
Un quartier avec sa longue histoire rencontre les manifestations et les formes artistiques traditionnelles, un pont entre hier et aujourd’hui qui anime le cœur battant du vieux Tunis.
La troisième édition des «Illuminations d’El Halfaouine» (Tajalliyât El-Halfaouine) s’est ouverte au cœur du quartier historique d’El Halfaouine, à Tunis, vendredi soir, et se poursuit jusqu’à ce soir. L’événement, organisé par le Théâtre National Tunisien, en partenariat avec la Fondation Abdelwahab Ben Ayed (Faba) et Microcred, se déroule chaque année pendant le mois de Ramadan, avec des concerts et des spectacles de danse inspirés de traditions soufies et mystiques.
Le soir de l’ouverture, la place d’El Halfaouine s’est transformée en un lieu vivant et animé, où l’atmosphère mêlait chants, danses et lumières. Le public, composé aussi bien de curieux que de connaisseurs, a pu s’immerger dans une ambiance propice à la méditation et à la réflexion spirituelle, bercée par les mélodies de la musique traditionnelle tunisienne. Les spectateurs se sont installés autour de la scène ou dans les cafés voisins, certains en transe, d’autres simplement absorbés par l’envoûtement de la soirée.
Sous la direction de Morched Boulila, la troupe de la Hadhra a ouvert le programme musical avec des chants et invocations soufies. Des morceaux comme «Sidi Bou Ali Ennefti» et «Ya Lalla Jitek» ont progressivement conduit le public dans une sorte de méditation collective, avant de monter en intensité avec des morceaux comme «Sidi Ali El-Kray» et «Sidi Mansour». Ces chants sont au cœur de la tradition soufie tunisienne, un mélange de spiritualité et de musique, qui a permis aux spectateurs de vivre une expérience intérieure.
Le moment-clé de la soirée fut la performance de «Sidi Mansour», un chant très apprécié du répertoire soufi, où se mêlaient influences maghrébines et africaines. L’apparition de Bousaadia, personnage emblématique du folklore tunisien, a apporté une dimension théâtrale supplémentaire. Sa danse, inspirée d’une légende populaire, a captivé le public en évoquant l’histoire d’un roi africain en quête de sa fille, enlevée et vendue comme esclave.
Le stambali, musique et danse de libération
La deuxième soirée a été marquée par un spectacle de stambali, mené par le musicien Belhassen Mihoub. Le stambali, une musique traditionnelle d’origine sub-saharienne, est souvent associé aux rites de guérison et aux danses de transe. Belhassen Mihoub a su moderniser cet art en ajoutant des instruments contemporains comme la batterie, tout en restant fidèle à l’essence de cette musique.
Les rythmes rapides et répétitifs ont permis aux danseurs et au public de se laisser emporter dans un état de transe, comme c’est souvent le cas lors des cérémonies de stambali. Les chants, parfois incompréhensibles, ajoutaient à l’aspect mystique de la performance. Ce spectacle, tout en célébrant l’héritage culturel de la musique stambali, rappelait aussi les souffrances du passé, notamment l’histoire de l’esclavage et de la résilience.
Outre les concerts et spectacles de danse, l’événement a proposé une variété de performances allant du théâtre au cirque. L’une des pièces présentées, «El Aârs, Al-Jamra Al-Oula» de Karim Kherchoufi, a mis en lumière les traditions du mariage tunisien, un autre aspect important du patrimoine culturel. Ce mélange de théâtre, danse et musique a permis de rendre hommage à des pratiques qui font partie du quotidien dans certaines régions de Tunisie.
Le programme des «Illuminations d’El Halfaouine» continue jusqu’à ce soir 18 mars avec une série de spectacles qui explorent différentes facettes de la culture tunisienne, dans une ambiance conviviale et accessible à tous offrant ainsi un moment unique où la culture tunisienne se réinvente tout en restant fidèle à ses racines.