
Depuis près de quatre décennies, l’ayatollah Ali Khamenei, Guide suprême de la Révolution islamique d’Iran, œuvre sans relâche pour faire de son pays une puissance régionale capable de rivaliser avec les États sunnites du Golfe tout en confrontant les États-Unis et réprimant toute tentative de réforme intérieure.
Bien qu’il ne fût pas initialement le successeur préféré du fondateur de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Rouhollah Khomeini, Ali Khamenei a progressivement renforcé son influence pour devenir le dirigeant incontesté de l’Iran. Dans l’ombre de son mentor, il a su établir un appareil de sécurité étendu pour consolider son pouvoir, tout en parvenant à naviguer à travers les transitions politiques successives du pays.
Un pouvoir incontesté, mais controversé
L’ayatollah Khamenei a survécu à l’épreuve du temps, voyant défiler plusieurs présidents iraniens et promouvant activement le programme nucléaire du pays, désormais au cœur des préoccupations internationales. Toutefois, depuis le 7 octobre 2023, l’influence de l’Iran au Moyen-Orient a été considérablement affaiblie, notamment après les coups portés par l’entité sioniste, qui a affaibli les alliés clés de la République islamique : le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen, et les milices chiites en Irak.
De plus, en décembre dernier, l’un des plus proches alliés de l’Iran, le président syrien Bachar el-Assad, a perdu son pouvoir, marquant un revers stratégique pour l’Iran.
Une stratégie de compromis pour maintenir le pouvoir
À 86 ans, Ali Khamenei détient depuis 1989 l’autorité suprême sur toutes les branches du gouvernement, l’armée et la justice. Si les élus gèrent les affaires quotidiennes, aucune décision majeure, notamment en ce qui concerne les relations avec les États-Unis, n’est prise sans son approbation explicite.
Profondément hostile à l’Occident, en particulier aux États-Unis, Ali Khamenei a cependant montré plusieurs fois sa volonté de négocier, surtout lorsque la survie de la République islamique est en jeu. Son concept de “flexibilité héroïque”, évoqué pour la première fois en 2013, lui permet de faire des compromis tout en préservant ses objectifs fondamentaux, à l’instar de son mentor Khomeini en 1988 qui accepta un cessez-le-feu après huit années de guerre avec l’Irak.
Accords et tensions nucléaires
En 2015, Khamenei a accepté un accord entre l’Iran et six puissances mondiales, restreignant le programme nucléaire iranien en échange d’un allègement des sanctions internationales. Cette décision visait à stabiliser l’économie iranienne et à renforcer son pouvoir interne. Cependant, après le retrait des États-Unis de cet accord en 2018 sous l’administration de Donald Trump, Khamenei a progressivement relancé son programme nucléaire, sous l’effet des nouvelles sanctions américaines.
Depuis, les tensions entre l’Iran, les États-Unis et l’entité sioniste se sont intensifiées. Khamenei a averti à plusieurs reprises que toute tentative d’agression militaire serait suivie d’une réponse proportionnée, tout en assurant que le peuple iranien prendrait en charge la sécurité intérieure face aux tentatives de déstabilisation.
Une structure de pouvoir sécuritaire renforcée
Le régime de Khamenei repose largement sur une structure de sécurité loyale, notamment le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI) et les forces paramilitaires du Basij. Ces derniers ont été utilisés pour réprimer toute forme de dissidence, que ce soit lors des manifestations de 2009, en réponse à la réélection controversée de Mahmoud Ahmadinejad, ou lors des émeutes de 2022 suite à la mort de Mahsa Amini.
Khamenei a également pris soin de consolider un empire financier par le biais du Setad, un conglomérat parapublic sous son contrôle direct, qui soutient non seulement l’armée mais aussi les milices chiites en Irak, au Liban et au Yémen. Cet empire a également permis de financer l’intervention militaire en Syrie pour soutenir le régime de Bachar el-Assad.
Un leader paranoïaque et résilient
Ali Khamenei est souvent décrit comme un idéologue paranoïaque, profondément marqué par une tentative d’assassinat en 1981, qui l’a laissé avec un bras droit paralysé, et par des années de torture pendant sa jeunesse. Son ascension au pouvoir en tant que Guide suprême en 1989 est vue par certains analystes comme un “accident historique”, transformant un président fragile en l’un des dirigeants les plus puissants de l’Iran moderne.
Depuis la formation de l’”axe de la résistance”, une alliance militaire et politique visant à contrer les États-Unis et l’entité sioniste, Khamenei a vu cette coalition se fissurer au cours des 18 derniers mois, notamment en raison des revers militaires et diplomatiques qu’il a subis.