
Les unités sécuritaires relevant aussi bien de la Sûreté nationale que de la Garde nationale continuent à mener la vie dure aux trafiquants et aux consommateurs de drogue. Et pourtant, les campagnes sécuritaires n’ont pas suffi, pour le moment, à éradiquer le trafic.
Les opérations de démantèlement des réseaux de trafic de drogue se poursuivent à un rythme accéléré dans le cadre de la lutte contre cette hydre. Pas un jour ne passe sans qu’on entende parler d’arrestation dans les rangs des dealers et consommateur de drogue. Les autorités sécuritaires multiplient les interventions pour démanteler des organisations criminelles impliquées dans le trafic de stupéfiants. Plusieurs cas récents témoignent de cette grande mobilisation.
Des réseaux locaux et internationaux démantelés
Durant ces derniers jours, les unités de la Garde nationale à Ben Arous ont fait coup double contre une mafia de la drogue. Elles sont parvenues à arrêter des individus dangereux et à démanteler deux réseaux de trafic de drogue, l’un local et l’autre international, opérant dans différents gouvernorats du pays, selon un communiqué publié par la Garde nationale. Les opérations et investigations menées ont permis l’arrestation de cinq individus dangereux, dont deux faisant l’objet d’avis de recherche, et la saisie de huit plaques de cannabis, en plus des équipements utilisés dans les opérations de distribution de drogue.
Parallèlement, un réseau criminel spécialisé dans le trafic de stupéfiants actif dans le Grand Tunis (les quartiers d’Ettadhamen, Ksar Saïd, El Omrane Supérieur, Cité Ennasr et Mourouj 2) a été démantelé par les unités de la Garde nationale d’Ettadhamen (district de l’Ariana). L’opération avait permis l’arrestation de cinq membres clés impliqués dans la vente de comprimés stupéfiants, ainsi que la saisie de 76.510 comprimés de drogue et une importante somme d’argent estimée à 80.000 dinars.
La gent féminine n’a pas manqué de marquer sa présence dans les réseaux de trafic de drogue. Ainsi, à Bizerte, une trafiquante de drogue a été arrêtée au début de ce mois par les unités de la Garde nationale. L’opération avait permis la saisie d’environ 2 kg de cocaïne et des comprimés de stupéfiants. Au Kram (Tunis), les services de police ont réussi à arrêter un jeune homme et une jeune femme, s’adonnant au trafic de drogue. Non loin de cette commune, et plus précisément à La Goulette, une jeune femme a été arrêtée suite à son implication dans le trafic de stupéfiants en collaboration avec un complice. Deux sachets de cocaïne ont été saisis à son domicile. De leur côté, les unités de sécurité de la sous-direction de la lutte contre les stupéfiants relevant de la police judiciaire d’El Gorjeni ont réussi à arrêter une jeune fille à El Ouardia (Tunis) qui était à la tête d’un réseau de trafic de stupéfiants avec une autre personne.
Il est à souligner que le porte-parole de la direction générale de la Sûreté nationale, Imed Memmacha, avait évoqué récemment, lors d’un passage à la Radio nationale, une «guerre sans relâche visant à préserver les futures générations de ce fléau». Il a toutefois alerté que la Tunisie est devenue «un pays de consommation de drogue par excellence». Le nombre de personnes inculpées est passé de 18.833 en 2023 à 23.700 en 2024. Cela a par conséquent conduit à l’augmentation du nombre des procès, de 10.319 en 2023 à 13.037 en 2024. Il a ajouté que des sécuritaires ont été arrêtés dans le cadre de certaines affaires de trafic de drogue.
Hausse dangereuse de la production des drogues de synthèse
En dépit de ces réussites et des efforts louables des unités sécuritaires et douanières, le constat actuel est préoccupant. En effet, la consommation et le trafic de drogue sont toujours en hausse ces dernières années, non seulement dans notre pays, mais partout dans le monde. La banalisation de l’usage de produits psychotropes chez les jeunes risque de mener à la dépendance, expliquent les addictologues. Au départ, la consommation est principalement festive et occasionnelle, mais peu à peu les jeunes tombent dans le piège de l’addiction.
À cet effet, l’agence des Nations unies chargée de la lutte contre la drogue et la criminalité (Onudc) a fait état de près de 300 millions de consommateurs dans le monde et d’une augmentation du trafic de stupéfiants dans son rapport annuel sur les drogues dans le monde publié en juin 2024. «Les politiques efficaces en matière de drogues doivent être fondées sur la science, la recherche, le plein respect des droits de l’homme, la compassion et une compréhension profonde des implications sociales, économiques et sanitaires de la consommation de drogues», souligne l’Onudc.
Parmi d’autres facteurs qui ont contribué à cette hausse, les groupes criminels développent de nos jours de nouveaux composés de synthèse et utilisent l’intelligence artificielle pour trouver des produits chimiques alternatifs pour la production de drogues. De nouvelles méthodes de contrebande – notamment les drones et les livraisons postales – rendent ces drogues plus difficiles à détecter. De ce fait, les saisies de substances de synthèse dépassent désormais celles des drogues traditionnelles à base de plantes comme l’héroïne et la cocaïne, révèle l’Organe international de contrôle des stupéfiants (Oics) administré par l’ONU dans son rapport annuel 2024 publié le 4 mars dernier.
Contrairement aux drogues à base de plantes, ces substances peuvent être fabriquées n’importe où, sans qu’il ne soit nécessaire de les cultiver à grande échelle, ce qui les rend plus faciles et moins chères à produire et à distribuer pour les trafiquants. «L’expansion rapide de l’industrie des drogues de synthèse illicites représente une menace majeure pour la santé publique mondiale avec des conséquences potentiellement désastreuses pour l’humanité», a déclaré le président de l’Oics.
Où est passée la stratégie de prévention ?
En ce qui concerne le trafic de drogue en Tunisie, le porte-parole de la direction générale de la Sûreté nationale, Imed Memmacha, a bien expliqué que la Tunisie n’est pas un pays producteur et que les unités sécuritaires sont bien préparées pour traquer les dealers. Toutefois, il est toujours utile de rappeler que si l’approche sécuritaire est inéluctable, elle ne suffit pas pour lutter de manière efficace contre le trafic de stupéfiants. Notre pays s’est doté d’une stratégie de prévention, des réduction des risques et de prise en charge des troubles liés à l’usage de drogues dans la communauté et en milieu carcéral, couvrant la période 2021-2025, mais il semble bien que cette stratégie n’a pas atteint les résultats escomptés. D’autant que les centres d’accompagnement et de désintoxication relevant du secteur public font pratiquement défaut, contrairement aux cliniques de désintoxication.
Seul le centre Amal pour l’écoute, la prévention et le traitement de la toxicomanie, situé au complexe sanitaire de Djebel Oust, est habilité à porter secours aux consommateurs de drogue en quête d’un sevrage hospitalier. Les services de ce centre ne sont pas gratuits, mais ils sont moins coûteux que ceux proposés par les cliniques privées. Notons que le centre d’aide et d’écoute des toxicomanes relevant de l’Association tunisienne de prévention de la toxicomanie de Sfax a été fermé depuis 2016 en raison de problèmes d’ordre financier et administratif.