Manœuvrant en terre et en mer, le corps de la GN a largement contribué, chiffres et données à l’appui, à la stabilité du pays, particulièrement dans les années noires du terrorisme
Traditionnellement, on fête un anniversaire dans la joie, au son de la musique et autour de plateaux de sucreries et de boissons, pour se dire, tout sourire, happy birthday. Le corps de la Garde nationale, fidèle à ses coutumes, a, lui, célébré le sien sur le terrain, c’est-à-dire sur le champ de bataille où il se sent comme un poisson dans l’eau. Et, en guise de cadeau d’anniversaire, il s’est offert, ce jour-là, pas moins de sept… jolis coups de filet consistant en la saisie, dans les gouvernorats de Médenine, Tataouine, Sfax, Kairouan et Sousse, d’un butin estimé à environ quatre millions de dinars (excusez du peu) et composé de marchandises diverses ( vêtements, produits alimentaires, pièces détachées, cigarettes, stupéfiants, bijoux, devises..). Cela, sans compter les deux autres exploits réussis le même jour, avec l’arrestation d’un dangereux takfiriste activement recherché depuis deux ans et de quelque 64 migrants subsahariens qui s’apprêtaient, depuis les côtes de Sfax, à gagner l’Europe à bord d’une embarcation de fortune. «Il n’y a pas lieu de s’en étonner, c’est notre raison d’être, et cela n’a pas changé depuis la naissance de notre chère GN, et, notez-le bien, il ne changera ni demain, ni après demain» nous confie un adjudant de ce corps, visiblement fier de son appartenance. «L’amour de la patrie, ajoute-t-il, et le sens du sacrifice dont nous sommes imprégnés, coulent dans nos veines et sont transmis de génération en génération». Évoquant le terme «témérité», notre interlocuteur, avec ses 24 ans de loyaux services rendus un peu partout dans le territoire du pays, assure que «quand on est au boulot, on bosse comme des forcenés et, pour ne pas faire chou blanc, on s’accroche à la réussite comme une huître à son rocher, si sérieuses que soient les menaces, car, dans nos convictions professionnelles, avoir peur, c’est comme si on retournait son arme contre soi. Et cette conviction s’est considérablement renforcée durant la terrible spirale terroriste qui avait embrasé le pays au lendemain de la révolution».
Un parcours héroïque
Créée moins de huit mois après l’indépendance à l’initiative de deux illustres poids lourds de la police tunisienne d’antan, en l’occurrence les regrettés Mahjoub Ben Ali et Tijani Ketari, la Garde nationale a fait ses premiers pas timidement, avec la constitution d’un premier contingent d’agents composé essentiellement de volontaires triés sur le volet parmi les scouts et les jeunes sans parents inscrits dans les centres d’accueil et de prise en charge étatiques appelés populairement «Atfel Bourguiba» (Les enfants de Bourguiba). La mayonnaise a pris plus vite qu’espère, avec la sortie, début 1958, de la première promotion de gardes nationaux. Enfin mis sur les rails, le petit train qui deviendra, des décennies plus tard, TGV prend de la vitesse. Plus rien ne l’arrêtera, à la faveur de la mise en place d’une solide structure qui n’avait rien à envier à celle de la police.
Depuis, que de chemin parcouru, que de générations «fabriquées», mais aussi et surtout que de réalisations et de performances. C’est surtout dans les années 80-90 que la GN s’est formidablement métamorphosée, sur la base de la création de nouvelles directions et sous-directions, et autres départements qui manquaient à la pyramide. Le tout totalement indépendant de la direction générale de la Sûreté nationale relevant du ministère de l’Intérieur. Au point qu’elle s’est dotée de sa propre école de formation, à savoir celle de Fondouk Jedid, devenue aujourd’hui de renommée internationale en matière de lutte contre le terrorisme. C’est justement de cette fameuse école, incontournable rampe de lancement de tireurs d’élite et de commandos qui, à chaque coup, font mouche, qu’est parti un tsunami qui sonnera, en 2016, le glas de l’hydre terroriste. Et là, on disserterait à l’infini sur le rôle capital et décisif qu’ont joué les gardes nationaux dans ce combat de triste mémoire.
