Accueil A la une Tunisiens résidant à l’étranger: En attendant les grands projets

Tunisiens résidant à l’étranger: En attendant les grands projets

Avec des transferts de fonds annuels estimés à 7,5 milliards de dinars, les TRE s’impliquent de plus en plus dans le processus national de création de PME. Verront-ils plus grand à l’avenir ?


Selon les statistiques de la BCT, les travailleurs tunisiens vivant à l’étranger (près de deux millions d’âmes) effectuent des transferts de fonds annuels estimés à 7,5 milliards de dinars, ce qui représente 5,3% du Produit intérieur brut (PIB). Pour preuve, du début de l’année 2024 au 10 juillet, ces transferts ont enregistré un accroissement de 143,2 millions de dinars, passant de 3,7 à 3,9 milliards de dinars par rapport à la même période de 2023.

Néanmoins, ce joli score s’avère maigrichon, ou presque si on le compare aux transferts autrement plus costauds réalisés notamment par les émigrés marocains, égyptiens, algériens et surtout bangladais qui caracolent aux premières places du classement mondial 2023 établi par l’Organisation internationale pour les migrants (OIM) et où la Tunisie se contente de la dixième position, devançant quand même plusieurs pays connus pour leur traditionnelle vocation d’exportateurs de main d’œuvre, tels le Mexique, le Pakistan, la Syrie, le Sénégal et le Portugal. Maintenant, la question essentielle est : où vont ces 7,5 milliards de dinars ?

La question, nous l’avons posée à Zoubeir Zekri, chef de service dans une banque de la place, qui indique que « près de 90% de ces transferts s’opèrent sous forme d’aides à la famille et d’acquisition d’un terrain en vue de la construction d’une maison. Et c’est seulement au cours des trois dernières années que s’est dessinée la tendance à l’investissement dans la création de sociétés, particulièrement les PME ».

Une tendance que notre interlocuteur considère comme timide, m a i s p ro m e t t e u s e . «L’augmentation continue de ces transferts», explique-t-il, dénote sans doute une meilleure libéralisation des opportunités d’investissement offertes à notre diaspora, et c’est sur cette dynamique prospective qu’il va falloir rester pour espérer améliorer les chiffres et booster l’économie nationale.

Ambitions limitées

Mouldi Ben Taher, 69 ans, originaire d’El Hamma de Gabès, avait travaillé près de 40 ans en France comme ouvrier de chantier à ses débuts, avant de devenir, quelques années plus tard, un entrepreneur du bâtiment qui avait pignon sur rue dans le Midi français. « A l’époque, se remémore-t-il, mon unique ambition, à l’instar de la plupart de nos émigrés, était d’envoyer, à titre d’assistance financière, des mandats postaux aux membres de ma famille. En ce temps-là, face à l’absence d’encouragement et de motivation de la part de l’Etat, j’ai dû me contenter, à mon retour définitif au bercail, de l’acquisition d’une parcelle de terrain sur laquelle j’ai érigé une maison, tout en aidant mon frère cadet à ouvrir une épicerie, et puis c’est tout ». Toujours dans l’Hexagone où l’on compte le plus grand nombre de travailleurs tunisiens (près de 1,5 million, selon l’Office des Tunisiens à l’étranger), Brahim Tounsi a fait légèrement mieux. « Après 25 ans de dur labeur et de sacrifices consentis entre plusieurs régions de France, raconte-t-il, je suis rentré en 2008 dans ma ville natale de Msaken où j’ai fructifié mes économies dans un petit projet commercial». A la question de savoir pourquoi il n’a pas vu grand, il a répondu avec dépit : « Eh bien, ce n’est pas faute d’avoir essayé. En effet, je comptais bien monter une usine de confection pour la réalisation de laquelle j’avais un autofinancement de 60%, outre l’étude de faisabilité et le plan architectural. Hélas, c’était sans compter avec les errements administratifs intenables de la municipalité et les conditions décourageantes de ma banque.

D’ailleurs, si je n’y avais pas coupé court, mes économies de 25 ans auraient volé en éclats ». Et les exemples abondent qui témoignent d’un passé aux conditions tout à fait démotivantes sur lesquelles achoppent les intentions d’investissement de nos TRE.

« Rares, très rares parmi eux ceux qui ont pu, dans les années 80-90-2000, lancer d’importants projets, dont des PME, des usines, des hôtels», rappelle Mohamed Ferjani, ancien cadre de la BCT qui évoque «la sempiternelle pierre d’achoppement qui sévissait jadis, à savoir l’insupportable lenteur administrative et la montagne de paperasse. De quoi chasser les plus coriaces des investisseurs ». A l’époque donc, nos travailleurs à l’étranger ne voulaient pas prendre des risques, en ce sens que l’achat d’un terrain, la construction d’une maison, l’ouverture d’un petit commerce ou l’investissement dans les métiers de taxiste et de louagiste, tout cela suffisait à leur bonheur de pouvoir se réinstaller dans son pays natal.

Mesures incitatives décisives

Et puis un jour, surgit la loi de finances 2024, plus tendre et tentante qu’on l’ attendait et porteuse d’espoir. Celle-ci se distingue par sa batterie d’avantages, dont 0% d’impôt sur les bénéfices pendant quatre ans sur les sociétés créées en 2024-2025, l’accord de la non double imposition entre les pays européens et maghrébins et la Tunisie, exonération de la TVA pour les règlements reçus de l’étranger, 10% d’impôt seulement sur les dividendes non réinvestis et l’élargissement du régime FCR.

Aussi, tout tunisien résidant à l’étranger désireux d’investir dans nos murs peut-il également bénéficier d’autres avantages non moins salutaires. Jugez-en : – la franchise totale des droits et taxes dus à l’importation de matériel, d’outils de travail et de biens d’équipements nécessaires à la réalisation de son projet. – la suspension de la TVA, du droit de consommation et des droits sur le chiffre d’affaires à l’acquisition sur le marché local auprès des personnes assujeties à la TVA.

La mobilisation d’un capital minimum de trois cents euros (environ mille dinars) pour constituer une société. – la possibilité d’ouvrir des comptes bancaires en devises ou en dinars convertibles. – la non-limitation au niveau des transferts à l’étranger. En parallèle, outre le rôle de sensibilisation joué par les bureaux des attachés sociaux de l’OTE installés dans quinze pays, il faut noter que nos ambassades et consulats, ainsi que les 52 services de soutien du ministère des Affaires sociales basés en Europe, ne cessent de s’activer pour inciter les TRE à venir investir dans la patrie.

Et pour que cette opération-séduction ne faiblisse pas, la ministre de l’Economie a annoncé tout récemment sous la coupole de l’ARP que « Les besoins financiers, entre rééchelonnement de prêts et nouveaux emprunts et estimés à 300 millions de dinars pour environ 9.805 PME, ont dernièrement contraint l’Etat à mobiliser un fonds de 120 millions de dollars destiné au sauvetage de quelque 300 PME en difficulté, en facilitant leur accès à de nouvelles opportunités de financement pouvant les aider à surmonter le risque de fermeture et, par conséquent, à rebondir ». Se félicitant de toutes ces mesures qu’il qualifie de décisives, Kilani Harbi, financier, pense qu’« il est souhaitable de voir celles-ci généralisées à d’autres secteurs non moins convoités par les investisseurs, tels que l’énergie et la promotion immobilière qui n’y ont pas été incluses », estimant que « sur leur lancée du moment et d’après les prévisions, les transferts de fonds des TRE iront en augmentant au fil des années, dans le sillage de la stabilité politique et de l’amélioration du climat des affaires dans le pays ».

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