Les candidats à l’émigration au pays de l’Oncle Sam face au durcissement légitime des formalités d’obtention du visa.
«L’Eldorado américain», qui n’en rêve pas ? Qui ne le voit pas, les yeux doux et grands ouverts ? C’est surtout la frange des jeunes, éprise d’ambition et de révolte, qui y succombe le plus. Au point d’en faire une obsession. Il est vrai qu’au puissant pays de l’Oncle Sam, on gagne bien sa vie, on peut aisément monter des projets et le chômage n’a pas droit de cité. Aujourd’hui, deux de nos étudiants sur trois vous chantent cette rengaine à l’infini, remettant sur la table la brûlante question de «la fuite de nos cerveaux à l’étranger». Mohamed Salah Ben Ghanem, 24 ans, licencié, en chômage, en donne une parfaite illustration. «Qu’a-t-on fait pour nous, les diplômés du supérieur?», s’interroge-t-il, visiblement inquiet. «La marginalisation et l’oisiveté aidant, explique-t-il, on n’a plus qu’à partir. Et cela fait six mois que je travaille sur mon dossier d’émigration aux Etats Unis».
Pourquoi les USA précisément ? «Eh bien, répond-il, parce que tout le monde sait pertinemment que, là-bas, les compétences ne courent pas les rues, et trouvent embauche en un temps record». Mohamed Salah y pense jour et nuit, plus déterminé que jamais à relever le défi. «Il est évident, reconnaît-il, que j’éprouve de la peine à compléter mon dossier de candidature de visa, étant donné le gros volume de paperasse, d’un côté, et les frais onéreux à consentir, de l’autre. Mais qu’à cela ne tienne, je patiente, car je reste optimiste quant à un dénouement heureux de mes démarches».
Cherche «green card» désespérément
A l’instar de ses semblables — et ils sont légion dans le paysage estudiantin tunisien — notre interlocuteur, qui vise un 3e cycle au pays de l’illustre Bill Gates, symbole de la réussite scientifique et technologique, affirme être fermement décidé à endurer tous les sacrifices afin de réaliser son rêve américain. «Il faut d’abord, précise-t-il, s’inscrire là-bas dans un institut d’initiation à la langue anglaise, puis y trouver preneur dans une université et enfin obtenir une garantie bancaire qui oscille entre 8 et 11 mille dinars. Je suis aujourd’hui à l’étape d’accomplissement de ces formalités qui exigent beaucoup d’endurance et de patience».
Une fois cette étape dépassée avec succès, cap sur l’ambassade des Etats-Unis à Tunis pour l’obtention du visa. Si tout va bien, tout candidat pourra alors atterrir sur le sol US où sa situation régulière d’étudiant l’autorise à avoir enfin droit au fameux et tant désiré document, le «green card», pièce de séjour obligatoire qui permet à son détenteur d’être à l’abri d’une expulsion du territoire américain. C’est d’ailleurs à cause du flux continu d’émigrants sur les frontières des Etats-Unis et des menaces terroristes que les mesures d’octroi des visas et du «green card» ont été récemment sensiblement durcies. «C’est légitime», estime Mohamed Salah qui assure qu’il fera tout dans les règles de l’art. Reviendra-t-il, un jour, au bercail ?
«Franchement non», réplique-t-il sagement, en ajoutant, sans aucune hésitation, que «rien n’égale la vie dans ce pays aux mille et une facettes magiques. Bien d’autres l’ont déjà essayé en s’y installant définitivement. Quant à ma Tunisie qui restera éternellement dans mon cœur, je pourrais y revenir de temps à autre pour les vacances».
Mohsen ZRIBI