“Au cours des 25 dernières années, le monde des statistiques officielles a beaucoup changé. Il est donc impératif d’adapter la législation relative au système statistique national, en conséquence”.
Le système statistique tunisien est l’un des plus avancés et performants de la région d’Afrique du Nord. Selon l’indicateur composite de performance statistique (IPS) de la Banque mondiale qui mesure la capacité et la maturité des systèmes statistiques nationaux (SSN) et qui évalue l’utilisation des données, la qualité des services, la couverture des sujets, les sources d’information, l’infrastructure et la disponibilité des ressources, le score de la Tunisie s’est amélioré, au cours des dernières années passant de 61,6 en 2016 à 64,1 (sur 100) en 2019. En examinant de plus près, le pays affiche d’excellents résultats en termes d’utilisation de données (90), de services (85,7) et de produits (64,9). Tandis que les scores réalisés pour les piliers sources de données et infrastructure de données sont relativement faibles et respectivement de l’ordre de 49,8 et 30. “On considère que le système statistique tunisien est l’un des plus avancés de la région. Ceci est le fruit d’un travail continu qui s’est étalé sur plusieurs décennies. C’est un système qui a été progressivement construit à travers les recensements décennaux mais aussi grâce à la mise en place d’un système de comptabilité nationale et l’enrichissement progressif des indicateurs statistiques. Nous sommes effectivement l’un des instituts de confiance dans la région. Même les partenaires internationaux ne contestent pas les données et les chiffres produits par l’INS”, a affirmé Adnen Lassoued, Directeur Général de l’INS dans une déclaration à La Presse, et ce, en marge d’un atelier de lancement du programme de maîtrise des données de la Tunisie “Tunisia Data Literacy Program”, tenu récemment à Tunis. Interrogé sur les chiffres liés à l’inflation, qui suscitent fréquemment des interrogations, Lassoued a expliqué que ces incertitudes découlent de la confusion entre pouvoir d’achat et inflation. “Le chiffre de l’inflation est souvent confondu avec le pouvoir d’achat, alors qu’il s’agit de deux concepts distincts. Pour éviter cette confusion, il est essentiel d’expliquer la méthodologie statistique à l’utilisateur pour qu’il comprenne ce que représentent ces chiffres et comment ils sont produits”, a-t-il poursuivi. Evoquant le programme de modernisation du système statistique sur lequel les autorités se sont penchées actuellement, le DG de l’INS a fait savoir que cette mise à niveau vise à remettre l’utilisateur au centre du système statistique. “C’est là notre ambition : redonner les statistiques à leur utilisateur, parce qu’aujourd’hui, on juge —et c’est une défaillance qu’on reconnaît en tant que système en général— que peut-être on ne s’oriente pas assez vers les utilisateurs et qu’on ne répond pas assez à leurs besoins. Or on ne produit pas les statistiques pour nous-mêmes mais pour les utilisateurs. Et c’est cela qu’on doit changer”, a-t-il précisé. Il a ajouté, dans ce même contexte, que la réforme de la législation est l’un des piliers de cette entreprise de modernisation. “Le cadre législatif actuel qui date de 1999 n’est pas mauvais. Mais, au cours des 25 dernières années, le monde des statistiques officielles a beaucoup changé. Et donc il est impératif d’adapter la législation en conséquence”, a-t-il ajouté. Lassoued a expliqué que cette réforme va permettre, entre autres, d’intégrer les technologies de pointe ainsi que les nouvelles méthodes et sources de données. “Quand on parle de sources de données, cela englobe également les sources provenant même du privé. Et pour pouvoir accéder à ces sources de données-là, il faut conclure des partenariats avec les détenteurs de ces bases de données et instaurer un cadre législatif adéquat approprié pour y accéder. Il faut également avoir les bonnes techniques pour fiabiliser ces bases de données et pouvoir les utiliser afin de produire des statistiques officielles répondant aux principes fondamentaux de production de statistiques officielles”, a-t-il conclu. Il est à noter que cette réforme intervient dans un contexte où la prolifération des sources de données ainsi que les progrès des technologies d’analyse de données ont créé une demande importante de maîtrise de données. Selon la Banque mondiale, le système statistique tunisien “devrait s’appuyer davantage sur des sources de données différentes et innovantes et améliorer ainsi l’élaboration de sa législation, sa gouvernance, ses normes, ses compétences et ses partenariats”.