Au sein des hôpitaux publics, à la tête des services, il existe inévitablement deux chefs : le médecin chef de service et le chef du service administratif. La Presse est allé voir comment cela marche. Immersion.
En ces temps où l’on évoque souvent l’état du secteur de la santé, plus particulièrement dans les établissements hospitaliers publics, émerge la question inévitable de la restructuration du système de santé à l’échelle nationale, qualifié, pourtant, comme l’un des meilleurs, sinon le meilleur en Afrique, surtout au niveau des qualités et compétences professionnelles du corps médical et paramédical.
Il est utile de rappeler que le système de santé est géré par le ministère de la Santé, qui dispense un accès quasi-universel des soins de santé de base. Les meilleurs spécialistes du secteur public travaillent dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), par le fait qu’ils sont rattachés aux universités dans les grandes villes où ils enseignent et officient.
Il va de soi — et comme son nom l’indique — que le système public de santé est financé par l’Etat, ce qui implique, naturellement, que tous les Tunisiens, du moins ceux qui en ont besoin, peuvent en bénéficier.
Or, un des revers de la médaille est la complexité du fonctionnement interne au sein des divers établissements, sachant que notre pays compte environ deux mille centres de soins de santé de base, 180 hôpitaux, sans oublier les services des urgences dans les hôpitaux et les cliniques disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour prodiguer les prestations de santé aux patients.
Les connaissances médicales sont essentielles à toute décision
Mais là où le bât blesse, à l’intérieur d’une même structure médicale, on se demande, souvent, qui fait quoi, quelles sont les attributions de chacun à l’échelle de la direction, ainsi que du degré de responsabilité, notamment au niveau des différents « chefs de service » ?
Pour l’autorité de tutelle, les choses sont claires. Une source autorisée du ministère de la Santé nous a assuré qu’à la tête de chaque service, « chaque chef » a des attributions bien déterminées et notifiées noir sur blanc par les textes d’application.
Pour l’autorité centrale, le médecin chef de service est celui qui chapeaute le fonctionnement du service, dans le sens où il est élu par un comité médical dont il tire son pouvoir pour diriger les activités au niveau strictement médical et technique, alors que le chef du service administratif est officiellement responsable de l’aspect logistique, du dispatching des tâches entre le personnel, des congés, des achats du matériel, des dépenses et recettes, etc.
Toutefois, la situation se révèle autrement plus complexe, dans la mesure où, en pratique, ce sont deux « chefs de service » à la tête du même service.
En effet, un chef de service médical nous apprend que normalement, il est le véritable « big boss », mais les divisions et autres tiraillements restent de mise, d’où la préférence de tenter de gérer la situation avec l’autre chef de service « administratif » dans la bonne entente. « Personnellement, affirme notre interlocuteur, médecin chef de service de son état, j’ai assuré mon vis-à-vis, chef du service administratif, qu’il était le chef, mais qu’il était tenu de me consulter avant toute décision, même anodine, car toute décision requiert un minimum de connaissances strictement médicales ».
«Ainsi, pour accorder un congé d’un mois à une sage-femme, enchaîne-t-il, je lui ai conseillé de trouver d’abord, une remplaçante, car en cas d’accident, il sera tenu pour responsable».
Les décisions sont consignées
D’ailleurs, ce médecin chef de service traite avec son vis-à-vis chef du service administratif de manière officielle, puisque tout en donnant son avis, il le consigne dans un rapport écrit, avant d’exiger une décharge de son collègue, afin que chacun d’eux assume les responsabilités de ses actes. « Depuis, j’ai la paix, ni disputes, ni incident de quel qu’ordre que ce soit », conclut-il.
En résumé, la situation paraît encore assez floue aux yeux des diverses parties que nous avons consultées. En effet, il arrive que quand les deux chefs ne sont pas d’accord, ce sont les personnels qui subissent les répercussions de ces tiraillements. Un infirmier nous indique qu’il s’est retrouvé, à maintes reprises, partagé entre deux directives contradictoires. Ce qui requiert, à chaque fois, le recours à des arbitrages d’autres chefs hiérarchiques.
En tout état de cause, les directions des différentes structures hospitalières semblent avoir opté pour le laisser-faire entre les divers « chefs », et de faire valoir la raison, consistant à accorder la priorité à la bonne marche et à l’efficacité du service, dans la mesure où la raison finira toujours par l’emporter au grand bonheur des patients.