Nous avons rencontré Shady Alassar lors de l’exposition de photographies «Ce que la Palestine apporte au monde», qui se tient à l’Institut français de Tunisie du 24 mai au 28 juin. Formé aux médias à l’université, il a documenté au cours de sa carrière des événements dramatiques à Gaza avant son exil.
Plus qu’un outil pour documenter, Shady Alassar a défini la photographie comme « un moyen de se réconcilier et se faire des repères et une identité dans un univers carcéral». «Ce n’est pas un choix, c’est une destinée», souligne-t-il. Il a ajouté que «si j’ai quitté Gaza, Gaza n’a jamais quitté mon cœur».
Le photographe a déploré par la même occasion les 142 journalistes assassinés depuis le 7 octobre dont la plupart sont des amis proches et a confié sa hantise de se trouver un jour sur le même brancard. Nous lui avons posé ces questions :
Faut-il compter sur des photos violentes, comme celles que nous voyons circuler sur les réseaux sociaux, pour montrer la réalité de la guerre ?
J’ai pris moi-même beaucoup de photos d’attaques sanglantes mais j’évite de les montrer. Le degré de tolérance à ces images varie d’une personne à une autre. Elles sont souvent censurées sur les réseaux sociaux. Nous n’avons pas besoin de montrer la violence expressément. Le photographe peut cadrer un détail d’une scène et c’est au spectateur d’imaginer ce qui est hors du cadre et reconstruire le récit des crimes de guerre.
Peut-on dire que la révolution numérique vous a offert d’autres pistes et modalités de lutte ?
C’est grâce aux plateformes numériques qui transmettent les données de manière quasi-instantanée que la quantité d’informations en ligne en rapport avec le confit ne cesse de croître. Notre rôle est de les accompagner visuellement pour s’opposer à la propagande coloniale. Aujourd’hui, à côté des photojournalistes qui couvrent le conflit sur place, même les gens ordinaires prennent en photo ce qui se passe autour d’eux. Les vidéos que le photojournaliste Moataz Azaiza transmet sur son compte ont fait des millions de vues et il est suivi par plus de 18 millions de personnes sur les réseaux sociaux.
Est-ce qu’on peut espérer un changement par la force des photographies ?
Évidemment. Si nous avons pu voir les manifestations dans les grandes universités européennes et américaines, c’est grâce aux images et aux séquences filmées qui ont touché ces peuples. Nous attendons qu’ils fassent pression sur les dirigeants politiques pour agir en notre faveur et soutenir notre cause.