
LES Tunisiens ont vécu bien des époques où les lois de la discorde étaient adoptées au palais du Bardo à minuit, en présence parfois de 70 ou de 90 députés dont la majorité participait effectivement au vote du projet de loi soumis exclusivement par le gouvernement en place. Exclusivement parce qu’aux époques auxquelles on se réfère, aucune loi n’a été adoptée ou rejetée à la suite d’une initiative législative présentée par un groupe de députés.
Sous Bourguiba et Ben Ali, on profitait des dernières semaines du mois de juillet pour faire passer les lois qu’on estimait douloureuses et dont on craignait une réponse négative de la part du peuple. Quant aux ères des gouvernements de la Troïka I et II, du consensus et de Mechichi, on a enregistré «une première à caractère historique» : les députés votaient et adoptaient des lois dont ils ne connaissaient rien du contenu !
Plus grave encore, ces lois étaient publiées au Journal officiel de la République tunisienne (Jort) sous forme d’un communiqué de trois ou quatre lignes qui indiquait, à titre d’exemple, que le budget de l’Instance vérité et dignité était fixé à 50 millions de dinars, sans aucune indication sur la manière dont cette enveloppe allait être dépensée ou qui pourrait être poursuivi en justice au cas où ces crédits seraient dilapidés par mégarde ou intentionnellement.
Aujourd’hui, au palais du Bardo, en pleine canicule des derniers jours du mois de juillet, au moment où les Tunisiens planifient leurs vacances à Hammamet, à Sousse ou regagnent leurs villages d’origine pour recharger les accus en prévision de la rentrée qui approche à grands pas, les députés — que les experts autoproclamés ayant la science infuse qualifient d’occupants d’une chambre d’enregistrement — s’attaquent à l’un des articles du Code pénal dont l’amendement constitue le fondement essentiel de la réussite de la révolution législative tant rêvée depuis l’avènement de la Révolution de la liberté et de la dignité à la concrétisation de laquelle le Président de la République Kaïs Saïed se dépense quotidiennement et motive ses collaborateurs militants et patriotes en vue de lui donner forme dans les plus brefs délais.
Il s’agit, en effet, de l’adoption par l’ARP du projet d’amendement de l’article 96 du Code pénal, auquel on impute tous les blocages et les astuces exploités par les forces de l’inertie en vue de faire échouer le projet sociétal de la troisième République.
Encore une fois, un grand acquis.