Maintien du taux directeur à 8 %: Une décision controversée

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Dans un communiqué publié le 25 du mois courant, le conseil de la BCT a présenté un état des lieux détaillé de la conjoncture économique sur les plans national et international, tout en mettant l’accent sur «la décélération graduelle des prix à la consommation qui s’est poursuivie» ainsi que sur la baisse du taux d’inflation. La Banque centrale a, par ailleurs, décidé de maintenir inchangé son taux directeur à 8%. Une décision qui n’a pas fait l’unanimité au sein de la sphère économique.

La récente décision de la Banque centrale, consistant à maintenir inchangé à 8% son taux directeur, ne fait pas l’unanimité des économistes. Entre ceux qui s’y attendent et ceux qui y trouvent un pas insuffisant pour booster la croissance économique, le débat se polarise.

Selon la BCT, cette décision est bien fondée du moment «qu’il est nécessaire de continuer à soutenir le processus déflationniste», surtout en prenant en considération « les risques persistants entourant la trajectoire de l’inflation ».

En effet, dans un communiqué publié le 25 du mois courant, le conseil de la BCT a présenté un état des lieux détaillé de la conjoncture économique sur les plans national et international tout en mettant l’accent sur « la décélération graduelle des prix à la consommation qui s’est poursuivie » ainsi que sur la baisse du taux d’inflation qui est passé de 7% le mois précédent à 6,7% (en glissement annuel).

La tendance est bonne

De plus, la BCT a prévu « une poursuite de la tendance haussière de la croissance économique au troisième trimestre 2024, qui sera soutenue par le redressement de la demande extérieure et le renforcement progressif de la demande intérieure ». L’évolution positive des échanges avec l’extérieur (stabilisation du déficit commercial et contraction du déficit courant passant à 2.130 millions de dinars contre 3.105 millions de dinars à fin août 2023) a favorisé la consolidation des réserves de change, estimés à 116 jours d’importation à la date du 24 septembre 2024. « Pour sa part, le taux de change du dinar a continué à faire preuve de résilience face aux principales devises, favorisant ainsi la baisse des pressions extérieures sur la formation des prix », a-t-on affirmé dans le même communiqué.

Si les récentes prévisions d’inflation tablent sur une poursuite de sa détente graduelle, le conseil d’administration de la BCT a estimé que la trajectoire future de l’inflation reste entourée de risques haussiers multiples sur le court et le moyen terme, ayant trait surtout à la remontée des prix internationaux des produits de base et de l’énergie, au stress hydrique, à l’affaiblissement des capacités de production, et à la situation encore difficile des finances publiques.

Pour prévenir une hausse de l’inflation

Le Conseil a considéré qu’en dépit de la résilience dont a fait preuve l’économie nationale ces dernières années, l’implémentation des réformes est plus qu’indispensable pour hisser le potentiel de croissance et rétablir les équilibres globaux à moyen et long terme. Commentant cette décision, l’économiste et analyste financier, Moez Hadidane, a déclaré sur les ondes d’une radio privée que la BCT estime que l’inflation et ses raisons restent présentes. « La BCT considère que toute baisse du taux directeur pourrait entraîner une hausse de l’inflation, et justement, pour qu’elle parvienne à son objectif de 7% d’inflation en moyenne sur l’an, elle doit garder le taux directeur actuel », a-t-il affirmé.

Cependant, d’autres économistes n’entendent pas cette décision de la même oreille. C’est le cas de Ridha Chkoundali qui a mis l’accent sur les répercussions économiques négatives de cette politique monétaire, pouvant se traduire par une baisse de la croissance et des recettes fiscales et compromettant ainsi la stratégie économique du gouvernement. Selon lui, cette décision est injustifiée et découle d’une prudence excessive, alors que les experts s’attendaient à une baisse du taux, qui aurait stimulé l’activité économique. L’économiste a estimé que la Banque centrale de Tunisie semble chercher à freiner la consommation en maintenant son taux directeur élevé.

Maintien des réserves en devises

Même son de cloche, chez Aram Belhadj qui a, en somme, fait savoir, dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, que cette décision traduit les inquiétudes de la BCT et sa «posture conservatrice ».  Selon lui, une réduction de 100 points du taux directeur, pour le ramener à 7%, aurait apporté une bouffée d’oxygène aux acteurs économiques. « Une baisse du taux directeur aurait été pertinente dans un contexte économique fragile, marqué par une faible croissance », a-t-il affirmé. Il a ajouté que l’évolution positive des prix à l’international profite, actuellement, à la Tunisie et devrait avoir un impact positif sur l’inflation qui est, selon ses dires, une inflation importée.  Il a, par ailleurs, expliqué que parmi les raisons non-déclarées ayant motivé la BCT à prendre cette décision figurent, notamment, les inquiétudes de l’institution quant au maintien des réserves en devises au moment où la Tunisie devrait honorer des engagements d’une valeur atteignant les 3.000 millions de dinars arrivant à échéance en octobre. Il a considéré que cette décision profite aux banques qui craignent une baisse de leurs bénéfices après l’amendement de l’article 412 du code de commerce, qui oblige ces dernières à consacrer 8% de leurs bénéfices aux PME.

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