Samedi dernier, sur les Berges du Lac, à Tunis, l’artisanat russe et tunisien ont exposé, côte à côte, leurs produits et articles imbriqués dans un ensemble artistique cohérent, comme deux faces d’une même pièce. A quelques différences près.
Cette exposition artisanale mixte est l’aboutissement d’un travail acharné, entamé il y a maintenant quatre ans, à l’initiative de la Chambre de commerce, d’industrie et du tourisme tuniso-russe, en collaboration avec l’ambassade de Russie en Tunisie et la maison russe à Tunis. Sa présidente, Mme Romanenco Khristina, elle aussi, une des compatriotes russes qui sont parvenues, au fil de temps, à devenir des citoyennes tunisiennes à part entière.
En hommage à Didon
D’ailleurs, la 4e conférence des femmes russophones vivant en Tunisie, tenue le week-end dernier, baptisée «Lady Elyssa», en référence à Didon, la légendaire princesse fondatrice de Carthage, se voulait une façon de s’y identifier, tant et si bien que la communauté féminine russe vient s’établir dans nos murs carthaginois et finir par devenir, en quelque sorte, des «Tunisiennes russophones». Mariées avec des Tunisiens, elles ont dû refaire leur vie et s’adonner à des métiers d’artisanat, fondues dans un climat socioprofessionnel typiquement Tunisien. «La côte tunisienne a représenté un havre pour la reine Elyssa, ici elle a reçu un accueil chaleureux et fonda la Grande Carthage. En son honneur, nous avons nommé la première Conférence des femmes compatriotes russes, pour qui la Tunisie est également devenue leur deuxième patrie», s’exprime, en ces termes, Mme Khristina, celle qui a beaucoup aimé notre pays. Parlons-en ainsi, l’artisanat est-il un patrimoine universel, dépositaire d’un florilège traditionnel d’us et coutumes communautaires. Voire une histoire et une identité entremêlées, dans des produits référentiels non dégriffés. Soit, des produits qui parlent d’eux-mêmes, incrustés dans leurs racines socioculturelles. Artisanat russe, artisanat tunisien, c’en est bien l’exemple édifiant. Certes, ils rivalisent de couleurs, de matière première, de design, d’idées et de projets, mais l’authenticité identitaire, la génération des métiers et la passion de nos artisanes ont fait la différence. Au point que ce legs traditionnel typiquement tunisien a beaucoup inspiré toute une génération de femmes russes établies sous nos cieux, depuis belle lurette. Celles-ci ont appris à s’investir dans ce secteur et s’installer à leur propre compte.
Elles s’investissement en Tunisie
Répartie sur plusieurs régions du pays, la communauté féminine russe brille par son leadership économique et son autonomie de gestion de projets d’artisanat, comptant sur son autofinancement. A Tunis, à Bizerte, à Ksar Helal ou bien ailleurs, ces femmes artisanes russophones ont mis toute leur énergie pour s’imposer sur le marché local, sans pour autant renier l’apport du savoir-faire qu’elles ont acquis à la faveur de l’expérience tunisienne. «Pour nous, l’artisanat tunisien nous a beaucoup inspirées et nous a donné l’envie de continuer à travailler côte à côte…», témoigne Mme Khristina, qui, elle aussi, fait partie de ces femmes entrepreneures vivant en Tunisie. Elle s’investit dans le domaine de la communication, comme un choix sectoriel parmi d’autres. Elène, elle aussi une russe artisane, fondatrice d’un projet en matière de fabrication de boites à bijoux en bois, basé à Ksar Helal, à Monastir. «Il y a six ans que j’ai monté ce projet. Je conçois et fabrique des coffres à bijoux en bois, en verre ou en céramique», révèle-t-elle, sur un air fier. Certes, dit-elle, l’idée lui vint à son arrivée en Tunisie. Notre artisanat en matière de bois l’a beaucoup inspiré. «D’ailleurs, je m’approvisionne en matière première des boutiques et bazars de bois, à Moknine et à Sousse.. Je ne cesse de participer à des foires et salons nationaux, afin d’écouler mes produits et gagner en notoriété professionnelle», ajoute-t-elle toujours aussi ambitieuse. L’exposition artisanale, organisée en marge de la 4e conférence, était pour les artisanes russes, selon Mme Khristina, une opportunité de partager leurs «success stories», exposer leurs propres expériences et dénicher de nouveaux marchés à l’échelle du pays.