale ferait l’objet».
Sans oublier ce leitmotiv selon lequel la place Mohamed-Ali est une forteresse imprenable, laissant entendre que les responsables syndicaux bénéficient d’une sorte d’immunité ad vitam æternam. Question : au nom de quoi ? Alors même que l’immunité des députés élus peut être levée au cas où ils seraient accusés de délits qui requièrent leur comparution devant les tribunaux.
Partir sur de nouvelles bases
Partant du principe que personne n’est au-dessus de la loi, les autorités semblent décidées à faire régner la justice et l’équité entre tous les citoyens qui sont tous égaux devant la loi. En ces temps où l’ensemble des corps de la justice, dont la magistrature, paraît se rétablir. La rupture semble donc consommée avec la mentalité d’antan de castes, de clans, de copinage et de népotisme.
Il est évident que le droit syndical est important et constitutif de tout système démocratique, mais cette espèce de sacralité revendiquée par les responsables qui exercent au sein de l’Ugtt a été bel bien ôtée. Et c’est tant mieux pour tout le monde.
La centrale syndicale est dotée d’une mission historique consistant à défendre les droits des travailleurs, empêchant leur exploitation sous quelque forme que ce soit. Ce qui devrait favoriser l’émergence, désormais, de relations apaisées et d’une coopération fructueuse avec ses propres troupes, le pouvoir exécutif, la fonction publique et le secteur privé. En partant sur de nouvelles bases. Il est bien temps !