Mourakiboun compte s’imprégner durablement du poids et de l’influence des réseaux sociaux sur les électeurs durant les futures échéances électorales grâce à leurs bases de données pour mieux connaître les desiderata des votants tunisiens assez hétérogènes…
« L’objectif final est de comprendre les formes d’influence et les schémas du comportement électoral au sein du réseau facebook. » A ce sujet une conférence de presse s’était déroulée avant-hier. Les principaux membres de Mourakiboun ont présenté une heure durant le rapport d’analyse sur l’influence des réseaux sociaux auprès des électeurs tunisiens. Le rapport présenté s’intitulait : «Une nouvelle vision pour analyser le paysage médiatique électoral (méthodologie Caledia) ». M. Mohamed Marzouk, nouveau président depuis mars 2019 de l’ONG spécialisée dans les missions d’observation pendant les périodes électorales, a ouvert les débats. La formation de quatre mille observateurs en 2011 par Mourakiboun constitue une expérience de référence que l’association entend renouveler à travers d’autres avancées pour conforter le processus de transition démocratique que traverse la Tunisie. M. Marzouk est intervenu à l’ouverture de la conférence pour présenter les enjeux de ce rapport à une poignée de jours du scrutin pour l’élection d’un nouveau président de la République prévu ce dimanche. Il a résumé les principaux points à signaler à l’issue de la présentation du rapport par un autre membre fondateur du réseau en la personne de Mansour Aâyouni : « Ce domaine d’intervention a été développé par Mourakiboun depuis 2014. C’est une innovation et un projet qui restent à développer. Nos ambitions sont grandes par rapport à ce projet. Il ne se limite pas à une observation pure et dure de la campagne sur facebook. Il ne s’agit pas seulement de relever des infractions. Il a l’ambition de donner une vision globale au paysage audiovisuel et aux médias sociaux en Tunisie à travers le canal facebook. On a essayé de dégager les grandes tendances par rapport aux candidats. La manière d’utiliser facebook, la campagne menée sur cet outil et surtout l’interaction des candidats avec leurs abonnés et leurs fans à travers les statuts et les commentaires ont été analysés. Cela reste un premier essai, le rapport final sera prêt d’ici une semaine et concernera toute la période électorale. Il dégagera les interactions entre les médias sociaux et les médias traditionnels comme la télévision ou la radio». M. Marzouk répond à une interrogation sur le poids de facebook et sa fiabilité par rapport à d’autres mécanismes pour les élections comme les sondages d’opinion qui sont menés par d’autres institutions tunisiennes : « La fiabilité de facebook fait en sorte qu’il n’est pas représentatif de la population tunisienne. Cela se confirme en 2019. Une catégorie de la société tunisienne est toujours absente ou très faiblement présente sur facebook. Ce n’est pas un mécanisme pour les élections, il reste un outil qui ne change pas l’avis des gens et leurs convictions, leurs idées et courants idéologiques, mais il garde une grande influence auprès des électeurs. Il permet au citoyen d’éliminer certains candidats de sa liste de prétendants potentiels. »
Mansour Aâyouni a pris la parole également pour décrire l’enjeu de ce rapport qu’il a intégralement présenté : « On est conscients que le réseau social traduit un phénomène de transition sociale qui caractérise une société en pleine transformation digitale. Il a créé un univers et un monde de personnes connectées en permanence. Il y a un travail d’analyse partiel qui ne reflète pas réellement l’opinion des votants et des électeurs mais il apporte des idées pour construire une analyse globale grâce à la contribution des experts qui permettent d’extraire des données.»
