
Par le Colonel ® Boubaker BENKRAIEM *
Notre pays, en seulement quatre ans d’indépendance et grâce à l’immense stature et prestige du Président Bourguiba, a acquis une notoriété internationale. Fervent défenseur de l’amitié et de l’entente entre les peuples, et grâce à sa diplomatie active et positive qui tend à rapprocher les pays et renforcer leur solidarité, et à ne jamais intervenir dans les affaires d’autrui, sa politique était tellement appréciée que l’Organisation des Nations unies n’a pas hésité à nous demander de participer à la mission de maintien de la paix qu’elle a décidée, à la demande du gouvernement congolais, dans ce pays.
Et c’est ainsi que la Tunisie, malgré ses faibles moyens et ses préoccupations à la frontière tuniso-algérienne, participa à cette mission par l’envoi d’un contingent de trois mille hommes commandés par le Colonel Lasmar Bouzaiane et qui fut, à la demande de Mr Mongi Slim, le Représentant de la Tunisie aux Nations unies et candidat à la Présidence de la 16e Assemblée générale de l’ONU, et qui la présidera en septembre 1960, le premier à fouler le sol congolais le 15 juillet 1960. La Brigade tunisienne a été chargée de la province du Kassai où, dès son arrivée, elle a été, aussitôt, déployée sur le terrain.
Les villes tenues par nos unités étaient les suivantes : Luluabourg (capitale de la province)-Port Franqui- Mweka- Lac Makamba- Tshikapa- Bakwanga- Gandajika- Luputa et Mwene Ditu. La mission reçue par la Brigade tunisienne était «d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre public dans la province du Kassai tout en neutralisant l’ANC (Armée Nationale Congolaise) et en la désarmant ». Cette dernière mission a été accomplie en très peu de temps. Le Commandement des Forces de l’ONU a été surpris par la rapidité avec laquelle nous avions accompli la mission qui nous a été confiée : pacifier très rapidement cette province, de loin plus vaste que notre pays.
C’est pourquoi le Commandant en Chef des Forces de l’ONU au Congo, le Général Suédois Carl Von Horn, en reconnaissance à l’excellent travail effectué par nos hommes, attribua, au Colonel Lasmar, commandant de la Brigade tunisienne, le surnom prestigieux de « Prince du Kassai » ; d’ailleurs, il parle longuement, et en de termes flatteurs, du contingent tunisien dans son livre « Soldat de la Paix ». C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles, devant les problèmes de sécurité qui commençaient à devenir sérieux à Léopoldville, capitale du Congo, il décida, en octobre 1960, de permuter la Brigade tunisienne avec la Brigade ghanéenne.
Il voulait en même temps éloigner la Brigade ghanéenne de Léopoldville pour l’empêcher de s’immiscer davantage dans les affaires congolo-congolaises, le Ghana ayant, dès le départ, pris fait et cause pour le premier Ministre Patrice Lumumba qui a été démis de ses fonctions, arrêté et emprisonné ; s’étant enfui avec certaines complicités, il a été repris et remis à son pire ennemi, le président du Katanga, Moïse Tshombe qui le fit exécuter aussitôt.
De ce fait, le commandement militaire de l’ONUC de la place de Léopoldville est passé sous l’autorité effective de la Brigade tunisienne à compter du 11 novembre 1960 à 12 heures. C’est encore le Ghana qui a été la cause du premier incident sérieux que nous avons eu avec l’Armée Congolaise. En effet, des soldats congolais ayant voulu arrêter pour l’expulser, l’Ambassadeur du Ghana, déclaré persona non grata, les soldats tunisiens qui étaient chargés de garder sa résidence les en ont empêchés, ce qui provoqua le déclenchement d’une longue fusillade sur nos troupes qui, usant du droit de légitime défense, ont riposté énergiquement. C’est l’incident le plus grave et le plus sérieux auquel les Forces de l’ONUC en général et les troupes tunisiennes en particulier ont eu à faire face au cours des six mois de présence dans ce pays. Il eut pour résultat la mort du colonel Nkokolo, le responsable militaire de Léopoldville et la blessure d’autres soldats congolais ainsi qu’un mort et sept blessés dans nos rangs dont le lieutenant Mahmoud Gannouni qui a été sérieusement blessé. C’est dans cette ambiance de méfiance, d’incertitude et de crainte des uns par rapport aux autres qu’en janvier 1961 notre camarade de promotion, le Lieutenant Khelifa Dimassi, officier de transmissions, voulant dépanner l’une de nos unités implantées à l’Université de Luvanium, située à 25 Km de la capitale dont le poste radio était en panne, s’est rendu sans chauffeur ni escorte, pour la dépanner. En quittant la ville de Léo, on est, immédiatement, en pleine brousse et notre camarade tomba dans une embuscade qui serait montée par des soldats de l’ANC, voulant, probablement, venger le colonel Nkokolo. Et ainsi, le Lieutenant Dimassi a été porté disparu et nos recherches n’ont donné aucun résultat ; le commandement de l’ANC, répondant aux énergiques injonctions de l’ONU et de la Brigade tunisienne, nia, totalement, l’implication de ses hommes dans cette affaire.
