Les produits de contrebande constituent un fléau menaçant la sécurité à l’échelle nationale. Cela concerne, bien évidemment, tous les secteurs d’activité et plus particulièrement celui de l’alimentaire.
A Kasserine, située à la frontière tuniso-algérienne, ce problème prend toute son ampleur au mois de Ramadan. Comme la mondialisation a incité les consommateurs à demander davantage de produits diversifiés, ainsi, l’on peut très bien voir des produits alimentaires importés par des circuits illicites qui envahissent les stands des marchands ambulants ou même dans différents rayons des grandes supérettes. Des offres de chocolat, de biscuits, de produits laitiers, de jus, de boissons gazeuses et bien d’autres produits, qui sont destinés à satisfaire une demande alimentaire croissante, constituent à la fois des opportunités pour les citoyens et des défis pour la sécurité sanitaire des aliments.
Gare aux produits non conformes et dangereux !
Si les vendeurs sont tenus à offrir une traçabilité des produits importés proposés, cela n’empêche en rien les dépassements, qui peuvent très bien peser sur la santé des consommateurs. Ces aliments suspects peuvent provoquer des maladies infectieuses et toxiques en raison du non-respect des conditions de stockage et d’entretien des produits.
Des yaourts et des fromages sont ramenés dans des coffres de voitures et exposés au soleil des journées entières, sans respect de la chaîne de froid. Un autre cas, qui est encore bien dangereux, est celui de certaines marques fabriquées à l’étranger qui ne répondent pas aux normes de contrôle exigées en Tunisie, à cause de la présence de colorants ou autres produits chimiques de conservation. Refusées pour une importation légale, elles échappent à tout contrôle sur le marché informel, à l’image du thon, des chips et des jus dont les prix sont très compétitifs. De plus, il y a certains produits sont proposés dont l’état et la date de péremption sont douteux, mais qui sont toutefois vendus en tant qu’«offres à saisir». La différence à payer est une intoxication potentielle. En effet, la contamination chimique peut entraîner un empoisonnement grave ou des maladies à long terme comme le cancer. Même si le fardeau des maladies d’origine alimentaire pour la santé publique, le bien-être et l’économie est difficile à exprimer en chiffres exacts, du fait de la sous-notification et de la difficulté pour établir des liens de cause à effet entre les contaminations des aliments et la maladie ou la mort qu’elles provoquent, ces circuits de distribution mafieux pèsent toujours aussi lourd sur la santé des consommateurs qui ne sont pas bien conscients du risque.
La sécurité sanitaire des aliments, une priorité
La lutte contre la contrebande de produits alimentaires est renforcée depuis la création de l’«Instance nationale de la sécurité sanitaire des produits alimentaires» (Insspa) en janvier 2021. Contacté à ce sujet, Docteur Naceur Mhamdi, coordinateur régional de cette instance à Kasserine, souligne que de nouvelles mesures sont prises en collaboration avec des agents du ministère du Commerce depuis le début du mois de Ramadan qui impose plus de précautions pour la protection des consommateurs.
En effet, le mois saint offre une opportunité pour écouler de grandes quantités de marchandises impropres à la consommation à un rythme frénétique. Il déplore que les consommateurs se basent sur le prix, afin d’effectuer leurs achats, alors qu’ils doivent faire preuve aussi d’une réelle vigilance au niveau de la qualité des produits qu’ils achètent, en évitant au maximum de s’approvisionner de produits de contrebande. C’est également le manque en quelques produits qui pourrait inciter le citoyen à s’approvisionner du marché informel. Et M. Mhamdi de souligner que, dans ce cadre, une vaste campagne de contrôle a été menée avec des opérations de saisie quotidiennes. D’ailleurs, 13 procès-verbaux ont été dressés au cours des trois premiers jours de Ramadan, mais la tâche est encore immense. Abordant ce phénomène par les chiffres, sur les douze derniers mois, soit à compter du début de Ramadan 2023, les opérations effectuées à Kasserine visant les aliments de contrebande ont réussi à saisir 28 837 litres de boissons gazeuses contenant le colorant E102 ainsi que 2,883 tonnes de Yaourt, 281.4 kg de cake et gâteaux, 56,5 kg de bonbons et 400 L d’huile. Le même responsable a indiqué que des mesures sont prises à cet effet par les douanes avec la renforcement du contrôle sur les frontières. D’ailleurs, à Kasserine, ils ont empêché l’entrée de 8 tonnes de dattes au cours des douze derniers mois, alors que notre pays fait partie des premiers producteurs à l’échelle mondiale !
Toujours selon le coordinateur régional de l’Insspa à Kasserine, des évaluations scientifiques concernant les risques microbiologiques et chimiques sont effectuées de façon continue selon les normes exigées en Tunisie. En effet, les produits de contrebande, souvent chargés sur des camions légers, peuvent être d’origine inconnue et sans aucun document prouvant qu’ils répondent aux conditions sanitaires nécessaires à la consommation. De Kasserine, ils partent pour inonder les marchés des autres villes, ce qui en fait une affaire nationale. La coordination efficace entre les intervenants, le renforcement du travail des équipes mixtes et la multiplication des saisies sont ainsi fondamentales pour juguler ce phénomène. Au final, il est également nécessaire de restaurer la confiance des consommateurs dans les produits tunisiens et la salubrité de l’approvisionnement alimentaire.