En effet, de leurs postes confinés dans l’extrême sud du pays et à la lisière de nos frontières avec la Libye et l’Algérie, ils ont fait, souvenons-nous en, barrage aux fréquentes incursions armées des groupes jihadistes, parvenant à les mettre sous éteignoir. Alors que le pays s’enfonçait dans la mélasse du chaos et suscitait, par moments, le ras-le-bol et le désespoir de tout un peuple, eux, et presque eux seuls, croyaient encore mordicus en la délivrance. «Nous étions, raconte notre interlocuteur, tenacement déterminés à vraiment tout faire pour les battre, non seulement pour répondre à l’appel du devoir sacré de sauver la nation, mais aussi pour venger nos camarades tombés sur le champ d’honneur, une trentaine de victimes ayant été recensées dans nos rangs». Les vaillants chevaliers ont succombé à leurs blessures lors d’attentats terroristes, dont le cycle infernal a commencé au mois de mai 2011 à Errouhia (gouvernorat de Siliana) pour atteindre son paroxysme de 2012 à 2015, à coups de sanglantes attaques jihadistes, dont les plus meurtrières ont été perpétrées au Mont Chaâmbi, Bir Ali Ben Khelifa, Goubellat, Raoued, Jendouba, Sousse, Grand Tunis, Ben Guerdane, Kébili, Sejnene et Sidi Bouzid (sept agents tués en octobre 2013).
De son QG de l’Aouina transformé en bunker et redouté alors comme la peste par ses ennemis, la Brigade antiterroriste (BAT) de la Garde nationale, incontestablement la plus performante que compte le MI, faisait l’essentiel du travail d’exécution de la stratégie de lutte contre les groupuscules obscurantistes, et cela sous l’impulsion de son homme fort, le colonel Ammar El Faleh qui tenait, faut-il le rappeler, à poursuivre le boulot, bien qu’ayant fraîchement… perdu une jambe lors de l’attentat terroriste commis au mois d’avril 2013 au Mont Chaambi.
L’histoire retiendra aussi que c’est grâce aux descentes musclées et rusées de cette brigade qu’une centaine de cellules dormantes qui projetaient, au plus fort de la spirale terroriste entre 2013 et 2016, de mettre le pays à feu et à sang, ont été démantelées, une soixantaine de jihadistes tués, quelque 32 dépôts de stockage d’armes et de munitions découverts. Le mérite revient également à la BAT dans l’élimination des terroristes et caids les plus recherchés parce que les plus dangereux, de Kamel Gadhgadhi à Ahmed Rouissi, en passant par Ezzeddine Abdellaoui, Mohamed Dridi, Ali Klai, Makrem Riahi, Adel Saidi, Mohamed Khiari, Selmene Marrakechi et autre Marwen Belhadj qui constituaient l’élite des lieutenants choisie et mobilisée par Abou Iyadh. Ceux-là mêmes qui avaient participé, de près ou de loin, aux assassinats politiques de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, envoyé des centaines de nos jeunes dans les foyers de tension en Syrie, Libye, Mali, Niger et Tchad.
Au tableau de chasse des «Batistes», on compte également de nombreux jihadistes algériens arrêtés ou tués, qui étaient à la solde d’Aqmi (Al Qaida au Maghreb islamique) dirigé par Abdelmalek Droukdel à qui Abou Iyadh avait juré fidélité.
Sur un autre plan , la Garde nationale a été toujours bien représentée en compétences au sein de la puissante Garde présidentielle.
Lotfi Ben Jeddou, alors ministre de l’Intérieur et au fait du brûlant dossier du terrorisme de l’époque, n’a pu cacher son admiration, en déclarant un jour à un média occidental : «Les leçons de bravoure, d’efficacité et de professionnalisme données à répétition par les unités de la BAT de la Garde nationale méritent d’être enseignées dans les universités du monde». Une déclaration qui, soit dit en passant, rejoint la même proposition avancée en exclusivité par La Presse depuis 2012.
Bref, la GN, c’est 68 printemps d’acquis, de loyaux services et de gloire. Oui, on est fiers de vous, héros d’un inoubliable conte de fées qui nous met du baume au cœur.