Cette première mission des Casques Bleus durera jusqu’en août 1961 quand le gouvernement tunisien, suite à la guerre de Bizerte, demanda le rapatriement de ses troupes pour faire face à cette nouvelle situation. La Brigade a été, en totalité, rapatrié le 1er août 1961.
Notre Armée nationale souffla sa cinquième bougie, en continuant à faire face aux nombreuses tensions et difficultés occasionnées par les provocations, les incursions et les accrochages, le long des frontières, avec les harkis, les commandos et les groupes des unités de l’armée française d’Algérie. Ceux-ci s’infiltraient, de temps à autre, dans le but de rechercher des renseignements sur les camps de l’ALN ou poser des mines sur les pistes frontalières. Dans tous les cas de figure, nos hommes se sont comportés avec courage, détermination et bravoure. C’est alors que nous avons été obligés de mener un autre combat, plus difficile, plus meurtrier et plus injuste, celui de la guerre de Bizerte.
En effet, alors que la Tunisie souhaitait reprendre les négociations avec la France en vue de fixer la date d’évacuation de cette base, elle a été surprise de constater le début des travaux d’extension des pistes d’atterrissage de la base de Sidi Ahmed. Cela signifie, clairement, la volonté de la France d’y rester pour une bonne période.
C’est ce qui provoqua le 19 juillet 1961 le déclenchement de cette guerre inégale à tous les points de vue. Le lieutenant Said El Kateb, posté, depuis plusieurs jours et très discrètement, tout près de la clôture de la base, avec une section de mortiers 81mm, bombarda, de nuit, toutes les installations militaires françaises, lui occasionnant de sérieux dégâts et se replia, avant le lever du jour, malgré l’intervention de l’artillerie et de l’aviation ennemis.
Nos Unités, compte tenu des moyens disproportionnés avec ceux de l’adversaire, ont mené un combat retardateur jusqu’à la médina qu’elles ont investie et interdite à l’ennemi d’y pénétrer. Cette guerre, asymétrique, dura quatre longues, dures et pénibles journées avec de nombreuses pertes dont le commandant Mohamed Bejaoui, commandant l’artillerie, mort l’arme à la main, avec ses troupes, jusqu’à ce que le Conseil de Sécurité ordonna le cessez le feu le 22 juillet 1961 à 20h30. De cette guerre déséquilibrée, on peut retenir :
– D’abord, la détermination d’un groupe de très jeunes officiers courageux appartenant, pour la plupart, à la 1ère promotion d’officiers de St Cyr, la Promotion « Bourguiba » et dont nous sommes très fiers, dix Lieutenants au total ( Said El Kateb, Hamida Ferchichi, Noureddine Boujellebia, Bechir Ben Aissa, Abdelhamid Escheikh, Salah Bouhelel, Abbes Atallah, Ammar Kheriji, Mohamed Benzarti, Abdelhamid Lajoued), qui, bien que n’ayant pas encore assez d’expérience (5 ans de service), mais animés de cet esprit patriotique, le sens de l’Honneur et du Devoir, et convaincus de leurs droits, n’ont pas baissé les bras et ont relevé le défi : celui de tenir coûte que coûte la médina de Bizerte, malgré le déséquilibre des forces en présence et ont tous juré de se battre jusqu’à la mort. Avec eux, se trouvaient deux autres jeunes sous-Lieutenants des 2e et 3e promotions de St Cyr ( S/Lt Aziz Tej et Hedi Ouali ) ainsi que quatre sous Lieutenants issus du rang ( Abderrahman Chihi, Boualem, Salem et Naji).
