Les propos réducteurs de l’avocate Sonia Dahmani ont été perçus comme une manière de tourner en dérision le pays. La phrase qu’elle a lâchée aurait pu passer inaperçue si c’était une simple brève de comptoir dans un café, mais au micro d’une radio, elle a provoqué l’indignation de beaucoup de Tunisiens. Son communiqué à l’adresse de l’opinion nationale pour apaiser un tant soit peu la campagne dont elle a été l’objet sur les réseaux sociaux n’a pas servi à atténuer les ardeurs. Le comble, c’est qu’après sa mise en dépôt, une partie de la soi-disante élite tunisienne a repris la même phrase comme slogan pour réclamer sa libération. Mais ils ont offert ainsi aux médias occidentaux l’occasion de s’en prendre à l’image du pays avec cynisme et brutalité. On oublie dans le sillage qu’il s’agit quand même de la mère patrie. Leur tort c’est de ne pas connaître suffisamment leur pays pour en être fi ers. Il ne s’agit pas de déférer en justice tous ceux qui pensent du mal de leur pays, mais de leur rappeler sa grandeur, sa majesté et son extrême beauté qu’ils ne livrent que chichement, et à ceux qui en sont amoureux jusqu’à la lie.
En effet, illustres et inconnus se sont inclinés face à la majesté des lieux. La Tunisie, dont le nom évoque la grandeur de la cité antique, exerce un attrait magique autant sur les artistes que sur les visiteurs. Elle a inspiré des poètes, des écrivains, des romanciers, depuis le grand jour jusqu’au dernier des rimailleurs. On ne saurait ici énumérer le nombre d’hommes et de femmes célèbres qui ont foulé le sol de notre pays ou navigué dans ses eaux. Hadrien, Hanon, Darghouth, Sanson Napollon, Saint Cyprien, Sainte Maxime, la Kahena ou encore Cesaria Evora, Léo Ferré, Louis Aragon, etc. Tous se sont inclinés devant cette terre aux si étonnants contrastes. Chantée par les poètes, hantée par les légendes, décrite par les croque-notes, la Tunisie reste pure et garde une paix sans égale. Énée, géniteur de la gens Julia, selon l’écrivain latin Virgile, s’est arrêté à Carthage avant de fonder Rome et de donner naissance à ce qui allait devenir l’Empire romain. Hannibal Barca fonda Barcelone. Ne parlons pas des savants, des érudits et des penseurs natifs de ce pays qui ont inscrit en lettres d’or leurs œuvres qui ont transformé le monde : Ibn Khaldoun, Abou El Kacem Echebbi, etc. Il faudrait aussi n’avoir jamais rien su de la Tunisie, ni de Carthage, ni de ses guerres, ni de Rome, ni de ses guerres, ni des Vandales, ni des Byzantins, ni de Hassan l’Egyptien et de leurs guerres, ni de Saint-Louis et de sa croisade, ni de Charles-Quint et de ses guerres… Mais l’esprit n’est pas si simple. Avec quelques noms et quelques bribes de ce qu’il apprit, il tourne un film, plus ou moins somptueux, plus ou moins héroïque, sur l’écran du paysage; il pose sur cette poussière le décor de l’antique Carthage, il y étale l’ombre des grands conquérants qui ont succombé au charme de cette nation.
En quête essentiellement d’exotisme et de pittoresque, des écrivains, poètes et artistes venus séjourner sur les rives de notre pays et dont l’âme continue d’habiter encore les lieux ont décrit et chanté la beauté de la Tunisie par l’image et le texte, contribuant ainsi à sa renommée. Parmi eux, Paul Klee, Auguste Macke, Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, André Gide, Oscar Wilde ou encore des hôtes prestigieux, en l’occurrence Bettino Craxi, Sophia Loren et Frédéric Mitterrand. A quoi donc sert de brandir son épée face à son propre pays, ou de monter sur ses grands chevaux et de croiser le fer avec un pouvoir qui se saigne aux quatre veines pour maintenir en place l’Etat ? Plus que jamais, notre pays a besoin d’apaisement, de réconciliation, de rassemblement. Certes, on mesure le poids des contraintes auxquelles tous les Tunisiens devraient faire face, il n’empêche, grèves et contestations sociales, aussi légitimes soient-elles, ne font que lancer ce petit pays dans les ronces inextricables de l’horreur. Aujourd’hui, aimer ce petit pays, c’est mobiliser pleinement nos forces et nos atouts pour insuffler aux Tunisiens la dose idoine d’adrénaline nécessaire pour leur permettre d’envisager l’avenir avec optimisme et ambition en leur garantissant un surcroît de progrès et de prospérité.