Accueil A la une « Les enfants rouges » de Lotfi Achour (TUNISIE):  Un cri contre l’oubli

« Les enfants rouges » de Lotfi Achour (TUNISIE):  Un cri contre l’oubli

Loin de tout, comme dans une contrée aride et isolée, vivent Achraf et son cousin Nizar. Les deux adolescents font paître leur troupeau, quand ils sont violemment attaqués par des terroristes. L’un d’eux est tué quand l’autre  devra informer leur famille. Choc, hallucinations, perte de repères et cri d’alerte inaudible, « Les enfants rouges » est le récit d’un traumatisme qui happe.


Ils ont 14 et 16 ans, et refont le monde dans leur élément naturel : montagnes, sources d’eau et paysages rocheux, à perte de vue. Le lieu, dans le film, accentue les difficultés d’un quotidien, fait écho à la survie des enfants et de leur famille et creuse le sentiment d’être oublié. Mais au-delà de la misère, la lumière toujours… car les deux adolescents s’accrochent à leurs rêves, à leurs espoirs et à la compagnie de leur troupeau, leur source de subsistance.

Leur quiétude est broyée par l’attaque sanglante d’un groupe de terroristes, qui assassine Nizar, et laisse délibérément en vie Achraf. En guise de messager, le jeune survivant devra informer son clan. Ces terroristes agissent d’une manière habile, discrète, et font des montagnes désertes leurs terreaux. Ils tiennent surtout, au fil de leurs agissements macabres, à lancer des messages intraçables pour marquer leur territoire et faire savoir qu’ils ne sont jamais bien loin, prêts à surgir pour attaquer.

Une quête de survie

Sous la violence du choc, Achraf perd conscience, se reprend doucement, a dû mal à réaliser la mort barbare de son cousin, décapité sous ses yeux. Livré à lui-même dans un paysage écrasé par la chaleur, entre perte de conscience, hallucination, déshydratation et  volonté de se faire entendre et de crier secours, les frontières entre réalité et imaginaire se mêlent et font toute l’atmosphère du long métrage. Entre souvenirs et bribes du choc qui habiteront désormais son subconscient, une histoire, en partie  onirique, s’installe et accompagne l’adolescent jusqu’aux siens.

Entre les plans panoramiques, le murmure du vent, et le silence assourdissant d’une nature sèche, l’enfant avance en solo. Le film passe d’un récit solitaire à une dimension collective. La famille est intégrée dans l’histoire. Latifa Gafsi, dans le rôle de la mère meurtrie, ajoute une couche à la tragédie, jusqu’à inclure voisinage, autorités…

Le film tourne désormais autour de la famille, et de sa détresse étirée dans le temps. Les évènements se suivent, dans le but d’être écoutés par les autorités absentes, de désigner les coupables, de retrouver le corps et de pouvoir l’inhumer, faire le deuil et enfin encaisser le choc, après un si long périple qui s’avèrera pénible.

« Les enfants rouges » s’inspire de faits réels survenus en Tunisie en 2015, quand Mabrouk Soltani, berger, s’est fait décapiter par des terroristes dans la montagne de Méghilla..  Les mêmes criminels récidiveront, deux ans après, et tueront de la même manière son frère Khalifa Soltani, dans une indifférence totale des autorités, et face à la sidération des Tunisiens. Lotfi Achour tenait à mettre en lumière cet évènement marquant, contre l’oubli. « Les enfants rouges » traite avec une grande maîtrise cinématographique ce drame abject. Il porte la voix des oubliés de l’Etat. Le film est en compétition officielle long métrage de fiction pour les JCC de 2024, dont le palmarès sera annoncé aujourd’hui samedi 21 décembre 2024.

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