– Ensuite, les pertes en vies humaines, assez nombreuses dont celle du commandant Mohamed Bejaoui, brillant officier supérieur, l’un des quatre premiers officiers diplômé de l’Ecole d’Etat-Major française, et commandant de l’artillerie tunisienne, mort l’arme à la main.- Enfin,
1°- l’anarchie indescriptible provoquée par l’intrusion de milliers de jeunes Tunisiens, citoyens désarmés pour la plupart, et qui n’ont servi qu’à gêner les opérations de nos troupes;
2°- la manière dont les politiques ont conduit cette guerre, avec autant d’improvisation et avec un manque de préparation et de coordination manifestes.
On épiloguera, longtemps, sur les véritables raisons qui ont poussé le Président Bourguiba, lui, le Grand Homme politique habitué aux grandes manœuvres politiciennes, à mettre en difficulté son armée, nouvellement créée, très peu armée et sans aucune expérience.
Beaucoup de gens ont spéculé sur la guerre de Bizerte. Mon opinion est que le Président Bourguiba, en mobilisant le peuple et surtout les jeunes, pour la récupération, au plus tôt, de Bizerte, voulait faire une démonstration de force……politique, à la France pour la convaincre d’évacuer la Base. Je crois fermement qu’il croyait qu’il avait, encore et toujours, affaire, aux Hommes politiques de la IV° République, alors qu’on était, depuis l’arrivée du Général de Gaulle, en V° République. Habitué à des responsables politiques comme MM. Edgar Faure, Guy Mollet, Bourges Maunory, Mendes France et Alain Savary, il a oublié que le pouvoir était détenu, depuis juin 1958, par le Général de Gaulle qui avait une tout autre idée de la France et de sa grandeur.
Une fois le problème de la guerre de Bizerte réglé, l’ONU, satisfaite du rendement du premier contingent, demanda, à notre pays, l’envoi d’un deuxième. Celui-ci, arrivé, en totalité, à Léopoldville, le 4 janvier 1962, a été affecté à la province du Katanga qui fit sécession sous la présidence de Moïse Tshombe. Au Katanga, nous avons été chargés de la protection et du soutien du camp de près de quatre- vingt mille réfugiés Balubakat (les Balubas du Katanga, une tribu hostile à Tshombe et qui a été installée dans ce qui fut l’un des plus beaux parcs d’Afrique) et que l’ONU a mise sous sa protection. Nous avons participé, avec les autres contingents dont le plus important, celui des Indous, les Gurkhas, des guerriers redoutables qui se déplacent toujours avec leurs trophées, et celui des Ethiopiens, à la déroute de la gendarmerie katangaise, appellation donnée à l’armée, qui, durant deux mois et depuis octobre 1962, harcelait tous les soirs les contingents de l’ONU, par des tirs de mortiers imprécis et qui provoquèrent, avec l’autorisation de New york, la riposte onusienne le 28 décembre 1962. La Gendarmerie katangaise, reculant au fur et à mesure que les Casques bleus avançaient, s’est en fin de compte, évaporée, sans combattre sérieusement et sans avoir opposé une résistance digne d’être signalée. C’est ainsi que prit fin le régime de Tshombe et le Katanga redevint une province congolaise.
La mission du contingent tunisien deviendra plus importante, plus grave, très délicate et plus accentuée après le mois de décembre 1962 et jusqu’à notre retour définitif en Tunisie en mars 1963, lors de l’effondrement du régime de Tshombe. Obligés de suppléer l’autorité qui s’est évaporée, et étant le seul contingent parlant français, nous avons assumé les tâches auparavant imparties à la police : il fallait :
1- assurer la sécurité de toute la population dans cette ville de plus de deux cents mille habitants;
2- sauvegarder les personnes et les biens ;
3- éviter les pillages et les règlements de comptes dans une période d’incertitude, d’anarchie et d’absence totale de l’autorité légale ;
4- et surtout protéger les minorités de tout acte de vengeance.
