Une fois le «tsunami» des résultats inattendus assimilé, les électeurs de tout bord se sont mis à réfléchir aux conséquences pour l’avenir du pays que porte implicitement chacun des deux candidats promus qui s’affronteront au second tour.
Deux hommes, deux projets. Le premier étant un révolutionnaire ultraconservateur qui veut tout restructurer pour «redonner le pouvoir au peuple». Le second, un homme d’affaires qui a réussi et qui a consacré sa chaîne de télévision au «social», mais qui est soupçonné de fausses déclarations fiscales et de blanchiment d’argent, ce qui a conduit la justice à le mettre en prison.
Les deux étaient depuis plusieurs mois aux avant-postes dans les sondages, ce alors que les rapports de force politiques indiquaient une confrontation prévisible entre les nahdhaouis et les «nidaïstes historiques», mais en rangs dispersés. Ce qui a fait croire à une défaillance au niveau des instituts de sondage, puis révélé le secret des urnes.
D’où des réactions désordonnées ayant vite donné lieu à des revirements aussi imprévisibles. Des plébiscites suivis d’hésitations et de renonciations. Avec, en face, un Kaïs Saïed bien droit dans ses bottes, refusant de cautionner quelque parti que ce soit. Malgré l’évidence de l’appui que lui ont déjà apporté des milliers de nahdhaouis que la candidature de Mourou n’avait pas satisfaits.
Ce candidat se réclamant «du peuple» propose de profondes révisions au sein du système politique démocratique classique qui est le nôtre. Il supprimera l’Assemblée élue par l’ensemble des citoyens du pays pour instaurer une «démocratie directe», bâtie sur des comités populaires élus au niveau de chaque région (ou wilaya) qui hisserait chacune ses élus régionaux, qui, à leur tour, devront désigner leurs représentants à l’Assemblée nationale. Une élection sélective à trois étages qui «purifie» les élus et leur tendance.
A l’annonce des résultats du premier tour, plusieurs courants ont vite déclaré leur appui à Kaïs Saïed, d’autres ont plutôt soutenu Nabil Karoui, le «moderniste» qui ne «touchera pas à la pyramide» des institutions. Mais nombreux ont été déboussolés, ne retrouvant aucun de leurs «préférés». Et la galère commença : se frayer un chemin vers un «vote utile».
Or, sur les 1.507 listes de candidats des 33 circonscriptions électorales des législatives, les listes d’indépendants ou de coalition totalisent 885, alors que celles des partis sont au nombre de 687. Ce qui donne l’avantage du nombre aux indépendants pour rechercher des alliances auprès du candidat indépendant Kaïs Saïed.
Mais chacun s’affaire de son côté à rechercher la solution à cet imbroglio. Le tribunal administratif d’abord, qui promet de prononcer, dès ce matin son verdict à propos des appels de six parmi les candidats au premier tour, l’Isie ensuite qui tente par tous les moyens de clarifier l’enchevêtrement des procédures et de leurs complications, les candidats centristes, enfin, qui imaginent toutes les configurations d’alliances entre eux, aussi bien pour le second tour de la présidentielle que pour les législatives.
Ce alors que certains rappellent que la loi prévoit qu’en cas de décès de l’un des candidats, donc d’empêchement définitif, le vote du premier tour doit être tout simplement annulé et les élections refaites. Sauf si Karoui venait à être libéré de suite.