
L’amnistie fiscale 2025, dernier épisode d’une série de mesures exceptionnelles adoptées par la Tunisie pour renforcer ses recettes et améliorer la relation avec les contribuables, peine à produire les effets attendus. Si ses objectifs étaient ambitieux — apurement des litiges fiscaux, élargissement de l’assiette fiscale, intégration de l’économie informelle et soutien à la trésorerie de l’Etat —, sa mise en œuvre a révélé des faiblesses structurelles persistantes au sein de l’administration fiscale. Ce constat limite la portée budgétaire et économique de l’opération et appelle des réformes ciblées.
1. Objectifs poursuivis par l’amnistie 2025
L’amnistie fiscale visait plusieurs objectifs cumulés : dégager des ressources fiscales immédiates dans un contexte budgétaire sous tension; intégrer durablement des opérateurs issus de l’économie informelle; résorber le stock de contentieux fiscaux non traités; restaurer un climat de confiance entre l’administration et les entreprises, fragilisé par des années de contrôles contentieux; inciter le rapatriement de capitaux étrangers; préparer l’environnement à l’introduction de nouveaux dispositifs de contrôle (facturation électronique, échanges automatiques d’informations fiscales).
2. Principaux constats de mise en œuvre
L’administration fiscale s’est trouvée rapidement dépassée par l’afflux de dossiers, confirmant des insuffisances déjà identifiées lors des précédentes amnisties : manque d’effectifs spécialisés, formation technique insuffisante, outils numériques défaillants, procédures internes non harmonisées. Ces dysfonctionnements ont généré des retards importants dans l’examen des demandes, des décisions contradictoires entre bureaux et des commissions de conciliation peu efficaces.
Le calendrier de paiement imposé s’est révélé inadapté à la capacité réelle des petites entreprises et des contribuables fragiles. Aucune modulation ou assouplissement n’a été prévu, malgré les difficultés économiques structurelles et conjoncturelles (crise de liquidité, réformes sur les chèques impayés, accès restreint au financement bancaire). Cette rigidité a privé une partie significative des cibles visées de la possibilité de régulariser leur situation.Enfin, des signaux contradictoires envoyés par certains receveurs des finances, associés à l’attentisme de plusieurs responsables fiscaux face à des dossiers complexes, ont alimenté l’incertitude et la frustration des contribuables. Cette situation risque d’affaiblir durablement la crédibilité des futures mesures d’élargissement de l’assiette fiscale.
3. Risques identifiés
L’effet contre-productif est à craindre : découragement des contribuables potentiels, renforcement de la défiance envers l’administration fiscale, ralentissement de la formalisation de l’économie informelle, non-atteinte des objectifs budgétaires de court terme. Les recettes fiscales issues de l’amnistie pourraient ainsi se révéler inférieures aux prévisions.
4. Enseignements pour l’avenir
L’échec partiel de cette amnistie confirme l’importance de conditions préalables à toute opération future :
– Renforcement temporaire des effectifs dédiés à l’instruction des dossiers d’amnistie .
– Modernisation urgente des outils numériques, avec automatisation des vérifications préliminaires et meilleure traçabilité des décisions.
– Harmonisation de la doctrine fiscale interne, pour garantir l’unicité des pratiques entre centres régionaux de contrôle des impôts.
– Adaptation des modalités de paiement, tenant compte de la diversité des profils de contribuables (petites entreprises, indépendants, professions fragiles).
– Communication claire, transparente et continue avec les usagers, pour renforcer la prévisibilité et la confiance.
5. Recommandations
– Elaborer un cadre légal souple et différencié pour les futures amnisties, intégrant des options de paiement adaptées à la taille et à la santé financière des entreprises.
– Mettre en place d’une cellule opérationnelle d’amnistie (personnel formé, outils dédiés) distincte des structures ordinaires de contrôle fiscale.
– Évaluer l’impact réel des amnisties précédentes afin d’ajuster les dispositifs à la lumière des enseignements tirés.
– Assurer une coordination étroite entre les structures fiscales, les banques et les opérateurs économiques pour éviter les blocages liés à l’accès au financement.
– Communiquer systématiquement auprès des contribuables sur les droits, obligations et avantages liés à l’amnistie, en particulier pour les acteurs de l’économie informelle.
Conclusion
L’amnistie fiscale 2025 illustre les limites d’une approche centrée sur l’objectif budgétaire sans préparation administrative suffisante. Si le principe de l’amnistie conserve sa pertinence dans le contexte tunisien, sa mise en œuvre nécessite une réforme en profondeur de l’appareil fiscal pour produire des effets durables, tant en matière de recettes publiques que d’intégration des opérateurs économiques au système formel.