
La Presse — L’Humeur précédente évoquait la célébration du cas Erik Satie, musicien inventif et peu connu, l’Humeur qui vient illustre un cas beaucoup plus connu, l’un des plus célèbres de la musique instrumentale ; on s’éloigne dans le temps et dans l’espace jusqu’à atteindre l’époque baroque et Venise où naît et vécut Antonio Vivaldi (1678- 1741), surnommé le prêtre rouge (il prete rosso).
Pourquoi reprendre Vivaldi, pourquoi ces morceaux qui continuent jusqu’à nos jours à inspirer les compositeurs de tous genres de musique, classique, jazz, contemporain ? Simplement parce que les amateurs, les programmateurs radio, les médias spécialisés fêtent le 300e anniversaire des «Quatre saisons», on participe donc à la fête. Aujourd’hui comme hier, personne n’échappe aux Quatre saisons ; dans une publicité, dans une attente de téléphone ou dans un concert, tout le monde a entendu un passage familier de l’un des quatre concertos. Avec Les Quatre Saisons, Vivaldi portera l’art du concerto à son apogée.
Dans ses quelque 500 concertos, il popularisa le concerto solo où un instrument (le plus souvent le violon), dialogue avec l’orchestre, par un usage renouvelé du ritornello. Il inaugure ainsi l’idée de musique à programme, prélude aux poèmes symphoniques du XIXe siècle; un geste audacieux qui élargit le champ expressif de l’instrumental. Ces quatre concertos (les plus populaires de la musique instrumentale et baroque) ont porté Vivaldi sur le pavois des illustres compositeurs.
Chaque concerto est accompagné d’un paysage sonore descriptif, où le compositeur transpose en musique le chant des oiseaux, le frémissement du vent… Vivaldi accompagne sa musique d’un poème qu’il cite, prenons l’Eté, puisque nous entrons de plain-pied dans la saison chaude, nous nous intéressons à ce concerto. Chez Vivaldi, c’est une saison menaçante, elle prend le départ avec l’orage évoqué à travers ses vents chauds en embrassant l’odeur d’été «les travaux des champs où le repos est refusé, la nature en cette saison qui craint le froid et la grêle qui coupe les têtes des épis et leurs tiges…».
Les quatre concertos ont suscité une masse de compositions, Haydn imagine l’été avec un ciel qui s’embrase et le tonnerre finit en textures sonores douces dans le calme, Félicien David improvise sur le 5e soir d’été, l’Argentin Piazzolla y sème son grain avec son bandonéon ; le compositeur anglais, Michael Tipett, en a tiré un opéra qui allie les quatre saisons et les quatre éléments. En 2012, Max Richter en fait une réinterprétation contemporaine, à la croisée du classique, du minimalisme et de la musique ambient ou ambient music contemporaine ( un genre musical propice à la relaxation et la concentration.)
Bref, les succès des adaptations se succèdent et ne se ressemblent pas, les Quatre saisons est un phénomène mondial, il fut même inclus au programme du baccalauréat. «Les Quatre saisons, Voilà une musique qu’on peut écouter les yeux fermés», disait Jean Cocteau.