Accueil Culture Chroniques de la Byrsa : L’annonce faite par le mois saint

Chroniques de la Byrsa : L’annonce faite par le mois saint

Il est des moments dans l’année que, pour ainsi dire, aucun chroniqueur ne saurait passer sous le silence de sa plume (de son clavier, faut-il désormais dire). Les saisons nous interpellent et invitent à une halte dédiée. Les rendez-vous constants du calendrier civil, civiques, culturels ou cultuels également. Ramadan, tout mouvant qu’il soit, n’échappe pas à cette règle ; c’est l’occasion de se faire l’écho de l’ambiance particulière qui baigne ce mois à part ou le prétexte à des retours nostalgiques vers un passé plus ou moins lointain. Pour sa part, votre humble serviteur oscille entre les deux attitudes pour essayer de saisir ce qui, par-delà les apparences, révèle les tendances profondes d’une société en mutation constante.

L’animation ramadanesque de rue était originellement marquée par une coloration de frivolité qui frisait la licence. Jeux de hasard, spectacles osés d’un karakouz au discours d’un vert acidulé et aux gestes plus que suggestifs, «cafés chantants» aux numéros de danses très largement dénudées, cercles de bonimenteurs de tout acabit. Bref, pour colorés qu’ils fussent, ces divertissements ressemblaient davantage à une récréation pour société passablement frustrée par manque d’« oxygène » le restant de l’année, avec des femmes cloitrées onze mois sur douze, des enfants livrés à l’école de la rue et des hommes enfermés dans la solitude de leur ego, même lorsqu’ils s’adonnaient à des jeux présumés de société.

La création, il y a de ça déjà quelques décennies, du Festival de la Médina à Tunis et qui, depuis, a proliféré et s’est étendue à de nombreuses villes de l’«intérieur», a permis de hisser le niveau de ces «divertissements » à un palier supérieur tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Cet événement a également eu une incidence directe sur l’éveil de la conscience collective à la beauté du cadre qui accueille les diverses prestations, généralement des espaces traditionnels d’un haut degré de raffinement. Au point que, depuis déjà plus d’une vingtaine d’années, le public, de plus en plus nombreux et de plus en plus jeune, a également investi l’environnement urbain qui accueille ces festivités : palais, placettes, souks, échoppes, cafés, etc. 

Ce qui m’a le plus frappé dans cette évolution c’est le phénomène sous-jacent de l’épanouissement de la gent féminine dans ce nouveau contexte. Femmes et jeunes filles sortent en masse durant les soirées ramadanesque. En famille, en groupes ou solitaires, on les voit, dans une parfaite décontraction, prendre possession de tous les espaces disponibles, en tant qu’actrices, de la chanteuse à la « garçonne » de café, ou en tant que consommatrices de produits culturels ou matériels. Et tard, très tard dans la nuit, elles rentrent en traversant, fréquemment seules et en toute confiance, les venelles souvent désertes de la Médina. 

Il y a là un grand message d’espoir quant à l’avenir de « la moitié du Ciel » et de notre société en général.

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