Présence, influence et performance
On l’a interrogé par la suite sur le décalage saisissant entre deux candidats aux forces diamétralement opposées en termes d’image. Le premier candidat qui avait une présence assidue sur les réseaux sociaux n’en obtenait pas moins une faible influence et inversement proportionnel pour un autre. Un second candidat qui avait une présence mineure sur les réseaux sociaux bénéficie d’une forte influence auprès des fans et abonnés de sa page officielle facebook qui interagissent beaucoup et de manière plus significative. Il signale que cet outil d’analyse est très révélateur du poids du candidat sur ses followers, les personnes qui le suivent : « La présence décrit le nombre de personnes parmi les abonnés qui sont présents sur la page facebook du candidat et les autres pages liées. La présence peut être acquise de façon organique en faisant du contenu, en travaillant sur le long terme mais elle peut être achetée avec de l’argent. Mais avoir une grande présence même avec un million de fans ne suffit pas. Il faut analyser son influence avec le nombre de réactions, les commentaires, les partages de statuts. Entre la présence et l’influence, il y a le travail technique de l’équipe du candidat qui doit être prise en considération. C’est un indicateur de performance sur l’usage de l’image, le texte et la vidéo avec style et originalité. Le travail de performance entre en jeu. » Pour l’heure, on ne peut pas établir de lien entre le réseau social et les électeurs sauf si à l’avenir dans les prochaines années, on arrivait à des résultats dans ce sens, conclut notre interlocuteur. Il a cité quelques exemples concrets lors de sa présentation sur tabloïd : « En 2014, le candidat de Tayar el mahaba, Hechmi Hamdi n’était pas visible sur Facebook, désormais il y est très impliqué. Le candidat Hamma Hammami du Front Populaire déjà très actif sur ses anciennes pages a néanmoins créé une nouvelle page. A ce titre, de nombreux candidats ont des professionnels en digital marketing pour gérer leur image. Depuis lors, ce candidat a une telle présence qu’il ne nécessite aucune publicité. » On peut mettre en exergue le candidat de Bani Watani, Saïd Aïdi, qui a mené une campagne de visuel au goût de nombreuses personnes qui ont donné du crédit à ses messages imagés. Le rôle de facebook pour propager une belle image du candidat est manifeste bien au-dela des campagnes d’affichage sur les espaces publicitaires en ville. D’autres curiosités autour de l’attrait de facebook ont été décrits par Mourakiboun : « Le réseau facebook permet de suivre les mécanismes de financement de la campagne des candidats et les montants qui circulent sans complications. » M. Aayouni a présenté les principaux traits de la nouvelle méthode de travail avec des statistiques et des chiffres à l’appui. Ces indicateurs donnent un autre aperçu sur le déroulement des élections. Mansour Aayouni est le chef du projet présenté par le réseau Mourakiboun avec les médias. « Les Tunisiens ont leur façon de travailler qui suscite la curiosité des étrangers», plaide-t-il en réponse à ses détracteurs qui contestent quelque peu les résultats de son analyse. Il poursuit : « Les candidats ne changent pas d’avis en règle générale sur leurs programmes et promesses de campagne. » Il évoque également l’importance de disposer d’une stratégie de campagne pour le candidat dans l’optique du jeu des alliances: « Celui qui ne sait pas avec qui il va, ni où il va ne pourra pas facilement changer d’avis en vue de s’allier de nouveau.
Chiffres clés de l’analyse
L’analyse a été basée sur les vingt-six pages officielles comme le nombre de candidats pour « ne mécontenter personne », affirme M. Aâyouni. Sept pages officielles pour les médias ont été prises en compte. Cinq instances et trois associations ont été consultées. L’échantillon de base de l’étude a été constituées de 1 001 profils facebook actifs et authentiquement identifiés. Environ deux millions d’interactions ont été enregistrées pour construire cette analyse. L’objectif final est de comprendre les formes d’influence et les schémas du comportement électoral dans le réseau facebook.
L’agenda de Mourakiboun durant cette semaine a été présenté par M. Marzouk. Il y aura vendredi matin, une équipe de Mourakiboun qui opérera en mode « veille » pour les activités et le travail en temps réel à deux jours des élections présidentielles. Dimanche, jour du scrutin présidentiel, les membres de l’équipe seront également présents pour la conférence de presse de l’après-midi et une autre tard dans la soirée, vers 21h00 ou 22h00.