Face à l’invasion des produits importés et à l’essor du marché parallèle, les marques tunisiennes luttent pour préserver leur place et valoriser la production locale. Une campagne de sensibilisation a été, récemment, lancée afin de mobiliser les consommateurs autour du « Made in Tunisia » pour soutenir l’industrie nationale et ancrer une culture de consommation responsable.
Que ce soit dans le domaine du textile, de l’agroalimentaire, du cosmétique ou de la mécatronique, plusieurs marques tunisiennes brillent de mille feux, ici et ailleurs. Elles ont pu se forger une réputation solide qui témoigne de la bonne qualité des produits fabriqués localement. C’est que ces enseignes ont travaillé dur pour percer non seulement sur le marché local qui est un marché ouvert et donc régi par une concurrence rude, mais aussi sur des marchés extérieurs, notamment en Afrique et en Europe. De l’avis de tous, le “Made in Tunisia” est devenu un gage de qualité. Derrière cette réussite, se cachent des années voire des décennies de labeur, d’expertise, de partenariat entre le public et le privé. Et surtout de la volonté et le rêve d’aller plus loin. Les success stories dans tous les domaines ne manquent pas et sont évocatrices du succès de la marque tunisienne.
Le commerce parallèle et le dumping : deux grands dangers
Cependant, les produits fabriqués localement peuvent être confrontés à une concurrence déloyale qui peut prendre la forme du commerce parallèle ou la forme du dumping. Il n’est un secret pour personne que le commerce des produits sur le marché parallèle prospère en Tunisie. Et pour cause: les prix qui y sont pratiqués sont souvent plus bas qu’ailleurs. Une étude réalisée en 2019 par l’Institut tunisien des études stratégiques a révélé que la contrebande et les importations parallèles représentent entre 15% et 20% du total du flux de marchandises distribué par le commerce interne. Le tabac, les produits pétroliers, les vêtements, les chaussures, l’électroménager et les produits électroniques sont les principaux biens de consommation commercialisés. De plus, le dumping sur marché tunisien par des produits turcs, notamment des produits textiles et plastiques, a fortement impacté les industries locales menant plusieurs entreprises au bord de la faillite. D’ailleurs, l’évaluation dudit accord a pointé les préjudices portés à l’économie tunisienne ayant conduit à un déficit abyssal de la balance commerciale avec la Turquie. La révision en cours de l’accord vise donc à mettre fin à cette hémorragie et à réinstaurer l’équilibre commercial entre les deux pays.
Au-delà des mesures protectionnistes
Bien que la Tunisie vient de se doter d’un organe de défense commerciale créé auprès du ministère du Commerce pour veiller sur les pratiques déloyales à l’importation, elle doit plutôt miser sur la conscientisation du consommateur tunisien. Certes, cet organe, chargé d’enquêter auprès des diverses parties prenantes pour déterminer le dumping ou la subvention alléguée et en prévoir l’ampleur et les répercussions, constitue un atout indéniable pour protéger l’industrie locale et les fabricants tunisiens.
Mais le consommateur peut, lui aussi, jouer un rôle essentiel dans l’encouragement de la production locale. D’ailleurs, c’est justement l’objectif derrière la campagne initiée par l’Organisation tunisienne d’information des consommateurs (Otic), intitulée « Si vous aimez la Tunisie, consommez des produits tunisiens». Ayant démarré vers la mi-août, cette campagne qui prône la consommation locale, vise à soutenir l’industrie tunisienne. “L’idée de l’initiative est née du constat que le marché tunisien est inondé de produits importés surtout en provenance de Turquie”, a fait savoir, dans une déclaration à La Presse, Lotfi Riahi, président de l’Otic. Se transformant souvent en campagnes publicitaires pour promouvoir les produits importés au détriment du « Made in Tunisia », ces produits, vendus à des prix élevés, sont souvent de qualité médiocre, a-t-il ajouté.
Les produits fabriqués localement à l’honneur
« Le tissu industriel tunisien en a pâti, se détériorant gravement sous l’effet de ces importations massives. Il est de notre devoir de soutenir l’industrie locale. Des campagnes de ce genre sont menées dans le monde entier pour promouvoir les produits fabriqués localement», a-t-il précisé. Riahi a aussi souligné que la campagne se déroulera en deux phases. La première, déjà en cours, vise à faire connaître l’initiative et sera couronnée par une foire qui se tiendra à l’Utica fin octobre.
La seconde commencera avec le lancement des foires du producteur au consommateur dans toutes les régions du pays. Par ailleurs, l’organisation travaille à accroître la participation des producteurs tunisiens aux foires internationales, afin d’offrir plus de visibilité aux produits tunisiens.
« En Tunisie, nous fabriquons toutes sortes de produits, mais l’importation massive de biens de consommation fait de l’ombre aux produits “Made in Tunisia”. Et si nous n’avons pas encore réussi à produire certains biens, il est grand temps de s’y mettre », a-t-il affirmé. Il a ajouté que les Tunisiens favorisent les produits locaux, notamment en raison de leur bon rapport qualité-prix, qui tient compte de leur pouvoir d’achat. « La foire prévue en octobre sera l’occasion de découvrir une diversité de produits, notamment ceux fabriqués par des entreprises communautaires, sociales et solidaires, ainsi que des groupements agricoles. Nous appelons toutes les parties prenantes à soutenir cette campagne », a-t-il conclu.
Dans un contexte économique de marchés ouverts où la concurrence peut parfois être déloyale, la culture de la consommation responsable peut servir de rempart contre les produits contrefaits, écologiquement nuisibles ou préjudiciables à l’industrie et au commerce tunisiens. En devenant plus attentif à l’origine des produits, le consommateur tunisien sera également plus exigeant quant à leur qualité. Celle-ci, au-delà d’un prix abordable, doit respecter des normes phytosanitaires préservant sa santé.