Le dinar a entamé depuis le mois de mars 2019, un mouvement de correction soutenu à la hausse, qui lui a permis de s’apprécier d’environ 10% revenant actuellement, à 3,17 face à l’euro, après avoir frôlé le niveau de 3,50, sur le marché interbancaire, affirme la BCT.
Dans une note de conjoncture sur « les évolutions économiques et monétaires » (Août 2019), qu’il vient de publier, l’institut d’émission, assure que la monnaie tunisienne s’est, aussi, appréciée de plus de 7%, face au dollar, revenant de près de 3,10, par rapport à la devise américaine, à 2,86, aujourd’hui.
Trois principaux déterminants expliquent l’appréciation du dinar
Et de préciser que « trois principaux déterminants expliquent la variation de la valeur du dinar, contre les principales devises sur le marché des changes, à savoir l’évolution de la parité euro/dollar sur le marché international, la situation de la liquidité en devises sur le marché des changes local et les anticipations des opérateurs économiques ».
« Vu leur rôle en tant que principales devises assurant plus de 90% des règlements extérieurs de l’économie tunisienne, l’évolution du taux de change euro/dollar, influe sur celui du dinar….. L’appréciation simultanée du dinar contre à la fois l’euro et le dollar, ne peut être que l’oeuvre de facteurs endogènes propres au marché des changes, en l’occurrence la liquidité en devises et les anticipations des intervenants….C’est ainsi que l’analyse du solde des dépenses nettes, montre que ce dernier a affiché un solde positif de l’ordre de 873 Millions de dollars, en 2019 (8 mois). Cette dynamique a généré des excédents de liquidité en devises sur le marché des changes et a entretenu une sorte de cercle vertueux ayant soutenu l’appréciation du dinar », selon cette note de conjoncture.
Atténuation les anticipations négatives des agents économiques
« Ces excédents de devises s’expliquent par la poursuite de la bonne tenue des recettes touristiques, des entrées de flux importants de devises sous forme de tirages sur des lignes de financement extérieurs, effectués par les banques de la place et les sociétés de leasing, une recette de privatisation de Zitouna Bank et Zitouna Takafoul, des ventes importantes de devises par les sociétés énergétiques et un retour de la CPG sur le marché des changes, grâce à la reprise des exportations du phosphate ».
« Le retour à l’appréciation du dinar a contribué à atténuer les anticipations négatives des agents économiques. Il est en train de stimuler des ventes croissantes à partir des comptes professionnels en devises, par des opérateurs ayant des besoins en dinar et n’ayant plus le même accès facile au crédit bancaire. De fait, les avoirs en devises dans les comptes des banques auprès de la BCT, ont accusé une baisse sensible de près de 2 milliards de dinars sur la période mars-juillet 2019, due entre autres à la cession des devises par les détenteurs des comptes professionnels en devises ».
Du côté de la demande de devises, la BCT a précisé que « la demande de devises est restée certes élevée, en relation avec la persistance du déficit commercial, mais avec une dynamique de stabilisation évidente à la faveur de la baisse progressive du déficit commercial qui s’est établi au 31 aout 2019, à environ 4 319 millions de dollars. La régression du déficit commercial est directement liée à la forte dépréciation du dinar enregistrée durant les années 2017/2018 et au resserrement monétaire actif entrepris par la BCT depuis 2018 ».
« En effet, la partie des dépenses nettes de l’économie tunisienne sensibles à la variation du taux de change du dinar a baissé de plus de 50% au cours des 8 premiers mois de 2018, comparativement à la même période en 2017, à 1,4 milliard de dollars. Cela montre clairement la contribution de la dépréciation du dinar dans la diminution du train des dépenses en devises de l’économie tunisienne ».
De plus, « une bonne partie des achats de devises effectués par les agents économiques a été financée par des crédits en dinar, obtenus auprès du secteur bancaire, même en mettant pour certains cas des devises en gage. Or, les hausses successives des taux d’intérêt directeurs de la BCT effectuées depuis 2018 avec des amplitudes importantes sont en train de contribuer à freiner ce genre d’arbitrages », explique la note de conjoncture.
« La demande d’importation a été aussi, astreinte par les différentes mesures entreprises par la BCT sur le plan du refinancement, notamment le ratio Loan-to-Deposit, la réduction progressive des refinancements via le canal des swaps et la fenêtre de refinancement de 6 mois qui a donné plus d’élan aux financements au profit des secteurs productifs. Après avoir suivi un rythme de progression très rapide depuis 2017, frôlant les 17 milliards de dinars en mars 2019, le volume de refinancement a été contenu de manière graduelle pour le ramener à moins de 14 milliards de dinars actuellement, ce qui a contribué à mieux rationaliser l’activité d’octroi de crédits par les banques ».
« Cette dynamique d’offre et de demande de devises sur le marché des changes s’est traduite par l’accumulation par les banques teneurs de marché (TDM), depuis la mi-février 2019 de positions de change quotidiennes longues qui ont frôlé par journée, des pics de 100 millions de dollars au cours de la période février/août 2019, contre une moyenne de -200 millions de dollars (positions de change courtes) au cours de la même période en 2018 ».
« Lorsque les banques accumulent des positions de change longues, cela signifie que les recettes en devises commerciales et financières de l’économie tunisienne (en dehors du Trésor), cédées contre dinar sur le marché des changes, ont permis de couvrir toutes les dépenses en devises de l’économie financées par des achats en devises contre dinar sur le marché des changes (en dehors du Trésor), et ont généré en plus des excédents de liquidité accumulés par les banques sous forme de positions de change longues ».
« La situation d’excédents de liquidité en devises sur le marché des changes a conduit la BCT à intervenir sur le marché depuis le mois d’avril, seulement dans le sens de l’achat de devises contre dinar auprès des banques, ce qui a permis de renforcer le stock des réserves nettes de la BCT de plus de 700 millions de dollars (Pour le seul mois d’août, la BCT a acheté 230 millions de dollars contre dinar auprès des banques), alors que durant la même période en 2018 la BCT a cédé sur le marché une enveloppe de 827 millions de dollars, pour atténuer le gap de liquidité en devises et lisser la forte dépréciation du dinar. En 2017, les ventes de devises sur le marché des changes par la BCT durant la période avril/août ont été de 1 238 millions de dollars ».
« Cette dynamique de change met au fait en exergue la réforme du marché des changes introduite depuis 2012. Le nouveau système de change du dinar permet d’effectuer les ajustements de la valeur du dinar à travers le marché, ce qui garantit une meilleure efficience en matière de conduite de la politique du taux de change du dinar ».
Pour la banque centrale de Tunisie, « le nouveau système assure plus de cohérence entre le degré de flexibilité de la politique du taux de change du dinar et le degré d’ouverture désormais élevé de l’économie tunisienne. Enfin, il devrait contribuer à assurer plus d’autonomie à la politique monétaire qui doit se recentrer sur le taux d’intérêt en tant que cible opérationnelle et sur l’inflation comme objectif ultime ».