Ouverts et influencés par diverses cultures, notamment turque, persane, hispanique et italienne, les artisans tunisiens ont atteint le summum de leur créativité artistique au cours des siècles passés dans plusieurs spécialités dont celle de la sculpture du bois, l’ébénisterie et la menuiserie artistique. Considéré comme une matière noble, le bois a de tout temps rehaussé la beauté des maisons traditionnelles auxquelles il confère une aura particulière.
Qui de nous ne s’est pas émerveillé devant un coffre en bois peint ou un hanout hajjem ? C’est au IXe siècle que l’art du bois en Tunisie atteint son apogée. Le travail du bois est effectué avec une telle minutie et précision qu’il donne naissance à des sous-spécialités, à savoir les arts du tournage, de l’ajourage et de la peinture sur bois qui vont se développer dans le sillage du métier du bois.
Histoire et légendes se sont tissées autour de cette matière noble qui a servi de composante essentielle pour la construction, notamment des minbars des mosquées au cours des époques aghlabide et fatimide. A l’origine : une légende sur l’histoire d’un calife qu a suscité le courroux des hommes de religion, car il bravait allégrement les interdits religieux et qui, pour se faire pardonner, a utilisé le même bois noble qui a servi à fabriquer les cithares de ses musiciennes pour construire le minbar de la grande mosquée de Kairouan. A l’époque du règne des vizirs hafsides, les artisans ébénistes vont donner la pleine mesure de leur talent en s’inspirant comme pour la céramique des motifs hispano-andalous ainsi que de l’ornementation turque et persane.
Hanout hajjem
L’accessoire décoratif fabriqué en bois et qui va devenir incontournable dans les maisons tunisiennes est le fameux hanout hajjem,un très bel ouvrage en bois tourné servant à enjoliver la chambre à coucher. La matière noble du bois est utilisée également pour fabriquer tables basses, guéridons, alcôves, étagères, porte-armes… ainsi que les paravents derrière lesquels devaient passer obligatoirement les invités mâles pour ne pas voir les femmes de la maison…
Plafonds sculptés en bois
Le bois sert aussi à l’ornementation des plafonds dans les palais et les résidences vizirielles. Certains plafonds sculptés en bois polychrome dans le style hispano-mauresque et décoré de motifs géométriques ou floraux sont de véritables chefs-d’œuvre à l’instar de celui du Palais du Baron d’Erlanger. Un autre plafond sculpté en bois et qui fait figure également d’œuvre d’art est celui du merveilleux Palais Ben Ayed à Djerba. En effet, le plafond d’une des plus belles salles du palais attire tout particulièrement le regard. Réalisé par un des meilleurs maîtres sculpteurs de l’époque au XVIIIe siècle, il arbore des poèmes, des récits et des invocations religieuses gravés sur le bois qui invitent à la méditation.
Coffrets en bois
Il ne faut pas passer à côté d’un autre élément décoratif conçu également en bois et qui occupe une place importante aussi bien citadine que rurale. Il s’agit du fameux coffre en bois peint et enluminé qui fait partie des accessoires et affaires que ramènent les jeunes épouses dans leurs futures demeures. Elles y sont tout particulièrement attachées, car elles y enferment non seulement les objets du quotidien (couvertures d’été et d’hiver, vêtements…) mais également leurs effets personnels et les souvenirs de toute une vie. De Bizerte à Kairouan en passant par le Cap Bon, les motifs de ces coffrets s’inspirent de la culture locale. Le coffre kairouanais est orné de feuilles d’or et de motifs floraux tandis que ceux de Mahdia et Moknine sont égayés de motifs de poissons, un symbole de protection contre le mauvais œil. Bien que les articles d’ornementation en bois noble très coûteux n’occupent plus une place emblématique dans les maisons modernes, les artisans ébénistes continuent à faire de la résistance en perpétuant le savoir-faire ancestral de leurs prédécesseurs.