
La Presse — Il était le roi du ciseau, la barbe en biseau, il est le barbier de Belleville, mais un jour, il fit couler involontairement une goutte de shampoing dans l’œil d’une cliente. Fini le salon de coiffure des parents où la maman chantait des airs d’opéra et la radio diffusait du Rossini, Verdi ou Paganini qu’évoquera le barbier dans une chanson « Dis pourquoi tu ranges tes violons Paganini, est-il déjà fini le jour… » et quitte le quartier de Belleville et les couleurs de cheveux des clientes, s’inscrit dans une école d’art dramatique à défaut de cours de chant, une chanson de lui relate ces années.
Il court les castings et décroche son premier rôle dans «Le Voyageur de la Toussaint» (1943), «Les amants de Vérone» (1949) suit, il est sollicité pour accompagner les grands acteurs comme Gabin dans les «Misérables» (1958), Simone Signoret dans «Casque d’or» (1952), etc. S’ensuit une brillante carrière d’acteur ainsi qu’une respectable discographie, une chanson le met sur les bons rails, elle s’appelle «L’Italien», on ne la programme plus ou rarement sur les ondes, je viens de la réécouter, elle tient la route à mon avis, en beauté et en vigueur ; mais la chanson à paroles poétiques à vif perd du terrain au profit des chansons actuelles ( contemporaine, instrumentale, jazz, free, latin, ambient, fusion…) «L’Italien» avec le Barbier de Belleville révèle une bonne partie de sa biographie.
Il s’agit (vous l’avez deviné) de Serge Reggiani, dont on a célèbré la 25e année de sa mort (13 juillet), où l’on apprend qu’il est originaire d’Italie, là où ses parents tenaient un salon de coiffure avant de s’installer à Paris. Michel Legrand lui compose ‘‘Saint Jean Baptiste‘‘ (en 1979, ) suit la chanson de son ami Georges Moustaki, «Ma liberté» (sortie en 1967) qui rencontre un énorme succès ; il la chantera sur la scène de Carthage en 1981.
Et puis vint «Les petits voisins» du dessus qui commence par les notes de «Lettre à Elise» de Mozart connues par tous. A la fin de sa vie, Reggiani s’est mis à la peinture (en amateur), ses toiles ne sont pas appréciées par les critiques ; dans ses derniers enregistrements, il clame son amour pour les artistes qui l’ont précédé ; Michel Legrand, lui compose une chanson «Le Divin Mozart» qui est un ultime hommage au génie de Salzbourg — qui a composé l’opéra Figaro — dans la chanson, il cite ses poètes, ses écrivains et ses artistes préférés : Paul Eluard, Van Gogh, Satie, Apollinaire, Maïakovski… Même si ses nombreux tubes « il suffirait de presque rien, Le temps qui reste ou Sara… » n’ont plus la cote chez les jeunes ; on voit que les références culturelles de l’ancien barbier de Belleville sont solides et pérennes.