Le marché du travail tunisien se caractérise par un déséquilibre structurel se traduisant par un taux de chômage élevé et par le développement de l’emploi précaire qui s’est aggravé depuis 2011. Tout au long de la dernière décennie, les créations d’emploi se sont réduites et le chômage a explosé surtout pour les diplômés de l’enseignement supérieur. La migration clandestine et le phénomène de fuite des cerveaux se sont aussi accentués. L’emploi informel est important. Il va de concert avec la précarité, les faibles revenus, le manque de protection sociale, l’instabilité et la dévalorisation du capital humain. Cette précarité est à l’origine d’une économie à faible productivité qui génère surtout des emplois vulnérables. Selon les indicateurs de la Banque mondiale, la productivité n’a augmenté que de 2,5% au cours de la dernière décennie, en deçà des niveaux atteints dans les pays de la région Mena et des économies émergentes de l’Union européenne. L’emploi précaire est la résultante d’une multitude de politiques qui affectent l’offre et la demande de travail. Des solutions à long terme exigent des réformes plus profondes du marché du travail, notamment l’amélioration de l’environnement des affaires, la transformation structurelle de l’économie, la modification du cadre légal et des institutions, le rapprochement des conditions de travail des secteurs public et privé, le développement du secteur privé, etc. Les formes d’emploi qui ont émergé au cours de la dernière décennie (sous-traitance, CDD, informel…) n’offrent pas des conditions de travail décentes. Si le travail régulier peut aussi pâtir d’un manque de travail décent, ces déficits sont d’autant plus prononcés pour les formes d’emploi atypique, en particulier les relations de travail dites déguisées. La vulnérabilité aiguë face au chômage et à la perte de revenus et l’absence de protection sociale en cas de chômage sont autant de problèmes accentués par le statut atypique de l’emploi. Ces vulnérabilités sont souvent aggravées en temps de crise et ce sont les travailleurs temporaires et intérimaires qui sont souvent les plus exposés au non-renouvellement de leurs contrats ainsi que les travailleurs en relation avec des emplois précaires qui se retrouvent au chômage sans aucune protection sociale. Partant de là l’enjeu majeur, par rapport à toutes ces formes, réside dans le traitement de deux questions évidentes, à savoir comment garantir les conditions de travail décent dans ces différentes formes d’emploi et quels mécanismes devraient être mis en place pour assurer leur protection face aux crises et à long terme. Il est important, pour toutes les formes d’emploi, de veiller à une bonne application des lois et des réglementations du travail en vigueur. Le respect et l’application effective de l’ensemble des mesures et dispositions juridiques et réglementaires par les différentes parties prenantes permettent non seulement un bon fonctionnement des mécanismes et composantes du marché de l’emploi et une protection, mais également de faciliter la transition de l’économie et du marché du travail de l’informalité vers la formalité. Pour ce faire, il faut veiller à la révision du Code du travail et à l’application correcte de ses dispositions pour toutes les formes d’emploi. Et c’est dans cette optique que le gouvernement a annoncé, sur instruction du Président de la République, l’interdiction des contrats de sous-traitance dans le secteur public et privé. Il s’agit là d’un engagement solennel de l’Exécutif pour en finir avec le travail «indécent» ou la précarité de l’emploi.