Accueil A la une Tunisie : Le dinar perd 77% de sa valeur depuis 2011…, un fardeau supplémentaire pour la dette

Tunisie : Le dinar perd 77% de sa valeur depuis 2011…, un fardeau supplémentaire pour la dette

Les derniers chiffres concernant l’endettement public tunisien pour l’année 2025 sont préoccupants : 147 402 millions de dinars, représentant 80,5 % du PIB. Le service de la dette s’élève à 24 690 millions de dinars, une charge qui continue d’alourdir les finances publiques. Pourtant, malgré l’importance de ces indicateurs, l’accès aux données détaillées sur le portefeuille de la dette reste difficile.

Dans ce contexte, l’Observatoire Tunisien de l’Économie (OTE) a publié son Policy Brief n°15, intitulé “L’annexe 7 de la loi des finances 2024 : Les dessous de l’évolution alarmante de l’endettement tunisien”. Ce document analyse en profondeur la situation de la dette publique en se basant sur les données disponibles dans la loi des finances 2024.

En effet, depuis 2016, l’évolution du taux d’endettement a connu une forte accélération. Avant cette date, une croissance économique soutenue avait permis une diminution progressive du taux d’endettement, avec une réduction moyenne de 0,98 % par an entre 2015 et 2019. Cependant, la crise sanitaire de 2020, qui a provoqué une contraction économique importante, a fragilisé les recettes fiscales de l’État, entraînant une hausse de la dette de 6,14 % du PIB. 

Bien que les années suivantes aient montré des signes de reprise avec des taux de croissance du PIB de 4,4 % en 2021 et 2,4 % en 2022, réduisant le taux d’endettement respectivement de 3,14 % et 1,77 %, cette tendance n’a pas suffi à inverser la courbe de l’endettement. En 2022, la situation s’est stabilisée, mais reste préoccupante.

Les déficits budgétaires récurrents ont largement contribué à cette hausse de la dette. En 2014 et 2015, ils avaient été les principaux moteurs de l’augmentation de l’endettement, une tendance qui s’est poursuivie, bien que la politique d’austérité menée par le gouvernement en 2018 ait permis une réduction temporaire du déficit. 

Toutefois, depuis lors, les déficits initiaux du budget (comprenant dons et emprunts du Trésor) ont continué d’alimenter la dette, avec des hausses respectives de 5,89 % en 2020, 4,96 % en 2021 et 3,46 % du PIB en 2022. En comparaison, la période 2015-2019 avait enregistré un taux moyen annuel de 2,11 %. De plus, les fluctuations du taux de change ont exacerbé cette situation, augmentant la dette publique de 0,72 % du PIB en 2022.

Le poids de la dévaluation du dinar…

L’une des raisons majeures de cette évolution inquiétante est la dévaluation du dinar tunisien, particulièrement visible entre 2016 et 2018, après la mise en œuvre d’une politique de dévaluation imposée par le FMI dans le cadre du programme de prêt du Mécanisme Elargi de Crédit (EFF). Cette dévaluation a eu un impact direct sur l’endettement extérieur, augmentant l’encours de la dette extérieure de 18 746 millions de dinars entre 2016 et 2018. En 2018, la dette extérieure représentait 78 % du PIB, contre 55 % en 2015.

Lorsque la monnaie nationale se déprécie, le montant de la dette libellée en devises étrangères augmente, alourdissant ainsi le fardeau financier. En Tunisie, une grande part des échanges commerciaux est effectuée en euro, ce qui expose particulièrement le pays aux fluctuations du taux de change entre le dinar et l’euro. En 2017, par exemple, l’euro représentait 59,7 % des exportations et 48,7 % des importations, tandis que 50,4 % de la dette extérieure était libellée en euro. Ainsi, toute dépréciation du dinar entraîne une hausse du coût de la dette en monnaie locale, aggravant le déficit budgétaire et alourdissant la charge financière de l’État.

Dans le même sillage, le document ajoute qu’étant donné que les échanges commerciaux extérieurs sont majoritairement effectués en euro, la Tunisie est particulièrement vulnérable aux fluctuations du taux de change entre le dinar et l’euro. En outre, une proportion significative de la dette extérieure étant libellée en euro, toute dépréciation du dinar entraîne une augmentation du coût de la dette en monnaie locale (dinar). “Cette situation entraîne une aggravation du déficit budgétaire et un alourdissement de la charge financière pour l’État… De plus, le déficit budgétaire chronique augmente systématiquement l’encours de la dette, car l’État doit continuer à emprunter pour financer ses déficits, ce qui accentue la pression financière sur le pays à long terme. Or la monnaie européenne s’est fortement appréciée par rapport au dinar tunisien pendant la période de l’implémentation de la politique de la dévaluation du dinar et durant laquelle la Banque Centrale de Tunisie a adopté un régime de change flexible laissant le dinar fluctuer selon la volonté des forces du marché”, indique le document. 

Le document ajoute que la monnaie nationale a perdu 50% de sa valeur pendant la période d’implémentation de la politique de dévaluation du dinar. La dépréciation a atteint 77% au cours des années 2011-2023 par rapport à l’Euro, soit un glissement annuel moyen de 4.5% sur treize ans. 

Ainsi, l’évolution de l’endettement tunisien révèle des défis structurels importants, où les déficits budgétaires chroniques, la dépréciation du dinar et la gestion de la dette extérieure se conjuguent pour créer une pression financière de plus en plus lourde sur l’État et l’économie tunisienne.

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