D’après les prévisions de la météo, des pluies diluviennes devraient incessamment arroser tout le territoire du pays. Est-on prêt à parer aux risques des inondations ?
Si l’on se fie aux prévisions éventées dernièrement par notre météo nationale dont la marge d’erreur, on le sait, est généralement réduite, des «déroutes» sont promises à sa majesté canicule pour les tout prochains jours. Implacable et coléreuse jusque-là, celle-ci qui nous en a fait voir de toutes les couleurs en bousillant nos si chères siestes et veillées estivales, devrait s’avouer vaincue face aux premières pluies d’automne qui s’amènent déjà, lentement mais sûrement. Selon les mêmes prévisions, ces pluies devraient incessamment arroser tout le territoire du pays, après avoir annoncé la couleur et provoqué ses premiers dégâts dans les régions de Kasserine, Gafsa, Le Kef et Sidi Bouzid..
Et si Ghassalet Ennouader voyait rouge ?
Dans l’attente de la publication d’un premier bilan officiel, il faut relever une certitude, à savoir que cette vague initiale d’intempéries n’a pas fait que des heureux. Certes, les agriculteurs se frottent les mains et ne remercieront jamais assez Dame nature pour sa générosité. Mais, comme le bonheur des uns fait parfois le malheur des autres, on a constaté que les premières averses ont endommagé des maisons, des véhicules et des réseaux d’assainissement, tout en causant les crues d’oueds et de rivières jusqu’ici tranquilles. Les vidéos circulant sur Facebook et les réseaux sociaux en sont la parfaite illustration. Sur l’une d’elles, on voit un père de famille de Sidi Bouzid lutter, en compagnie de ses deux enfants, pour dégager les importantes quantités d’eaux de pluie qui ont envahi son domicile, tandis que sa femme ruisselant de sueurs était en train d’essorer des draps, couvertures et vêtements. « Ce n’est là qu’un début », lance Habib Tajouri, habitant du quartier populaire de la cité Ettadhamen. « Personnellement, dit-il, j’ai à craindre le pire lorsque grondera Ghassalet Ennouader qui a toujours fait des ravages dans nos contrées, et plus particulièrement dans les zones à forte densité de population. Et j’espère que les événements ne me donneront pas raison ».
Ghassalet Ennouader, le mot est lâché pour éveiller en nous des souvenirs de triste mémoire qu’un bon patriote n’aime pas revivre. Question lancinante : est-on vraiment prêt pour la contrer cette fois-ci, ou pour au moins en limiter les dégâts ? La météo, en tout cas, est certaine : la furieuse GE est attendue pour les tout prochains jours. Pourquoi la redoute-t-on à ce point ? « Tout simplement, parce que nous n’avons jamais disposé d’une stratégie de prévention en bonne et due forme », répond Zouheir Baccouche, ingénieur en équipement, qui fait état de « l’existence de défaillances et de dysfonctionnements tant au niveau de l’infrastructure routière qu’à celui des réseaux d’assainissement des eaux usées et des eaux pluviales.»
Après s’être étonné qu’on n’ait pas fait assez depuis l’indépendance jusqu’à nos jours pour y remédier, notre interlocuteur met l’accès sur « l’urgence de la mise en place d’un comité national chargé exclusivement des urgences et des catastrophes naturelles, et qui devrait être se composé de représentants des différents départements concernés, à savoir les ministères de l’Agriculture, de l’ Equipement et de l’Habitat, de l’Environnement, du Transport, de l’Intérieur et de la Santé ».
Pour M. Baccouche, «ledit comité sera opérationnel toute l’année, et pas occasionnellement, tout en bénéficiant d’une autonomie administrative et financière. Les experts qui l’animent seront là non seulement pour mettre le doigt sur la plaie, mais aussi pour identifier, via des études et un suivi de tous les jours, des solutions concrètes et surtout préventives, comme cela est de coutume dans les pays développés».
Du rôle des municipalités
En citant le ministère de l’Intérieur, notre interlocuteur fait sans doute allusion aux municipalités du pays qui en dépendent. Il est vrai que celles-ci, de part l’étendue de leurs périmètres communaux, ont un important rôle à jouer dans l’effort de l’Etat tendant à faire barrage aux inondations. Et cela par le curage des oueds, l’enlèvement des détritus, la collecte des ordures ménagères et l’entretien continu de la voirie (chaussées, trottoirs..) Or, il est regrettable de constater que cela relève de l’utopie dans un très grand nombre de nos communes. « A la première pluie, nos maisons se transforment en piscines», se plaint Salah Ben Brahim, domicilié à Ben Arous qui évoque
« une situation alarmante qui perdure, comme en témoignent les dégâts qu’on subit en automne et en hiver, à cause justement du non-bitumage des chaussées et de la fragilité des réseaux d’assainissement. Et au lieu d’y remédier prématurément, on attend qu’un miracle tombe du ciel pour le faire ».
Toutefois, à la cité Ghazala (délégation de Raoued), louable fut l’initiative prise, il y a cinq ans, par la municipalité et qui a consisté en l’ensablement entier des trois vieux oueds traversant la cité et faisant le lit des inondations. Depuis, les grandes pluies et même Ghassalet Ennouader n’y ont plus… droit de cité !
Et si les municipalités exposées au même danger des oueds suivaient cet exemple ?