Cette mission, loin d’être aisée pour des militaires habitués aux exercices de combat et aux manœuvres, a été remarquablement remplie par nos hommes qui ont mérité, à la fin de notre séjour, les félicitations, les remerciements de l’ONUC, ainsi que la reconnaissance de la population congolaise ( katangaise) ainsi que celle de tous les Européens qui étaient fort nombreux à Elisabethville. Le rapatriement de notre contingent eut lieu en mars 1963.
Quels enseignements tirer alors, après une soixantaine d’années, de cette première mission de maintien de la paix réussie par cette très jeune Armée tunisienne au Congo et au Katanga sous l’égide de l’ONU ?
D’abord, ces témoignages de reconnaissance du rédacteur en chef du quotidien *l’Echo du Katanga* qui s’est fait le porte- parole de tous les habitants d’Elisabethville, sans distinction de race, d’origine ou de couleur, qui écrivit le 26 février 1963 dans un flash en première page :
« Le bataillon tunisien nous quitte : Hier soir, le colonel Remiza, commandant le bataillon tunisien, recevait le tout E’ville, à l’occasion du prochain départ. Les E’villois de toutes les factions (jadis opposées) étaient présents. Tous regrettent le départ des Tunisiens. Ils ont accompli ces derniers temps un travail de police très efficace et qui a été l’un des éléments de base du rétablissement rapide des conditions normales de vie dans notre ville. C’est de tout cœur que nous leur disons: au revoir et bon voyage. Si jamais un bataillon tunisien devait revenir au Congo, nous souhaitons qu’encore une fois il soit commandé par un homme de la trempe du Colonel Remiza ».
Ce vibrant témoignage du journaliste congolais relatif au succès de la mission tunisienne au Katanga et au Congo en général était, pour nous tous, la meilleure reconnaissance pour le travail accompli car on ne doit jamais oublier que servir la paix est pour un soldat, plus difficile, à certains égards, que de faire la guerre. En plus des qualités militaires normales, cela demande, non seulement une fermeté inébranlable mais aussi une patience infinie, de la réserve, de la tolérance et de la compréhension.
Ces souvenirs, vieux déjà de près de soixante ans, sont ressentis par tous ceux qui les ont vécus comme datant d’hier. Une pieuse pensée à tous nos morts et en particulier au premier martyr de la Promotion, notre camarade, le Lt Khelifa Dimassi ainsi qu’au sergent-chef Belkhiria.
Aussi, c’est avec une immense fierté que nous constatons aujourd’hui, que le Soldat tunisien, depuis cette Epopée et tout le long des soixante dernières années, a été présent aux quatre coins du globe, dans des missions onusiennes de maintien de la Paix : au Sahara ex-espagnol, au Cambodge, en Somalie, au Rwanda, au Congo, aux Iles Comores et ailleurs. Nos braves et vaillants soldats, malgré toutes les difficultés dues à l’environnement hostile et des sacrifices consentis, ont été admirables de sérieux, d’honnêteté et de compétence. Ils ont hissé haut les Couleurs nationales, à la satisfaction de l’ONU et surtout des populations protégées.
C’est la raison pour laquelle nous, leurs anciens, en leur rendant l’hommage qu’ils méritent, nous leur faisons part de notre admiration et de notre fierté pour leurs réalisations partout dans le monde, et de nos encouragements pour qu’ils perpétuent les grandes qualités du Soldat tunisien en ayant toujours présent à l’esprit la devise qui nous anime tous « Dévouement à la Patrie et Fidélité à la République ».
L’enseignement qui serait à tirer donc, s’il n’y avait qu’un seul à tirer, serait que l’Armée tunisienne a misé dès son départ sur le capital humain, a parié sur ses soldats, techniquement bien formés, mais aussi imbus des valeurs de patriotisme, de désintéressement et de sacrifices. Ces mêmes valeurs, enracinées dans nos Ecoles de Formation des Cadres, continuent en effet jusqu’à ce jour, à motiver les générations qui se suivent. C’est au Commandement de veiller à les perpétuer et les renforcer par un minimum de moyens matériels nécessaires à l’accomplissement des missions qui leur sont dévolues. Naturellement, de la considération et de la reconnaissance de la part de la communauté nationale aux soldats de l’ombre, aux soldats de la Grande Muette, leur donneront encore plus de force et de détermination, surtout quand les moyens s’avèrent modestes.
