«Nous souhaitons partager avec vous notre expérience cinématographique, fruit d’années de travail et d’engagement pour faire entendre la voix de notre pays et de notre région à travers l’art du cinéma», annonce Mohannad Al Bakri, directeur de la Commission royale du film de Jordanie dans son discours inaugural.
La 35e édition des Journées cinématographiques de Carthage, rendez-vous du cinéma arabe et africain, offre cette année un éclairage particulier sur la Jordanie, un pays au cinéma à la fois en pleine effervescence et résolument ancré dans les réalités sociales et politiques du monde arabe. Dans le cadre d’un Focus Jordanie, une vaste sélection de films allant des long-métrages de fiction aux courts-métrages en passant par le documentaire est proposée au public tunisien.
L’ouverture du Focus s’est tenue dimanche soir, en présence de plusieurs figures emblématiques et officiels. Dans son discours inaugural, Mohannad Al Bakri, directeur de la Commission royale du film de Jordanie, a souligné l’importance de cet événement : «Nous souhaitons partager avec vous notre expérience cinématographique, fruit d’années de travail et d’engagement pour faire entendre la voix de notre pays et de notre région à travers l’art du cinéma». Une invitation à découvrir un cinéma jordanien qui, loin des clichés, dévoile des récits intimes et des perspectives sociales, tout en inscrivant ses enjeux dans un contexte régional et mondial souvent turbulent.
Le cinéma, comme vecteur de conscience humaine et de résistance, a été au cœur de l’allocution d’Al Bakri. Faisant écho aux événements tragiques qui secouent la région, notamment la situation en Palestine, il a exprimé : «En ces temps difficiles où la machine barbare de l’occupation exerce sa violence contre notre peuple en Palestine, nous avons plus que jamais besoin de la vérité —une vérité que seul le cinéma peut révéler». L’idée que le cinéma est un miroir des sociétés, capable de refléter les complexités de l’histoire et des rapports humains, a été souligné avec force.
Il a également évoqué les liens historiques et culturels profonds entre la Jordanie et la Palestine, rappelant que les deux peuples, liés par une géographie commune, partagent des défis similaires, notamment à travers le prisme du cinéma. La Commission royale du film (créée en 2003) œuvre depuis deux décennies pour soutenir le cinéma jordanien, mais aussi pour soutenir les projets cinématographiques qui racontent l’histoire palestinienne. Al Bakri a insisté sur l’importance de cette coopération : «Le cinéma est un pont essentiel qui unit les peuples, et nous sommes fiers de soutenir le récit palestinien à travers l’art cinématographique».
La soirée d’ouverture a été marquée par la projection en avant-première de Inshallah a Boy (2023), un drame poignant du réalisateur Amjad Rasheed. Ce film, sélectionné à la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2023, aborde la question de l’héritage et des droits des femmes dans la société jordanienne. L’histoire de Mona Hawa, une jeune veuve qui lutte pour garder la garde de sa fille et sa maison, se déploie dans un contexte où la législation privilégie les droits des hommes. Inshallah a Boy est également le film candidat de la Jordanie pour l’Oscar du meilleur film international.
Ce long-métrage illustre à la perfection l’une des spécificités du cinéma jordanien : une volonté d’interroger les structures sociales et légales, tout en plongeant dans des réalités humaines souvent ignorées. Le film a été produit avec le soutien de la RFC et reste un exemple de l’engagement de l’institution à soutenir des projets à la fois locaux et internationaux, en résonance avec les enjeux sociétaux contemporains.
Outre Inshallah a Boy, le Focus Jordanie propose une sélection de films diversifiée qui explore la richesse de la cinématographie jordanienne à travers des genres variés. Le programme inclut six longs-métrages de fiction, un documentaire et cinq courts-métrages, permettant ainsi une immersion dans des récits aussi profonds que variés.
Ces films, aux thématiques variées, abordent des sujets aussi brûlants que l’héritage des femmes, la guerre, la quête de liberté, et les tensions sociales. Theeb, film primé de Naji Abu Nawar, qui a remporté le prix du meilleur film arabe aux JCC 2015, est l’un des films les plus emblématiques de cette génération de réalisateurs qui, avec une vision à la fois intime et universelle, explorent les récits de l’histoire récente de la région.