
En redéfinissant les règles du commerce international, la politique protectionniste de Donald Trump redessine les équilibres économiques mondiaux.
Guidée par les intérêts des Etats-Unis, la nouvelle politique commerciale protectionniste de Donald Trump suscite des craintes et fait planer le doute sur l’économie mondiale. Une guerre commerciale initiée par Washington n’est pas une première. En 2018, alors que Trump venait d’être élu président, les Etats-Unis avaient lancé une guerre commerciale sans précédent contre la Chine, soumettant plus de 300 milliards de dollars de produits à des droits de douane.
Les analyses et les prévisions se compliquent
Après sa réélection en 2024, le président américain renforce sa politique protectionniste en imposant, tambour battant, une salve de taxes sur des produits en provenance du Canada et du Mexique, remettant ainsi en cause le traité de libre-échange USA-Mexique-Canada. Malgré des signaux d’apaisement des deux côtés (canadien et américain), l’incertitude demeure.
Trump persiste et signe en annonçant, mardi dernier, l’imposition de droits de douane de 25 % sur toutes les importations d’acier et d’aluminium, quel que soit le pays de provenance. Cette décision, qui n’a pas surpris les observateurs de la scène internationale, alimente, toutefois, les interrogations sur cette posture jugée hostile aux alliés historiques des Etats-Unis.
«La posture des Etats-Unis n’est pas nouvelle en soi. Mais c’est la manière dont Trump traite les alliés de l’Amérique qui a changé. Tout repose sur un terrain mouvant, ce qui complique l’analyse et les prévisions», a souligné Amine Ben Ayed, président de l’Iace, lors d’un webinaire organisé récemment, par l’institut sur «L’impact des nouvelles politiques commerciales américaines sur l’économie».
D’une manière générale, les économistes considèrent les guerres commerciales d’un mauvais œil en raison de leur impact néfaste sur l’économie mondiale. Incertitude autour des politiques commerciales, craintes d’escalade et de représailles… Selon eux, ce type de conflit instaure un climat d’instabilité, freinant l’investissement des entreprises, perturbant les chaînes d’approvisionnement et ralentissant la croissance. Mais alors que Trump entretient le flou sur ses futures mesures, il devient difficile d’évaluer avec précision leur impact sur l’économie mondiale et les pays en développement.
Un nouvel élan à l’UE ?
«Si nous devions entrer dans une véritable guerre commerciale, où les échanges seraient considérablement freinés, les conséquences seraient graves», a prévenu Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne. Elle a ajouté que cette situation affecterait la croissance et les prix à l’échelle mondiale, mais surtout aux Etats-Unis. «Toutefois, ces tensions pourraient également avoir un effet positif en donnant un nouvel élan à l’UE.
C’est un signal d’alarme pour l’Europe, qui pourrait vivre un moment clé», a-t-elle estimé. Pour mieux comprendre les enjeux économiques de cette guerre commerciale, Ben Ayed rappelle que les Etats-Unis sont le premier importateur et le deuxième exportateur mondial de biens manufacturiers. En matière de services, indétrônables, ils dominent le haut du pavé.
«L’économie américaine est au cœur d’un système globalisé», souligne-t-il. Cette politique de relèvement des droits de douane vise, selon ses dires, à réduire la compétitivité des partenaires économiques des Etats-Unis pour attirer davantage d’investissements sur le sol américain. Mais elle pourrait se révéler contre-productive. «En pratique, relocaliser des capacités industrielles en moins d’un an et demi est complexe. De plus, les mesures de représailles des partenaires pourraient affecter le niveau de vie des Américains», explique-t-il. S’agissant de l’impact sur l’économie tunisienne, le président de l’Iace souligne que les échanges commerciaux entre les deux pays restent limités.
L’impact serait donc indirect. Pour l’heure, la Tunisie profite de la baisse du dollar ainsi que du prix du baril de pétrole, l’une des principales promesses de Trump. «Le déficit de la balance énergétique est un enjeu majeur pour la Tunisie. La baisse du prix du baril est une bonne nouvelle pour notre économie», rappelle-t-il, tout en prévenant que cette situation pourrait être temporaire. «En revanche, une récession de l’économie européenne, notre premier partenaire commercial, aurait un impact bien plus marqué sur la Tunisie», conclut-il.