J’ai profité de cette occasion pour présenter à nos concitoyens et essentiellement à notre élite, les réalisations de la génération de l’indépendance durant le premier quinquennat. Cette élite qui, depuis l’indépendance, n’a pas donné au service national l’importance qu’il mérite et considérant qu’il ne la concerne guère, a, malheureusement, négligé ce devoir constitutionnel, oubliant que la défense du pays mérite qu’on s’y prépare sérieusement et d’avance. Bien que les moyens de notre pays fussent plus que limités lors de l’indépendance et que notre solidarité avec l’Algérie combattante était indiscutable même si elle nous a privés de l’assistance et de l’aide de certains pays occidentaux, notre génération a réalisé de grandes et belles choses : elle a mis sur pieds les composantes d’un Etat moderne, s’est occupé d’améliorer les conditions sociales du peuple tunisien qui, en plus des malheureuses conséquences de la deuxième guerre mondiale, cette guerre qui traversa, treize ans plus tôt, notre pays, du sud au nord en y laissant de sérieux traces et dommages, avait connu la faim, la pauvreté, la misère, les diverses épidémies dont le typhus et l’analphabétisme qui touchait la majorité des adultes.
Bien que la comparaison entre les cinq premières années de l’indépendance et les cinq premières années post révolution ne puisse être assez objective étant donné la différence entre les deux époques et les niveaux intellectuels et matériels des citoyens de chacune d’elles, et les résultats obtenus dans tous les domaines, je laisse le soin au citoyen de méditer sur ces deux périodes et de tirer lui-même ses propres enseignements ou conclusions.
A priori, le premier constat qui peut être fait est la différence de comportement, de discipline, de sérieux, de civisme, de patriotisme et des valeurs morales entre les deux générations. Le deuxième constat est l’existence, lors de l’indépendance, d’un leader charismatique, qui brilla et s’imposa par sa longue lutte contre le colonialisme, par ses nombreuses années de prison, de déportation et d’exil, et surtout par ses vues avisées, subtiles et ingénieuses. Il a su avoir la meilleure pédagogie pour convaincre la majorité du peuple pour le suivre et l’appuyer, les évènements lui ayant donné raison. Par contre, et suite à la révolution, le nombre de chefs politiques autoproclamés a dépassé l’entendement et cela empêche, assurément, et au désespoir de tout le peuple, l’aboutissement à un programme sérieux et réaliste de développement économique et social. Le troisième constat, cinq ans après l’indépendance, a été l’union sacrée de tout un peuple derrière ses dirigeants alors que la révolution qui permit l’éclosion de très nombreux partis politiques, plus d’une centaine, et qui ne sont intéressés que par le pouvoir, encouragea les ambitions des uns et les prétentions des autres au détriment du réalisme alors que le patriotisme, observé chez le concitoyen post-révolution, est juste à fleur de peau pour ne pas dire inexistant.
Je voudrais, avant de clore cet article, rendre le plus vibrant des hommages à notre premier Chef Suprême des Forces Armées, le Président Bourguiba qui, compte tenu des priorités qu’il avait, durant les deux premières décennies, était assez avare quant à l’acquisition d’armes sophistiquées et dissuasives, assez coûteuses par ailleurs, mais était très généreux quand il s’agissait de la formation de ses officiers. C’est ainsi qu’il a permis aux officiers des premières promotions de fréquenter toutes les Ecoles Militaires Supérieures du monde occidental ainsi que les Ecoles Techniques Spécialisées. C’est pour cette raison que, grâce à cette formation de très haut niveau et à la fréquentation de stagiaires venus des quatre coins du monde que nos cadres officiers ont été imbus de cet esprit de républicanisme, de fidélité et de dévouement à la Patrie qui sont les clefs de la répartition des tâches dans les sociétés évoluées et démocratiques. C’est pourquoi nos cadres officiers sont convaincus de la mission et du rôle de chacune des composantes de la Société. Et c’est bien cela la spécificité de l’Armée nationale tunisienne dont nous sommes très fiers.
Que Dieu veille sur la Tunisie éternelle, l’héritière de Kairouan et de Carthage.
B.B.
(*) Ancien sous-chef d’état-major de l’Armée de terre, ancien Officier adjoint du Commandant du contingent tunisien de l’ONUC (Katanga), ancien gouverneur.