Retenez bien ce nom de festival, dans quelques années, il sera la destination de choix des mélomanes et amateurs de musique alternative. Une ville, une région et un site à marquer sur la carte.
Malgré vents et marées, la troisième édition de Rast Angela a enfin eu lieu après un report de deux mois. La motivation et la détermination du comité et des organisateurs étaient solides et rien ne leur a fait baisser les bras, même pas les 27 mille dinars qu’ils ont perdus suite au report de dernière minute imposé par les autorités suite à l’acte terroriste survenu au mois de juin à Tunis.
Du 22 au 25 août, entre Bizerte et Cap Angela, Roua, Sirine, Sabrine, Safa, Ata, Amira et les autres membres de l’équipe n’ont épargné aucun effort pour mener à terme ce projet : mettre en place un rendez-vous annuel pour la musique alternative, créer une dynamique qui soit propre à la ville de Bizerte, mettre en lumière la région et le site de Cap Angela comme une destination de découverte écologique culturelle et touristique.
Les trois dynamos de «Rast Angela», Dhia Felhi, Lotfi Gharbi et Mohamed Barakati, ont assuré une programmation qui a attiré les regards entre les concerts en scène libre du Vieux port, le camping et ses artistes et la randonnée; les quatre jours du festival furent intenses. Car le festival de Rast Angela invente ses propres codes, il est en premier lieu un festival de musique alternative. Une musique qui s’affranchit de tout type d’appartenance de style, de forme de jeu, de famille musicale, de règles à respecter. Elle s’invente avec ses propres critères de composition, de réalisation ou de diffusion. Et c’est cela l’essence même du festival de Rast Angela, cette liberté et ce mélange musical en font un festival unique, avec la présence de groupes de différents horizons et styles.
Lors de la soirée d’ouverture, la Marina de Bizerte s’est paré de ses plus beaux atours, la cérémonie officielle avait un goût de liberté, Majd Mastoura, acteur originaire de Bizerte, a assuré une présentation simple, sobre et élégante. Dhia Felhi, le directeur du festival, a tenu à remercier ses partenaires, ceux qui ont soutenu ce projet ambitieux et ceux qui devraient prêter main-forte aux prochaines éditions. La soirée s’est poursuivie dans la finesse et l’élégance avec la prestation de Sabrine Janhani (ex-Yuma) et son nouveau projet «Zay». Cette passionnée de musique depuis l’âge de 15 ans, et diplômée en art plastique, œuvre pour la préservation et la revitalisation du patrimoine culturel tunisien, à travers des créations et des textes exclusivement écrits en dialecte tunisien.
«Zay», son nouveau projet solo, a gardé la même identité sonore, la même grammaire musicale d’avant, tout en étant encore plus personnel, plus intimiste. Le public, envoûté par la voix et la mélodie qu’elle partage sans retenue, a résisté aux gouttelettes d’une pluie d’été qui n’ont fait que rendre plus douce la soirée.
Le deuxième jour, c’est le jour du carnaval, une parade de jeunes suivant un circuit qui commence devant la place du Gouvernorat et entraîne dans son sillage le public curieux vers la scène du Vieux port. Acrobatie, jonglage, déguisement, musique…le carnaval a offert une belle fresque harmonieuse ouvrant le programme de la seconde soirée assurée par le groupe «Targ» un retour aux sources de la musique traditionnelle africaine, particulièrement celle du sud tunisien proposant un répertoire constitué, entre autres, de classiques tunisiens mais aussi de compositions originales.
Le troisième jour, les campeurs commençaient à affluer du côté de Cap Angela, les tentes sont montées, le camp est installé, un feu de camp est allumé et la musique a commencé avec de jeunes groupes locaux.
A Bizerte, sur le Vieux port, les cafés sont bondés, les familles prennent place tout le long des quais en attendant que la musique retentisse. Et ce soir-là, le rythme est à son comble avec Belhassen Mihoub et du Stambali en ouverture, ensuite, le tant attendu Nidhal Yahyaoui et son concert «Chaouiya» ont apaisé l’assistance. Imprégné depuis son enfance de plusieurs genres musicaux traditionnels, Nidhal Yahyaoui est animé par le désir de porter haut les couleurs de la musique tunisienne en l’exportant notamment en dehors de nos frontières.
Après son premier projet, Bargou 08, qui explorait le répertoire Salhi de la région de Siliana, et son second projet, Aphawin Populaire, qui faisait la part belle au mezoued, sa troisième aventure nous mène vers la musique berbère Chaoui. Les enjeux sont les mêmes : proposer des sons nouveaux et des fusions improbables. Et c’est sur ses rythmes et portés par sa voix forte que le public du Vieux port a dansé sans répit. Le dernier jour du festival a commencé bien tôt avec une randonnée à Cap Angela de plus 4 heures (aller et retour) pour atteindre le point le plus septentrional d’Afrique. Une marche qui donne un sens autre à ce festival, mettant en valeur le patrimoine écologique de la région et une richesse qui pourrait donner un élan à cette côte du nord.
Retour au campement, pour une rencontre avec Miaad, un jeune groupe de Kasserine, pour, enfin, lever le camp et rejoindre la soirée de clôture au Vieux port.
Les jeunes élèves de l’école de musique «Ezzahara», dirigés et encadrés par Lotfi Gharbi (un des Garby’s), ont assuré, en première partie, des exécutions instrumentales de morceaux connus mettant en évidence les acquis et l’apprentissage reçus des années durant.
Puis ce fut le tour de Aytma avec une musique qui n’a rien de conventionnel, offrant des ouvertures immenses, un champ de vision musical et sonore vaste.
Durant ces quatre jours, Rast Angela a présenté au public une diversité musicale qui installe les fondements d’un festival qui sera, dans les années à venir, international, un festival qui a scellé son identité, dont les objectifs sont clairs et la détermination de ses initiateurs inébranlable.