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La Tunisie est parvenue à rembourser des dettes extérieures contractées auprès des marchés financiers internationaux, à hauteur de 18,1 milliards de dinars, depuis l’année 2019 jusqu’à ce jour », a indiqué l’ancien Directeur Général de la politique monétaire à la Banque Centrale de Tunisie (BCT), Mohamed Salah Souilem, dans une interview accordée à l’Agence TAP. Il a précisé que ces emprunts ont été contractés en dollar américain (3 235 millions de dollars, l’équivalent de 10,3 milliards de dinars), en euro (1 750 millions d’euros, soit environ 5,8 milliards de dinars) et en yen japonais (97 milliards de yens, soit 2 milliards de dinars). Il s’agit là, d’après lui, «d’émissions de grandes masses» que la Tunisie a réussi à honorer en une marge de temps très réduite (la période 2019-2025).
« L’unique échéance d’émission sur le marché financier pour cette année, vient d’être remboursée, le 30 janvier 2025, d’une valeur de 1 milliard de dollars (contractée durant le mois de janvier 2015, sur une période de 10 ans) », a-t-il noté, révélant qu’il ne nous restera, pour les 11 prochains mois, qu’à payer les dettes bilatérales et multilatérales (contractées auprès des différents bailleurs de fonds et pays amis), représentant de plus petits montants.
Souilem a fait savoir, en outre, qu’au cours du premier mois de l’année 2025, la Tunisie a réussi, selon ses propres estimations, à rembourser le 1/5 de ses services de la dette publique (intérieure et extérieure) pour l’année en cours, soit 5 milliards de dinars sur un total de 25 milliards de dinars (entre principal et intérêts).
« Cet effort déployé par la Tunisie en vue d’honorer ses engagements financiers, est colossal », a-t-il souligné, expliquant que « le remboursement de ces émissions internationales est épuisant pour une petite économie comme la nôtre ».
«Contrairement aux dettes bilatérales ou multilatérales, dont le paiement du principal et des intérêts est échelonné dans le temps (par tranche périodique), le principal des émissions sur les marchés financiers internationaux est remboursé « in fine » (en une seule fois à sa date d’échéance). Autrement dit, à partir de la date d’émission jusqu’à la date d’échéance, nous ne remboursons que les intérêts, et au terme de l’échéance de crédit, nous remboursons le principal du crédit».
« C’est dans ce contexte, que plusieurs experts avaient exprimé leur inquiétude, il y a quelques années, de voir la Tunisie s’orienter vers le Club de Paris, pour défaut de paiement d’emprunts extérieurs », a-t-il rappelé.
Et d’ajouter «même les agences de notation avaient mis notre pays sous les feux de projecteurs, par crainte qu’il ne parvienne pas à réaliser ses objectifs escomptés, dont la croissance, les recettes fiscales… et, qu’il risque de ne pas honorer les échéances financières, d’autant plus que la Tunisie a choisi de ne pas recourir au soutien du FMI ».
En ce qui concerne les échéances futures, l’expert bancaire a fait savoir que «la Tunisie doit rembourser une dernière émission contractée en euro, d’une valeur de 700 millions d’euros, en 2026, et une dernière émission en dollars (150 millions de dollars) , en 2027. A cela s’ajoutent quatre autres petites émissions en yen japonais à rembourser, séparément, en 2027 (30 milliards de yens), en 2030 (15 milliards de yens), en 2031 (20 milliards de yens) et en 2033 (30 milliards de yens».
«Avec le remboursement de ces emprunts, la Tunisie aura honoré la totalité de ses émissions obligataires sur les marchés internationaux depuis ses premières sorties sur ces marchés en 1994. Partant, le taux d’endettement extérieur va s’alléger progressivement, pour se situer au-dessous de 50% du PIB, dans les deux ou trois prochaines années, alors qu’il avait atteint 69% du PIB, en 2018».
«Dans ce cadre, la démarche adoptée par la Tunisie, durant ces dernières années, consiste à s’orienter davantage vers le recours aux ressources d’emprunt intérieur, au détriment de l’endettement extérieur », a rappelé Souilem, précisant que notre pays n’a pas recouru aux émissions obligataires sur les marchés financiers internationaux depuis l’année 2019.
Selon lui, bien que cette démarche présente plusieurs avantages, dont la réduction de la valeur de la dette extérieure et la maîtrise du risque de change (dépréciation de la valeur du dinar tunisien vis-à-vis des devises internationales), elle a beaucoup d’inconvénients. Il s’agit, surtout, du recours massif aux ressources financières locales, ce qui entraîne la réduction des capacités de financement du secteur privé et de l’économie, en général, le risque inflationniste et ses répercussions sur le pouvoir d’achat du citoyen tunisien, et la baisse des réserves en devises.
«Les avoirs en devises sont les réserves utilisées pour subvenir aux besoins de l’ensemble de l’économie du pays, à savoir le paiement de la dette extérieure, le financement des importations… Ce stock est très important, dans la mesure où il joue le rôle d’amortisseur pour une économie, car il permet de la protéger des chocs externes (hausse des prix des matières premières, chute des recettes touristiques, suite à une pandémie ou autre…) et d’absorber les pressions des services de la dette, d’où l’importance de le préserver à un niveau sécurisant».
Cet engagement de la Tunisie de respecter ses engagements financiers, prouvant la résilience de l’économie du pays, doit être pris en considération par les agences de notation. C’est ainsi qu’on s’attend à « une révision à la hausse de notre notation, dans les prochains mois, suite à l’appréciation du risque du pays », a escompté Souilem.