Rassemblant des décideurs, des bailleurs de fonds et des entrepreneurs, le sommet de la croissance verte “Green Growth Summit” s’est tenu, récemment à Tunis, pour mettre plein feu sur les enjeux de la transition verte en Tunisie. Organisé par l’ONG Hivos, cet événement phare a permis de faire émerger des partenariats percutants et des stratégies innovantes visant à soutenir la transition écologique non seulement à l’échelle nationale mais aussi régionale.
Ouvrant le sommet, la ministre de l’Environnement, Leila Chikhaoui, est revenue sur la stratégie nationale de transition écologique qui a été approuvée en 2023. S’articulant autour de cinq principaux axes, à savoir gouvernance et financement; changement climatique, protection des ressources naturelles, consommation durable et lutte contre toutes formes de pollution et enfin sensibilisation, ladite stratégie ambitionne d’accélérer la transformation verte en Tunisie. Parmi les mesures phares décidées dans le cadre de cette feuille de route, la ministre a évoqué la mise en place d’une haute instance de la transition écologique, hébergée à la présidence du gouvernement, l’adoption d’un projet de code de l’environnement, la fédération des fonds existants outre les engagements que la Tunisie compte tenir à temps en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La ministre a fait savoir, dans ce même sillage, qu’un comité de pilotage du programme d’appui à l’action environnementale, orientée vers les petites et moyennes entreprises, s’est réuni la semaine dernière, au cours duquel il a été convenu de mettre en place deux outils importants, en l’occurrence un inventaire des entrepreneurs verts et un guide des investisseurs qui souhaitent investir dans les économies verte, bleue et circulaire en Tunisie. “Je pense que des événements comme celui-ci font partie de la mise en œuvre de l’axe de sensibilisation et diffusion de l’information, car il y a toujours un écart entre ce qui se passe au niveau des décideurs et au niveau des acteurs sur le terrain”, a souligné Chikhaoui. Elle a, par ailleurs, salué les efforts des bailleurs de fonds et les partenaires de la Tunisie et notamment le gouvernement des Pays-Bas, qui mettent en œuvre, selon ses dires, le principe des responsabilités communes mais différenciées, en ce qui concerne les défis des changements climatiques. Car “les trois grandes crises environnementales planétaires, la pollution, la perte de biodiversité et les changements climatiques, ne connaissent pas de frontières et n’épargnent personne. Et que le seul moyen de pouvoir avancer et de permettre aux générations futures de bien vivre sur cette planète est de reconnaître que toutes les actions environnementales positives, faites dans n’importe quel point du globe, sont bénéfiques pour la planète entière”, a-t-elle ajouté.
Les Pays-Bas : une enveloppe de 1,8 milliard d’euros de financements verts chaque année
De son côté, l’ambassadrice des Pays-Bas en Tunisie, Joséphine Frantzen, a affirmé que son pays encourage la Tunisie et tous ses partenaires à s’engager sur des objectifs climatiques plus ambitieux, à accélérer la transition énergétique pour la croissance verte et choisir une approche de développement plus durable. Elle a annoncé, dans ce contexte, que les Pays-Bas ont décidé de réserver à partir de 2025 et annuellement une enveloppe budgétaire de 1,8 milliard d’euros pour financer des projets et des initiatives verts aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Parmi ces projets, l’ambassadrice a évoqué l’exemple de la transition rapide vers les énergies renouvelables telles que l’énergie éolienne et solaire et l’élimination progressive des combustibles fossiles, rappelant que le fonds pour la réponse climatique et énergétique, le Cerf, auquel les Pays-Bas contribuent, soutient les pays partenaires dans leur transition climatique et énergétique. “Le mécanisme aide, entre autres, les pays à mettre en œuvre plus rapidement des mesures d’atténuation et d’adaptation au changement climatique afin de répondre aux défis très locaux et obtenir un impact plus durable”, a-t-elle précisé. Elle a également évoqué l’importance qu’accorde son pays à la question de l’eau dans ce contexte de changement climatique. Elle a indiqué que “la Tunisie, ce beau pays, est l’un des pays les plus vulnérables au dérèglement climatique en termes de raréfaction des ressources en eau et d’érosion côtière”. Et l’ambassadrice d’ajouter : “Pour contribuer à une solution, les Pays-Bas soutiennent, entre autres, Hivos dans tous ses efforts, mais également de nombreuses initiatives mondiales qui travaillent sur la question de l’eau et de la sécurité, notamment la sécurité alimentaire. Ainsi, nous avons récemment annoncé un cofinancement avec la Suède qui vise à soutenir un programme de l’ONU, de la FAO, dans neuf pays de la région Mena, dont la Tunisie, pour aider ces pays à s’adapter à la pénurie d’eau et développer de nouvelles politiques pour résoudre les problèmes liés au nexus eau-énergie-alimentation”. Mettant l’accent sur l’appui qu’offrent les Pays-Bas aux entreprises vertes tunisiennes, la diplomate a affirmé que certaines entreprises en Tunisie pourront bénéficier, à partir de l’été 2024, de subventions pouvant atteindre 20 mille euros, et ce, dans le cadre d’un appui financier accordé en collaboration avec la Berd.
