Historiquement, les expériences de jumelage entre les villes tunisiennes et étrangères ont beaucoup perdu de leur attrait et de leur longévité. Faudrait-il les relancer, ou concevoir un nouveau mode de coopération, garantissant davantage de rayonnement international à la Tunisie ?
L’expérience des jumelages entre les villes tunisiennes et celles étrangères a fait ses premières apparitions à l’aube de l’indépendance, avec l’émergence de tentatives timides par-ci, par-là, mais finalement sans lendemain. Il a fallu attendre le début de l’année 1959 qui a été marquée par la conclusion d’un accord officiel, le premier du genre, liant la mairie de la capitale, Tunis, à Barcelone, la capitale cosmopolite de la Catalogne. Passant rapidement de la parole à l’acte, les Catalans ont donné le nom de Tunis à l’une de leurs places animées, et les Tunisois n’ont pas tardé à en faire de même.
Ainsi, la municipalité de Tunis a ensuite signé des accords de coopération similaires avec d’autres villes européennes, arabes et africaines.
Inévitablement, cela a fait tache d’huile tout autour, au point que dans plusieurs communes, les premières commissions de coopération internationale, jusque-là inexistantes, ont vu le jour et un conseiller municipal élu est nommé à la tête de chacune d’entre elles.
L’exemple de l’Ariana
En 1977, la mairie de Sidi Bou Saïd est jumelée à son homologue de Thorens en France. Elle sera suivie, trois ans plus tard, par celle de l’Ariana qui a pris pour partenaire la ville de Salé, située à 15 kilomètres de la capitale marocaine, Rabat. Cela a donné, à l’époque, un coup de pouce à la coopération tuniso-marocaine dans son ensemble, à la lumière du succès exceptionnel de ce projet de jumelage.
Une réussite matérialisée par de fréquents échanges de visites et l’établissement d’un courant de partenariat touchant pratiquement tous les domaines de l’action municipale, particulièrement ceux de l’environnement, de l’urbanisme, de la propreté, de la voirie, de la culture, de l’enfance et du sport. Outre la Place Salé qui a toujours constitué le cœur battant de la ville des roses, des échanges de visites et d’expériences se sont développés entre les deux cités.
Cependant, à la fin des années 90, début d’essoufflement dans les deux camps et, au bout du compte, voilà l’édifice qui s’est effondré. Qu’à cela ne tienne, un an plus tard, l’hôtel de ville de l’Ariana est revenu à la charge en signant, en 1993, un accord de coopération avec la cité française de Grasse. Elle aussi berceau de la rose dans l’Hexagone. Là encore, cérémonies officielles en grande pompe, échanges d’appellations de rues et de visites, séminaires, festivals…
Une petite décennie d’amour partagé, et puis plus rien !
Aujourd’hui, le tableau de la coopération internationale à la commune de l’Ariana affiche un affligeant zéro activité. «De grâce, arrêtez», tempête Salah Hammouda, un vieil arianais qui jure n’avoir jamais cru en ce genre de partenariat. «On fait ça, assure-t-il, à des fins soit politiques, soit personnelles, sans aucune utilité pour les habitants qui exigent plutôt, comme priorités, des rues sans nids de poule, des trottoirs bien aménagés, un éclairage public sans panne et un ramassage des déchets et ordures ménagères sans retard. Le reste, c’est pour le décor».
Des partenariats qui défient le temps
Si nous avons cité l’exemple de l’Ariana, c’est parce qu’il illustre, par ses paradoxes qui soufflent le chaud et le froid, l’échec de tout un processus en la matière.
Certes, des municipalités comme Sousse, jumelée à Nice, La Marsa à la ville chinoise de Zinghu, Sfax à la métropole française de Grenoble, et surtout Nabeul qui vient récemment de célébrer le vingtième anniversaire de son partenariat avec la cité japonaise de Seto, tiennent encore la route.
Cela reste timide, pour un pays qui compte quelque 240 municipalités, et dont l’emplacement géographique stratégique offre pourtant d’innombrables opportunités de partenariat international.
Dans certaines contrées, les traditions de jumelage culturel, sportif, environnemental et même tripartite (entre trois villes de pays différents) sont bien ancrées.
Sur le plan professionnel également, le Conseil national de l’Ordre des pharmacies de Tunisie est jumelé, depuis le 30 mai dernier, à son homologue algérien
Cela sans oublier d’autres solides modèles de jumelage entre la Jeune chambre internationale de Tunisie (JCI) avec plusieurs villes (Mahdia, Kairouan, Dar Allouch..).
Pour l’accompagnement du ministère des AE
Pour le secrétaire général chargé de la gestion de la municipalité du Bardo, Adel Essoussi, «le temps où l’expérience des jumelages intercommunaux emballait pour son exemple de réussite à l’international, n’est plus qu’un souvenir lointain, d’où la nécessité de la réhabiliter. Et c’est ce que nous sommes en train d’essayer de faire aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire de notre mairie».
Hazem Khelif, expert en relations internationales, estime pour sa part que «pour une meilleure efficience, toute opération de jumelage entre les municipalités devra, à l’avenir, obligatoirement bénéficier de l’avis et de l’accompagnement du ministère des Affaires étrangères, et pas seulement de l’aval de la tutelle, en l’occurrence le ministère de l’Intérieur». Défendant sa position, notre interlocuteur indique que «cette procédure est appliquée, depuis belle lurette, en Occident et même dans certains pays arabes et africains, compte tenu de ses répercussions multidimensionnelles. On ne perdrait donc rien à limiter».