Alors que de vrais réseaux se préparent à fournir les équipements de fraude, une réunion s’est tenue mercredi 24 avril pour mettre au point la stratégie du ministère de l’Education en vue de contrecarrer toutes les tentatives dans ce domaine.
On le sait, les examens du bac sont à nos portes. Depuis le 15 avril, les épreuves d’éducation physique ou bac sport ont démarré et se sont prolongées jusqu’au 27. Suivront le bac blanc qui se déroulera au cours des journées des 8, 9, 10, 13, 14 et 15 mai 2024 ainsi que les épreuves pratiques et orales entre les 16 et 29 du même mois. Le tout, en prévision de la session 2024 du bac prévue durant la période entre les 5, 6, 7, 10, 11 et 12 juin 2024.
Quels moyens utiliser ?
Et, c’est justement en cette période que l’on commence à s’intéresser au phénomène de la triche à l’examen du bac. Cette question récurrente pose de plus en plus de soucis aux autorités et complique quelque peu le bon déroulement des épreuves. Cela est d’autant plus vrai que l’on a affaire à de vrais réseaux spécialisés dans ce domaine. Chaque année, on les découvre dans plusieurs régions du pays. Tout à fait récemment, la Direction générale de la sûreté nationale a annoncé l’arrestation de trois individus impliqués dans des opérations de vente d’équipements électroniques devant des établissements scolaires à Hammamet.
On peut affirmer que c’est la partie émergée de l’iceberg puisque ces trafics ne sont qu’à leurs débuts pour cette année. Il sont appelés à monter en intensité à l’approche des examens du bac. Le “commerce” de kits d’écoute miniaturisés et de plus en plus sophistiqués, ainsi que d’autres instruments, prospère.
Des bandes organisées en sont à l’origine. Comme on l’a vu au cours des années précédentes, elles sont constituées de connaisseurs du domaine attiré par l’appât du gain facile. On a même noté l’année dernière, à Gafsa, que parmi 7 personnes impliquées, il y avait des diplômés du supérieur, des tenanciers de boutiques de téléphones. Parfois, malheureusement, il y a eu des enseignants qui proposaient leurs services. Les forces de police et de la garde nationale sont à pied d’œuvre pour leur barrer la route. Car c’est à cette période que leurs activités augmentent et se concentrent autour des établissements scolaires.
Un programme d’action
La lutte contre ce phénomène n’est pas aisée. Il est difficile de prétendre l’éradiquer du jour au lendemain. A tout le moins, des efforts sont-ils entrepris depuis longtemps pour en limiter les conséquences.
C’était l’objectif de la dernière séance de travail qui a regroupé le ministre de l’Education et celui des Technologies de la communication ainsi que des représentants du ministère de l’Intérieur et d’autres du Centre national des technologies de l’éducation À cet effet, un programme d’action a été présenté définissant toutes les étapes et les missions de chaque partie, selon le communiqué ministériel.
N’oublions pas que l’amplification du phénomène fausse le concept de l’égalité des chances entre tous les élèves. Mais déjà, le ministère de l’Education peut se vanter d’avoir fermé “hermétiquement” la porte devant les fuites des sujets d’examen. C’est un point à mettre à son actif. Ce qui, faut-il le dire, n’est pas le cas même dans des pays plus développés.
Toujours est-il que durant les années précédentes, le ministère a utilisé plusieurs moyens pour contrecarrer les fraudeurs et les dissuader de commettre de tels forfaits. C’est d’ailleurs ce que les responsables ont souligné au cours de la réunion du mercredi 24 avril. Il est question de “tirer profit des expériences antérieures”. Pour sa part, le ministre des Technologies de l’information et de la communication s’est engagé “à fournir le soutien technique nécessaire pour prévenir et détecter rapidement toute tentative de fraude afin de garantir la crédibilité et la réussite des examens nationaux “.
S’agissant, justement, de ces expériences on rappelle que l’on avait procédé au brouillage des réseaux de communication autour des centres d’examen. Cette solution avait nécessité l’acquisition d’équipements assez coûteux et qui n’ont pas prouvé leur efficacité. En outre, les opérateurs de téléphonie mobile n’étaient pas assez impliqués dans cette action. Jusqu’à l’année dernière, on avait opté pour l’interdiction pure et simple de tout appareil électronique à l’intérieur des centres d’écrit. Pour cette année, on s’attend à ce que le ministère reconduise, en gros, les mêmes méthodes. La vigilance étant de rigueur, le renforcement des personnels de surveillance et de contrôle sera pris en compte. Et, pour rendre le travail des surveillants plus facile, le ministère veillera à maintenir le nombre réduit de candidats dans une même salle. Soit 18 élèves au maximum.
Remonter à la source
A titre de rappel, on peut mentionner quelques chiffres montrant l’ampleur du phénomène depuis 2011. Selon les statistiques dressées par les autorités officielles de l’époque, on parlait de 392 cas. Pour 2023, le ministre sortant avait évoqué 300 cas de fraude au cours de la session principale. C’est en 2020 que l’on a enregistré un record de près de 1.200 cas.
Toutefois, le ministère de l’Education compte sur les campagnes de sensibilisation qu’il va organiser, notamment par le biais des conseillers en orientation et au cours des réunions avec les futurs candidats au bac et leurs parents.
A vrai dire, la question intéresse tout le monde et non le ministère de l’Education uniquement. Car si nous assistons, aujourd’hui, à l’accentuation d’un tel fléau, c’est qu’il y a un grand dysfonctionnement quelque part. En fait, il ne faut pas remonter trop loin pour le trouver. Nos élèves, même ceux du primaire, pratiquent la fraude.
C’est courant de voir beaucoup d’entre eux compter sur l’antisèche que sur leurs propres efforts. Du coup, la fausse copie, ou dans l’argot scolaire la “fousca”, s’est imposée comme la botte secrète pour les mauvais élèves. Cette triche est devenue systématique dans nos écoles et à tous les niveaux de l’enseignement. Elle est ancrée dans les habitudes de beaucoup de nos jeunes. Comme partout ailleurs, somme toute. On n’en parle pas assez, mais elle est là et, malheureusement, en force.
Il est difficile de la combattre pour de multiples raisons. Les enseignants qui sont censés s’y opposer n’ont pas les moyens pour l’endiguer. De plus, ils craignent d’éventuelles représailles en cas de signalement d’un cas de fraude. Tout au plus, certains essayent-ils de limiter les dégâts par une attitude dissuasive tout en évitant la confrontation.
Il s’agit, en effet, de mesures disciplinaires relativement graves à l’encontre du fraudeur en cas de flagrant délit. Comme c’est, d’ailleurs, le cas pour les fraudeurs au bac ou aux autres examens nationaux.
On remarque, donc, que la triche accompagne le parcours de l’élève depuis, au moins, le collège. Il sera difficile pour ceux qui en ont pris l’habitude de s’en défaire. C’est comme s’ils avaient acquis une deuxième nature.