L’objectif de Hivos est de créer un noyau dur pour l’écosystème de l’économie verte
De son côté, Noha El Sebaie, responsable des programmes d’entrepreneuriat vert et d’employabilité à Hivos Mena, a souligné que le “Green Growth summit” vise à rassembler toutes les parties prenantes, notamment les investisseurs, les bailleurs de fonds, et les décideurs autour de la même table pour parvenir à des résultats concrets. Elle a, dans ce cadre, annoncé, qu’à l’issue de cet événement, il a été décidé d’organiser un sommet pour les donateurs qui s’intéressent aux secteurs verts, et ce, afin d’unifier les stratégies et les efforts dans ce domaine. Elle a, par ailleurs, indiqué que les programmes mis en œuvre par Hivos en Tunisie ont pu appuyer, techniquement et financièrement, 100 entreprises qui opèrent dans les secteurs vert et social, former plus de 3.500 jeunes Tunisiens, et employer environ 2.500 personnes. “Notre objectif est de créer un écosystème autour de l’économie verte et de fournir l’appui nécessaire non seulement aux entreprises mais aussi aux structures d’appui qui travaillent sur l’employabilité dans les secteurs verts . Nous aidons à identifier les besoins de ces entreprises, que ce soit celles qui sont au stade de leurs premières levées de fonds ou celles qui sont petites et susceptibles de croître”, a-t-elle conclu.
Evoquant l’importance de la transition verte pour les PME, Aslan Berjeb, président de la Conect, a souligné que la responsabilité sociétale des entreprises a prouvé ses limites dans la mesure où certains entrepreneurs deviennent réticents à cette idée dès lors qu’ils ne voient pas de gains réels après avoir adopté des politiques RSE. De plus, la loi sur la RSE est, selon ses dires, restée lettre morte. “Cette nouvelle notion d’économie d’impact concilie entre la responsabilité sociétale des entreprises et la profitabilité. Et ce mariage-là, je pense, sera le mariage gagnant au profit de la durabilité et la pérennité de l’économie. Aujourd’hui, on ne peut pas parler de durabilité de l’économie sans parler de la durabilité des entreprises qui est devenue un argument très important du point de vue compétitivité”, a ajouté Berjeb. Et le représentant de la Conect de conclure”les produits,, ne sont plus, aujourd’hui, compétitifs que par leur qualité ou par leurs coûts, mais ils sont, hélas, compétitifs par le respect de certaines normes sociales, mais aussi environnementales. Aujourd’hui, le même produit, qui a le même coût et la même qualité à l’export, doit respecter certaines normes environnementales pour qu’il soit compétitif. Si nous ne nous alignons pas sur ces normes environnementales, d’autres pays concurrents vont se placer avant nous et vont être compétitifs plus que la Tunisie”.
Il est à noter qu’au cours du Green Growth Summit, il était question de présenter des stratégies innovantes, les meilleures pratiques utilisées dans ce domaine mais aussi d’explorer les possibilités de nouveaux partenariats dans l’objectif de faire progresser l’économie verte et les opportunités d’investissement vert en Tunisie.