Accueil A la une Katsura Myazaki, vice-présidente de la Jica, à La Presse : «Nous visons une coopération triangulaire qui soutienne d’autres pays africains»

Katsura Myazaki, vice-présidente de la Jica, à La Presse : «Nous visons une coopération triangulaire qui soutienne d’autres pays africains»

Depuis son implantation en 1975, l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica) a transformé la coopération entre le Japon et la Tunisie, mettant en œuvre des projets d’envergure dans des secteurs clés comme l’infrastructure, l’eau et l’industrie. À travers une approche centrée sur les échanges humains, le transfert de technologie et une coopération triangulaire avec l’Afrique, l’agence japonaise poursuit sa mission avec un accent renforcé sur la résilience, la durabilité et l’inclusivité. C’est ce qu’a affirmé, en somme, la vice-présidente de la Jica, Katsura Myazaki, lors d’un entretien accordé à La Presse, à l’occasion d’une visite officielle qu’elle a effectuée la semaine dernière en Tunisie.

La Jica fêtera l’année prochaine ses 50 ans d’existence en Tunisie. Quel bilan tirez-vous de la coopération japonaise, au cours de cette période ? 

Les actions d’aide au développement du Japon ont été lancées, il y a 70 ans. Mais l’Agence Jica a ouvert ses portes à Tunis, en 1975 et l’année prochaine, elle fêtera ses 50 ans d’existence en Tunisie. Depuis cette date, nous avons déployé plus de 500 volontaires et mobilisé des prêts, dont le montant a atteint 353,1 milliards de yens, soit l’équivalent de 7,2 milliards de dinars. Plus de 37,9 milliards de yens ont été également dépensés dans des dons et dans le cadre de la coopération technique. Au cours de ces dernières 50 années, nous avons pu réaliser plusieurs projets dans différents secteurs, ce qui témoigne d’une coopération vaste, de longue date et couvrant des domaines variés. Je veux citer à cet égard quelques exemples phares de ces projets.

Le pont de Radès, la Gare de Tunis et diverses stations de distribution d’eau, qui ont fait l’objet de ma visite récente, sont des infrastructures dont la Jica a contribué à la construction. Il y a, aussi, le renforcement capacitaire dans le domaine de la pêche et dans le secteur de l’industrie à travers l’approche Kaizen. La Jica a beaucoup travaillé sur la dissémination de cette approche dans plusieurs pays, mais je pense que la Tunisie figure parmi les pays où le concept a connu un franc succès, étant devenu ancré au sein des entreprises industrielles tunisiennes. Je peux, en outre, mentionner le secteur de l’eau comme un domaine phare de notre coopération avec votre pays. La station de dessalement des eaux de mer qui a été construite à Sfax en est un exemple concret.

Selon le ministère de l’Agriculture tunisien, le nombre des bénéficiaires directs et indirects de ce projet s’élève à 2,6 millions de Tunisiens, d’autant plus que cette station permet d’alléger le fardeau qui pèse sur les systèmes hydrauliques du Nord qui desservent, non seulement la région de Sfax, mais d’autres régions à proximité.

Je pense que le champ d’action de notre coopération est vaste et diversifié, il dénote aussi d’une longue histoire entre les deux pays. D’ailleurs, l’une des principales caractéristiques de coopération au cours de ces 50 dernières années est sa profondeur. Le fait que la 8e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad) soit tenue à Tunis, en 2022, témoigne de la confiance du gouvernement japonais envers le gouvernement tunisien. Et nous pensons également que la Tunisie, en tant que leader, est le pays qui peut soutenir, aux côtés du Japon, les autres pays africains.

Notre coopération n’est pas unilatérale, pas seulement d’un seul côté, du Japon vers la Tunisie. Elle repose, également, sur un partenariat entre les acteurs tunisiens et japonais, qui travaillent ensemble, pour soutenir d’autres pays africains. C’est ce que nous appelons la coopération triangulaire. Ce n’est pas une coopération à deux dimensions, mais plutôt  à trois dimensions. Cela représente, à mon avis, une des caractéristiques fondamentales de nos 50 ans de coopération avec la Tunisie.

La coopération japonaise mise, aussi, sur le transfert du savoir-faire. Est-ce que la Jica va maintenir cette même vision ? 

Effectivement, l’approche centrée sur les échanges humains est une approche prônée par la coopération japonaise. Nous envoyons des experts ici en Tunisie et accueillons des stagiaires venant de votre pays. Et le transfert de technologie qui est au cœur de ces échanges constitue l’un des éléments les plus importants de notre coopération. Cependant, comme je l’ai mentionné précédemment, il ne s’agit pas seulement d’une coopération bilatérale entre le Japon et la Tunisie. Nous souhaitons élargir cette coopération triangulaire pour inclure les peuples africains.

Je voudrais également souligner notre orientation d’impliquer davantage le secteur privé. Nous constatons facilement que le monde est devenu aujourd’hui très complexe, notamment en raison du changement climatique, des conflits en Ukraine et à Gaza, ainsi que de la pandémie du Covid-19. Les problèmes deviennent de plus en plus complexes et difficiles à résoudre. Auparavant, la Jica, en tant qu’organisation gouvernementale, s’adresse essentiellement aux acteurs gouvernementaux qui sont nos principaux partenaires. Mais face à ces défis complexes, nous avons compris l’importance d’impliquer d’autres parties prenantes, y compris le secteur privé.

Depuis une dizaine d’années, nous essayons d’impliquer et d’inciter les entreprises privées japonaises à travailler avec la Jica pour mettre en place des activités qui contribuent au développement d’autres pays. Il ne s’agit pas préalablement de recherche de profit, mais nous mettons fortement l’accent sur l’importance de la résilience, de la durabilité et de l’inclusivité. C’est ce que, selon nous, une agence de développement doit faire.

Concernant le secteur privé, nous n’invitons pas uniquement des entreprises japonaises à intervenir dans d’autres pays. Nous avons commencé à investir dans des entreprises privées, par exemple en dehors du Japon. Nous avons de nombreux projets d’investissement, notamment au Brésil et dans des pays asiatiques. Nous souhaitons identifier de bons projets ou des investissements privés en Tunisie, non seulement pour contribuer au développement de la Tunisie, mais aussi au développement de toute la région.

Quel rôle joue la Jica dans la mise en œuvre des projets qui ont été identifiés dans le cadre de la Ticad 8 ? Que peut-on attendre de la Ticad 9 qui se tiendra l’année prochaine ?

La Ticad 9 se déroulera l’année prochaine à Yokohama, au Japon. Le thème principal sera probablement axé sur la jeunesse, les femmes et la connectivité. Ce n’est pas encore officiel, mais les sujets tournent autour de cette thématique. A priori, en interne, la Jica prépare des projets futurs pour la région africaine, avec une liste détaillée et un plan d’action.

Ces engagements sont clairs. Mais concernant la Ticad, la mise en œuvre des projets et des engagements inclut, non seulement l’Agence, mais d’autres agences comme l’organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro). Nous contribuons à la mise en œuvre de la Déclaration de Tunis, qui met l’accent sur trois grands axes : l’économie, les enjeux sociaux, ainsi que la paix et la stabilité. Comme je l’ai mentionné, nous nous concentrons sur le développement économique, en adoptant une approche inclusive, résiliente et durable, tout en valorisant les échanges humains et interpersonnels.

Au cours de ces trois dernières années, nous avons concentré nos efforts sur la question sociale. Je pense que nous sommes alignés sur les objectifs de la Ticad et que nous avançons dans la bonne direction.

Charger plus par Marwa Saidi
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