Accueil A la une Commentaire – Immigrés clandestins subsahariens en Tunisie : Dessous des cartes et non-dits

Commentaire – Immigrés clandestins subsahariens en Tunisie : Dessous des cartes et non-dits

La problématique des immigrés clandestins d’origine principalement subsaharienne remonte à la surface ces derniers jours. D’un côté, des Tunisiens de tout bord dénoncent l’image et les actes infamants, voire racistes et xénophobes, partagés à les en croire par de larges pans de l’opinion à l’endroit des immigrés clandestins subsahariens. De l’autre, des Tunisiens se plaignent des atteintes à leurs personnes, leurs familles, leurs biens et leurs champs notamment dues aux agissements desdits migrants dans diverses régions du pays, principalement dans le Grand Tunis et à Sfax et ses environs. Les pouvoirs publics sont rudement interpellés par les uns et les autres. Les postures sont nettes et tranchées.

On réclame des actions décisives et moins de laxisme des deux côtés de la barre. Parce que l’on assiste à des joutes verbales et à des concerts de dénonciation qui confinent aux empoignades et aux invectives. D’autant plus qu’il s’agit d’un drame dont les intervenants et les protagonistes, portant diverses casquettes, se situent tant en dehors de nos frontières qu’à l’intérieur du pays. Il faut en premier lieu se poser une question capitale. Des cinq pays maghrébins, la Tunisie est le seul qui n’ait guère de frontières immédiates avec les pays subsahariens. Cela ne l’empêche pas de supporter les plus gros fl ux d’immigrés subsahariens en quête de traversées clandestines vers l’Europe. Nos frontières avec nos voisins algériens et libyens — les seules que nous ayons— semblent plutôt poreuses. Chambardements des lendemains de ladite révolution de 2011 et crises successives aidant, la Tunisie s’est retrouvée dans la posture du ventre mou supportant des flux de clandestins sciemment acheminés sur son territoire.

Durant les gouvernements successifs de la tris- tement célèbre décennie noire (2011-2021), ceux qui tenaient les rênes du pouvoir étaient organiquement compromis à ce propos. Le parti intégriste Ennahdha, ses satellites et ses comparses et hommes de paille assumaient même ce rôle de réceptacle privilégié des flux d’immigrés clandestins en provenance de l’Afrique subsaharienne.

 

Il faut signaler qu’il y a des Tunisiens aussi qui rêvent du prétendu Eldorado européen et qui n’ont de cesse de se jeter à l’eau et de tenter leur chance eux aussi. Jeunes dans leur écrasante majorité, ils se cooptent également parmi les exclus et laissés-pour-compte.

C’est dire qu’il s’agit d’un drame à géométrie variable. En face, l’Europe s’affiche haut et fort dans la posture du plus forteresse que moi tu meurs. Et cette même Europe voudrait que la Tunisie officie comme un camp de concentration pour les migrants clandestins subsahariens. Ce que la Tunisie récuse. A défaut, l’Europe voudrait que les Tunisiens jouent le rôle de gendarmes et garde-chiourmes des frontières européennes.

Des propositions et velléités indécentes que la Tunisie récuse là aussi mordicus. Même en tant que clandestins, les Subsahariens sont des êtres humains dont l’inviolabilité des droits et de la dignité est impérative. En somme, face aux désirs européens, la Tunisie répond : pas moi, pas ça. Pourtant, l’Europe prétendument démocratique et qui bannit et expulse les immigrés à tour de bras, voit d’un mauvais œil la posture tunisienne soucieuse de préserver les droits des migrants.

D’un autre côté, il y a les réseaux du crime organisé transnational lourdement impliqués. Pour ces esclavagistes modernes, la traite des êtres humains est bien juteuse. Implantés en Afrique équatoriale, en Afrique subsaharienne, dans les pays maghrébins et en Europe, ces réseaux font feu de tout bois. Ils organisent et supervisent la chaîne de la traite des êtres humains d’Afrique vers l’Europe, moyennant de juteuses sommes qu’ils perçoivent sonnantes et trébuchantes. Leurs mentors et pontes sont tapis dans les zones grises, en Europe et dans les paradis fiscaux principalement.

Ils ont même de puissants relais dans maintes ONG et associations à vocation humanitaire ou prétendument humanitaire. Bien évidemment, il ne faut point généraliser et il est impérieux de bannir le quiproquo. L’action humanitaire demeure plus que nécessaire et salvatrice dans ce domaine. Toutefois, un faisceau d’indices démontre que l’humanitaire est noyauté quelque part par les réseaux occultes aux desseins criminels. D’ailleurs, des affaires saisies par la justice tunisienne à ce propos pourraient éclairer davantage sur les interconnexions entre le crapuleux et l’humanitaire dans ce registre précis s’il y avait plus de transparence et d’informations quant à leurs tenants et aboutissants.

 Inexistantes voix au chapitre

Allez raconter tout ça à un modeste Tunisien qui a dû fuir sa maison et abandonner son champ d’oliviers du côté de Sfax et ses environs. Il n’y pigera que dalle. C’est du charivari politico-juridico-hamanitaro-louche à ses yeux. Ce qui lui importe le plus, c’est sa maison encore inachevée et dont la construction s’étale sur de longues années. Elle est squattée désormais par des immigrés clandestins subsahariens. Ainsi en est-il aussi de ses pieds d’oliviers plantés et soigneusement entretenus depuis des décennies, eux aussi déracinés et réduits en charbon de brasero par les subsahariens transis de froid squattant les oliveraies. Cet homme-là a peur aussi et vit désormais terrorisé par la crainte pour sa sécurité et celle des siens. Quelque levée de boucliers et coups de grisou accroissent sa terreur.

Comme les migrants clandestins faisant l’objet des trafics d’êtres humains les plus éhontés, ce Tunisien-là n’a pas voix au chapitre. L’Europe n’en a cure, encore moins les trafiquants néo-esclavagistes, ni les associations et organisations humanitaires, et les pouvoirs publics semblent impuissants.

Aujourd’hui, les hommes politiques célébrant la fête de l’indépendance lui parlent de souveraineté. Et sa souveraineté sur ses biens, la sécurité des siens, sa citoyenneté et ses droits inviolables lui aussi, de quels chapitres relèvent-ils ? 

Aucun de ceux qui tiennent le haut du pavé ne semble s’en soucier. Alors ce Tunisien-là, lui aussi, désespère sur fond d’une incommensurable colère. Les partisans des sommes nulles ont beau gesticuler dans tous les sens, cela ne le convainc point. En parler, c’est le moindre des impératifs et devoirs. Dont acte.

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