Les Tunisiens À l’étranger et l’élection présidentielle: Les difficultés de déplacement prises en considération

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Plus de 600 mille électeurs répartis sur 48 pays sont appelés à exercer librement leur droit de vote


Pour les Tunisiens résidant à l’étranger (TRE), le scrutin aura lieu les 4, 5 et 6 octobre prochain. Ils auront la possibilité de voter dans n’importe quel centre de leur choix, et non au centre où ils sont préalablement inscrits, selon le porte-parole de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie), Mohamed Tlili Mansri.

Pour cette élection, les difficultés de déplacement que rencontre la diaspora ont été prises en considération. Cette procédure s’applique également aux électeurs tunisiens non-résidents, se trouvant à l’étranger les jours du scrutin. Il était grand temps de prendre de telles décisions, d’autant que le taux de participation aux élections des Tunisiens à l’étranger a été relativement moyen, pour diverses raisons sur lesquelles il serait utile de s’arrêter.

L’éloignement des bureaux de vote, un grand obstacle

Il faut souligner que la participation des TRE aux élections varie considérablement selon les circonscriptions. Selon des études établies sur les élections de 2011 et 2014, l’évolution du taux de participation à l’étranger dépend d’autres variables que le profil socioéconomique des migrants. Aussi, le nombre important de votants à l’étranger en 2011, s’explique-t-il par un regain d’intérêt pour la politique du pays d’origine, à la suite de la chute du régime de Ben Ali.

Par la suite, le nombre d’électeurs a considérablement baissé à l’étranger, comme à l’intérieur en 2014. Parmi les causes évoquées, d’importants problèmes observés au niveau des inscriptions, le durcissement des procédures de vote et, notamment l’éloignement des bureaux de vote. Tout cela constitue un grand obstacle pour les votants. En 2011, se munir de sa carte d’identité était suffisant pour voter, même si le votant n’est pas inscrit sur les listes électorales. Ce qui n’était pas de nature à garantir l’intégrité de ces élections à l’étranger. En 2014, il était nécessaire d’être inscrit sur les listes électorales et de se présenter dans le bureau de vote correspondant à l’inscription.

Aujourd’hui, il est possible de voter muni de sa carte d’identité, à n’importe quel bureau de vote, mais l’électeur doit obligatoirement être inscrit sur la liste électorale. En 2011, le taux de participation aux élections à l’étranger a été de 29,1% et en 2014, il a chuté à 15,6%. Au second tour de la présidentielle de 2019, le taux de participation à l’étranger a été nettement plus élevé avec 23,5%, selon les statistiques de l’Isie. Le taux le plus élevé a été enregistré dans la circonscription France 1 (comprend les bureaux de vote relevant des zones consulaires à Paris, Pantin, Strasbourg) avec 35.6%. Il est à souligner que la participation des TRE n’a pas été toujours la même dans toutes les circonscriptions.

Elle a été le plus souvent faible en Allemagne, en Italie et en France 2 (Marseille, Lyon, Nice, Grenoble et Toulouse), contrairement aux taux enregistrés en France 1. A ce propos, certains observateurs soulignent dans leurs études consacrées aux élections tunisiennes à l’étranger que la participation des TRE est plus forte dans les pays qui attirent le plus grand nombre de migrants qualifiés, en particulier en France 1. Mais ce n’est pas toujours le seul critère à prendre en considération, d’autres variantes socioéconomiques entrent en jeu.

Mieux informer

Il va sans dire que l’Isie ne cesse de déployer de grands efforts de communication relative à la présidentielle. Le site de l’Instance en question est très bien documenté concernant les conditions et modalités de vote, les dates du scrutin et les emplacements des centres et bureaux de vote. Mais il semble que cela n’a pas été de nature à conférer plus de visibilité à la présidentielle. Certains membres de la diaspora que la Presse a contactés n’étaient pas au courant de la date du scrutin ! On ne sait qui blâmer. Ahmed Dakoumi, haut cadre de La Poste à Genève, en Suisse, nous a fait part de sa grande déception. « On ne sait rien et on est presque isolé. D’autant qu’on regarde peu les programmes sur la chaîne nationale », regrette-t-il. Il faut dire que le train de vie de la majorité des TRE et le rythme de travail ne leur laissent pas le temps de s’informer davantage. Les autorités en place doivent faire beaucoup plus d’efforts pour les inciter à exercer leur droit de vote. « La Maison de Tunisie en Suisse » basée à Genève vient pourtant de publier sur son site officiel, le communiqué de l’Isie concernant la date du scrutin et les modalités. Mais il faut souligner que la majorité des Tunisiens résidant dans les divers cantons suisses ne sont pas abonnés au site de ladite association.

