Le secrétaire général adjoint, Samir Cheffi, a été récemment apostrophé par des syndicalistes très en colère qui lui ont barré la route devant le siège de la centrale syndicale. Le point sur la situation.
L’on se demande s’il s’agit d’une crise de confiance qui couve depuis le Congrès non-électif tenu en pleine vague de Covid, en juillet 2021, à Sousse, et qui s’est soldé par l’amendement du fameux article 20, dans un premier temps, et par la réélection des anciens membres du bureau exécutif lors du 25e congrès organisé à Sfax en février 2022, dans un deuxième temps. Dans tous les cas, l’amendement de l’article litigieux ayant permis aux anciens membres de ce bureau de rappliquer pour se présenter en vue d’un second mandat, a été très mal accueilli par une grande partie de syndicalistes, créant des tensions et une fissure au niveau de la base syndicale. Il a été par ailleurs qualifié d’acte très grave et engendré un effet boule de neige avec la démission de plusieurs syndicalistes.
Il est à signaler que l’article 20, dans son ancienne version, stipule que les membres du bureau exécutif national ne peuvent cumuler plus de deux mandats. Il interdit le cumul de trois mandats successifs de cinq ans au bureau exécutif en tant que membre, secrétaire général adjoint ou en tant que secrétaire général. Or, l’amendement a été taillé sur mesure, avaient commenté plusieurs syndicalistes qui ont, depuis, préféré garder leurs distances avec la nouvelle (ancienne) équipe dirigeante.
Après le congrès électif de Sfax en 2022, Noureddine Taboubi a été reconduit à la tête de l’Ugtt. Des membres de l’ancien bureau exécutif ont été de nouveau élus au sein du nouveau bureau, à savoir Monem Amira, chargé des finances et de l’administration, Sami Tahri, chargé des médias et de la publication, Hafaidh Hafaidh, chargé des affaires juridiques, Slaheddine Salmi, chargé des offices et des établissements publics, Anouar Ben Gaddour, chargé des études et de la documentation et Samir Cheffi, chargé des femmes, des jeunes travailleurs, des associations et des institutions constitutionnelles.
Gagner le procès, perdre sa crédibilité
Dans le camp des partisans de l’actuel secrétaire général, on s’est toujours réjoui des résultats du congrès tenu à Sfax et refusé toutes les critiques qui ont remis en question la légitimité du congrès de Sousse, d’autant que la centrale syndicale a eu gain de cause en appel et en cassation à la suite de l’action en justice menée par les opposants à la tenue du congrès extraordinaire non électif précédemment cité.
«L’Ugtt a gagné certes le procès, mais elle a perdu sa crédibilité. L’organisation passe aujourd’hui par une grande crise», nous fait part un ancien dirigeant syndicaliste sous couvert d’anonymat. Le fâcheux incident qui a eu lieu ces derniers jours devant le local de la centrale syndicale témoigne de la situation. Il est le fruit d’une succession de conflits intérieurs générés par la modification de l’article 20. L’organisation a balayé d’un revers de main un important principe de pratique démocratique, à savoir la limitation des mandats pour les membres du bureau exécutif.
L’accrochage, selon l’expression de notre témoin, entre le secrétaire général adjoint, Samir Cheffi, et des opposants à l’équipe dirigeante de la centrale syndicale, traduit une lutte de positionnement entre des parties syndicalistes qui couve depuis ces dernières années. Ce conflit est la résultante somme toute logique de la transgression des règlements intérieurs par l’actuelle équipe dirigeante, selon lui. «C’est une querelle interne entre diverses composantes au sein de l’Ugtt», ajoute-t-il.
Notre témoin nous explique qu’il a fait partie de l’ancienne génération de l’Ugtt et a côtoyé, alors qu’il était encore jeune, le leader Habib Achour. Il ne reconnaît pas l’Ugtt qui s’est, d’après lui, politisée et a été noyautée par des partis et mouvements politiques. Il rappelle qu’il a milité, depuis le congrès de Djerba en 2002, aux côtés de feu Salah Zghidi, contre l’amendement de l’article en question en vue de limiter à deux le nombre de mandats pour les membres du bureau exécutif et, de ce fait, perpétuer les bonnes pratiques de transparence et lutter contre toutes sortes de dérapages. «L’Ugtt persiste malheureusement dans sa fuite en avant et se retrouve dans une situation confuse après son refus de procéder à son autocritique».
La centrale syndicale a-t-elle fermé les yeux ?
D’après notre source, plusieurs dossiers de corruption risquent de déstabiliser davantage certains dirigeants syndicalistes.
D’où l’accrochage entre les syndicalistes en colère et le membre du bureau exécutif, Samir Cheffi. Il est à souligner que des dirigeants syndicalistes se trouvent actuellement derrière les barreaux dont le secrétaire général du syndicat de Tunisair, Najmeddine Mzoughi, arrêté par les unités sécuritaires de la Garde nationale au niveau du terminal frontalier de Ras Jedir. Ce dernier est accusé de falsification de diplômes, proxénétisme et favoritisme, auprès de la compagnie nationale en échange de pots-de-vin.
Certes, cela ne doit pas nous pousser à la généralisation abusive, mais on est en droit de se demander pourquoi la centrale syndicale ne s’est pas rendu compte de ces graves manquements dont le mis en caus est accusé des années durant. C’est là toute la question.
Soulignons que l’incident qui a eu lieu devant le siège de la centrale syndicale a provoqué de vives réactions du bureau exécutif de l’Ugtt, des unions régionales, des organisations sectorielles et syndicats de base qui l’ont qualifié de tentative d’agression contre l’organisation syndicale et contre son secrétaire général adjoint, Samir Cheffi, par un groupe de manifestants appartenant à une organisation parallèle.