Nous savons tous le rôle du vecteur audiovisuel dans la diffusion de stéréotypes, en particulier en matière de communication orale. Le langage de générations entières a été influencé, pour ne pas dire façonné, par le style parlé à la radio lorsque celle-ci était la principale voie de transmission de l’information et de la culture à destination de la masse des auditeurs à travers tout le pays. C’était une époque où le choix des communicateurs, journalistes et animateurs, s’effectuait avec le plus grand soin en fonction de paramètres rigoureux qui vont du timbre de la voix à la diction, au style oratoire, en passant par le bagage intellectuel, à une époque où le pays ne s’était pas encore doté d’une institution spécialisée dans la formation de journalistes. Et quoiqu’on puisse penser du continu du produit véhiculé par cette radio — et, personnellement, je n’en pense pas le plus grand bien quant à son contenu politique et idéologique —, sur le plan formel, c’était plutôt une réussite.
La diversification ultérieure du paysage médiatique et l’arrivée en masse sur la scène de jeunes générations de communicateurs formés à l’Institut de presse ont profondément modifié la situation. Et à côté de professionnels de haut vol dont les média étrangers se sont adjugé un fort contingent, on relève la présence de personnels nettement moins qualifiés. La concurrence entre employeurs n’ayant pas toujours été dans le sens de la recherche de la qualité mais plutôt dans celui de l’audimat et, surtout, des rémunérations les plus basses, il en est résulté une baisse remarquable du niveau de l’offre. La situation a empiré avec l’introduction dans la bergerie de loups sous forme de «chroniqueurs» de pacotille.
Absence de curiosité, pour ne pas dire de professionnalisme
La baisse de ce niveau se traduit par une grande pauvreté de la matière et du discours, leur caractère sommaire, approximatif, souvent confus. Surtout, par le recours à une langue qui n’a cours que dans leur esprit. Ce faisant, ils ratent l’essentiel, le lien avec l’auditeur (ou le téléspectateur) auquel, sous prétexte de parler une langue arabe pure, ils servent du «kochk», qui est un dérivé oriental du mot «kiosque», de l’«oukhtoubout» (du grec octopode, poulpe) au lieu du «karnit» national. Il en va de même avec l’usage intempestif de la langue de Molière tel que le systématique de «à partir» suivi de «min, de» lors même qu’ils pourraient se contenter de ce même «min».
Et ne parlons pas de la très fréquente confusion des genres tels que «jupe sghir». Quant au prononcer des noms propres étrangers, il dévoile la totale absence de curiosité (pour ne pas dire de professionnalisme) de personnes qui ne cherchent pas à savoir si l’on doit dire Koursk ou Korsk !
Tout ceci ne va pas sans dommages collatéraux. Car il est évident que, de nos jours, l’impact de l’audiovisuel est considérable sur tous les plans. La schizophrénie qui se manifeste sur les ondes est transmissible aux masses. La responsabilité des communicateurs (et de leurs employeurs) est engagée. Alors…