Des efforts supplémentaires en communication avec les TRE sont donc plus que souhaitables. A Paris, Arbia est dans la même situation qu’Ahmed en Suisse. Elle a entendu parler de la présidentielle, mais elle ignore tout sur les modalités de vote et la date du scrutin. Pire, elle nous confie qu’elle n’est pas enregistrée sur les listes électorales. « En 2014, j’étais à Tunis et j’avais envie de voter, mais je n’ai pu le faire car je n’étais pas inscrite sur la liste électorale ». Aymen, résidant en Italie, nous a signalé qu’il est au courant de la présidentielle, mais ignore la date du scrutin !

« On exerce librement un droit »

Ce n’est pas, bien évidemment, le cas de beaucoup d’autres Tunisiens installés à l’étranger qui ne comptent pas laisser échapper pareille occasion pour s’exprimer librement. Parmi eux, un enseignant à la retraite qui a acquis la nationalité française dans les années 80. Aujourd’hui, on est en droit de voter plus librement, sans aucune contrainte, contrairement aux années qui ont précédé la révolution, nous explique-t-il. Selon lui, le nombre de candidats à la magistrature suprême importe peu. « Plus de candidats à la course, ne signifie nullement des élections plus libres. En votant pour un candidat, ou en déposant un bulletin vierge, on exerce librement un droit.

C’est ce qui compte le plus ». En tenant compte de certaines déclarations qui ne font que confirmer que l’information relative à la présidentielle 2024 ne passe pas comme il se doit chez les TRE, l’Isie est appelée à redoubler d’effort en matière de communication, en coordination avec les représentations diplomatiques à l’étranger qui doivent, à leur tour, conférer plus de visibilité à ces élections auprès des TRE.

Notons dans le même contexte des préparatifs pour la présidentielle 2024, que le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, a présidé récemment une réunion en visioconférence, en présence notamment du président de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie), Farouk Bouasker, et les chefs des missions diplomatiques et consulaires dans les pays arabes, africains, asiatiques et américains. À cette occasion, le ministre a souligné la nécessité de faciliter la mission de l’Isie et d’assurer les meilleures conditions pour permettre aux citoyens tunisiens d’exercer leur devoir électoral et contribuer au succès de cet événement national majeur.

Plus de 600 mille électeurs inscrits

Pour la présidentielle de 2024, le nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales à l’étranger dépasse les 620 mille, après les dernières actualisations du registre des électeurs, a déclaré, Najla Abrougui, membre de Isie. Ces mises à jour ont permis l’inscription d’office de 300 mille nouveaux électeurs. L’inscription électorale se fait automatiquement pour tous les Tunisiens âgés d’au moins 18 ans, le jour du scrutin, a-t-elle encore expliqué. Elle a indiqué aussi que le nombre total des centres de vote à l’étranger s’élève à 363 et le nombre de bureaux à 439, répartis sur 48 pays. L’Instance des élections a donné la possibilité aux électeurs, établis à l’étranger, de voter dans le centre de vote de leur choix.

Cette mesure de «vote libre», approuvée pour le prochain scrutin présidentiel, permettra à tout ressortissant tunisien résidant à l’étranger de choisir un centre de vote dans un pays autre que celui où il réside, a-telle ajouté. Najla Abrougui a tenu à souligner que l’Instance des élections a mis en place les garanties nécessaires pour éviter que l’électeur ne vote dans deux centres différents. Pour rappel, le nombre des circonscriptions électorales à l’étranger s’élève à 10. Il s’agit des circonscriptions suivantes : France 1, France 2, France 3, Italie, Allemagne, le reste des pays européens, pays arabes, Afrique, Asie, Australie et les deux Amériques. La présidentielle de 1989, était la première élection à laquelle avaient participé les Tunisiens à l’étranger. Samir DRIDI

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